jeudi 31 décembre 2015

Des milliers de personnes rendent un dernier hommage à Hocine Ait Ahmed au siège du FFS

Une foule nombreuse est rassemblée, à l’heure où nous mettons en ligne, devant le siège du FFS à Alger, pour rendre un dernier hommage à Hocine Ait Ahmed, dont la dépouille est arrivée vers 16h à l’aéroport d’Alger.  Plusieurs personnalités politiques algériennes à l’exemple de Said Sadi,  Mouloud Hamrouche, et Ali Benflis se sont déplacées au siège du FFS. On note également la présence de plusieurs diplomates en exercice en Algérie ainsi que Rached Ghanouchi, leader du parti Ennahhda de Tunisie.   Des troupes de Lakhouane ont marqué de leurs chants religieux  l’ambiance de recueillement.   Des centaines de personnes attendent devant le siège du parti pour pouvoir rendre hommage à cet homme qui a passé toute sa vie à militer pour l’indépendance de l’Algérie, puis pour la libération  de son peuple.    Hocine Ait Ahmed est décédé mercredi dernier à Lausanne  en Suisse, à l’âge de 89 ans. Son enterrement aura lieu demain dans son village natal à Ain El Hammam (Tizi Ouzou).  

Annaba : mise en service de la nouvelle aérogare Rabah-Bitat

La nouvelle aérogare Rabah-Bitat d'Annaba a été officiellement mise en service, jeudi, au cours d'une cérémonie présidée par le ministre des Transports, Boudjemaâ Talai. Les premiers passagers traités dans cette nouvelle infrastructure, au nombre de 123, ont pris place à bord d'un Boeing 737-800 de la compagnie nationale Air Algérie qui a décollé à destination de Marseille (France). M. Talai s'est félicité de ce nouvel acquis réalisé en un temps record (4 mois) après plusieurs arrêts de chantier, ce qui démontre, a-t-il souligné, "les capacités des entreprises nationales à relever le double défi de la qualité des travaux et du délai". Le ministre a inspecté les différentes ailes de l'aérogare qui représente, a-t-il indiqué, une "valeur ajoutée pour le secteur des transports dans la wilaya d'Annaba". Il a notamment visité les structures administratives et techniques de l'aérogare comme les guichets d'enregistrement, les espaces d'accomplissement des formalités de douanes et de police et le traitement des bagages. Avec la mise en service de la nouvelle aérogare Rabah-Bitat, la wilaya d'Annaba voit ses capacités de traitement, en matière de transport aérien, passer de 250.000 à 700.000 passagers/an, en plus de la possibilité d'ouvrir de nouvelles lignes domestiques et internationales lorsque les circonstances l'exigeront, a fait savoir M. Talai. Lancé en 2006, le chantier de réalisation de cette infrastructure avait connu plusieurs arrêts dus à des considérations techniques. Un investissement public de 1,5 milliard de dinars a été consenti pour sa construction et son équipement. Le ministre des Transports par ailleurs souligné, au terme de sa visite à Annaba, que les entreprises nationales stratégiques, dont la compagnie Air Algérie, "ne peuvent être, en aucun cas, concernées par la privatisation''. APS


La FNTIEG décide de retirer son préavis de grève

La Fédération nationale des travailleurs des industries électriques et gazières (FNTIEG) a annoncé, jeudi dans un communiqué, sa décision de "retirer" le préavis de grève, après la réunion tenue le même jour pour la mise en oeuvre de l'Accord collectif.

"Tenant compte de la réunion exécutive fédérale tenue mercredi et suite à l'intervention du secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens auprès du Premier ministre, la direction générale de Sonelgaz et le secrétariat général de la FNTIEG se sont réunies jeudi au siège social de Sonelgaz à Alger, à l'effet de la mise en oeuvre de l'Accord collectif N° 01/2015", indique le communiqué.

A ce titre, la fédération "salue la décision du Premier ministre qui conforte la culture du dialogue social et de ce fait prend la décision du retrait du préavis de grève", précise la même source.

Les parties se sont "félicitées des résultats obtenus qui sauvegardent la sérénité du climat au sein des sociétés du groupe Sonelgaz sans perturbations du service public", relève-t-on de même source.

APS



Tlemcen : saisie de plus de treize tonnes de kif traité en 2015

Plus de 13,4 tonnes de kif traité ont été saisies en 2015 à Tlemcen par les Douanes algériennes, lors de 35 opérations ayant impliqué 28 contrebandiers, selon un bilan annuel diffusé jeudi par la cellule de communication e la direction régionale des Douanes.

Cette quantité de drogue, d'une valeur estimée à plus de 809 millions DA a, été saisie grâce à la vigilance des brigades mobiles lors de barrages de contrôle et d'embuscades sur les routes et les pistes à travers la wilaya, notamment sur la bande frontalière, a-t-on indiqué.

Le responsable de la cellule de communication a ajouté que les services compétents ont également saisi 16.000 comprimés psychotropes, 175 grammes de cocaine, 4.020 unités de boissons alcoolisées, 1.915 cartouches de différentes marques de cigarettes et 2.650 paquets de tabac.

Dans le cadre de la lutte contre la contrebande, les douaniers ont saisi 46 quintaux de déchets de cuivre et 3 qx d’aluminium d’une valeur vénale globale de plus de 13 millions DA, ainsi que 327.527 litres de carburant (321.045 l de mazout) et 6.482 litres d’essence. 

La hausse de la quantité de carburant saisie est expliquée par l’intensification des activités de terrain, un large déploiement sur la bande frontalière de manière permanente et par les renforts humains et moyens matériels mobilisés par la Direction générale des douanes dont des véhicules tout terrain.

Ces opérations ont été couronnées par la saisie de 241 véhicules utilisés dans la contrebande dont 19 camions, deux tracteurs, quatre motocycles et des baudets.

Les mêmes brigades ont saisi en 2015 une quantité jugée importante de métaux précieux notamment 3,771 kg d’or, 5,85 kg d’argent d'une valeur globale de plus de 21 millions DA, outre de grandes quantités de produits alimentaires de large consommation surtout ceux subventionnés destinés à la contrebande vers le pays voisin.

APS



Pénétrante du port de Djendjen : Sellal demande d'"accélérer" les travaux

Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal a souligné jeudi à Alger le souci des autorités publiques d'"accélérer" la cadence des travaux de la pénétrante du port de Djendjen (Jijel). Dans sa réponse à une question d'un député lue en son nom par le ministre des Relations avec le parlement Abdelkader Khaoua lors d'une séance plénière à l'APN , le Premier ministre a précisé qu'il a été convenu avec les entreprises chargées de la réalisation du projet du respect des termes de la convention conclue entre les deux parties notamment les délais de réalisation fixés à 36 mois à compter de mars 2014. M. Sellal a affirmé que le projet "a été lancé effectivement" et qu'il fait l'objet d'un suivi par le ministère des Travaux ajoutant  que toutes les entraves ont été levées et que les travaux ont atteint "un taux considérable". Il a en outre mis en avant l'importance du projet (doté d'une enveloppe de 164 milliards de DA) qui traverse trois wilayas (Jijel, Mila et Sétif) sur une distance de 110 km. Par ailleurs, le Premier ministre a indiqué que ce genre de projets implique des contraintes d'ordre technique, financier et administratif à prendre en considération" estimant qu'elles "peuvent être à l'origine du retard des travaux". Il a cité parmi ces contraintes, les lenteurs administratives liées à l'expropriation et la configuration géographique de la région". APS


Arrivée de la dépouille d’Ait Ahmed à Alger

La dépouille du révolutionnaire  Hocine Ait Ahmed est arrivée, ce jeudi après midi, à Alger. Porté de l’avion d’Air Algérie par des éléments de la protection civile, la garde républicaine lui a rendu les honneurs. Les membres du gouvernement et hauts cadres de l’Etat ont rendu un dernier hommage au défunt au salon d’honneur présidentiel de l’aéroport international d’Alger. A l’heure ou nous mettons en ligne, le cortège funèbre quitte l’aéroport en direction du siège national du FFS où une veillée est prévue ce soir. Une importante foule composée de militants, compagnons de parcours, de personnalités nationales  mais aussi de simples citoyens attend l’arrivée de la dépouille de Da L’hocine au siège du parti pour un dernier hommage. Le défunt sera enterré demain, vendredi, dans son village natal  Ath Ahmed à Ain El Hammam. 

La dépouille de Hocine Ait Ahmed rapatriée en Algérie

La dépouille du leader politique et révolutionnaire, Hocine Aït Ahmed, décédé mercredi 23 décembre à Lausanne (Suisse), à l'âge de 89 ans, a été rapatriée jeudi après-midi à Alger. L'avion transportant la dépouille du défunt a atterri vers 16h00 (heure locale) à l'aéroport international d'Alger, Houari-Boumediene, en provenance de la Suisse, a constaté un journaliste de l'APS. APS


Signature de l'arrêté interministériel du crédit à la consommation

L'arrêté interministériel portant sur les conditions et modalités d'octroi du crédit à la consommation, en prévision de son lancement effectif dès la semaine prochaine, a été signé jeudi à Alger par les ministres, respectivement, du Commerce, des Finances et de l'Industrie et des mines. Composé de cinq (5) articles, ce texte réglementaire fixe essentiellement la liste des produits industriels fabriqués ou assemblés localement éligibles au crédit à la consommation.  Cette liste comprend sept (7) catégories de produits tels les voitures, les ordinateurs, les produits électroménagers, les meubles et quelques matériaux de construction. Intervenant lors la cérémonie de la signature de ce texte, le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb, a fait savoir que cette liste de produits "sera étendue en fonction de l'évolution de la sphère de production". Pour la réinstauration effective de ce type de prêt, le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, a souligné, pour sa part, que ce crédit se voulait non seulement un dispositif de consolidation du pouvoir d'achat des consommateurs mais aussi "une mesure de sauvegarde et d'expansion du produit national".  Il a, cependant, souhaité que les ménages veillent à une gestion "vigilante" et "prudente" de leur budget domestique afin de ne pas se surendetter.          De son côté, le ministre de l'Industrie et des mines, Abdessalam Bouchouareb, a suggéré la mise en place d'un autre dispositif qui permettra de réorienter la consommation de la production locale par les institutions de l'Etat, et ce, afin d'accélérer davantage l'appareil de la production nationale. Réintroduit par l'article 88 de la loi de finances 2015, ce crédit est destiné exclusivement aux produits fabriqués ou assemblés localement.  Les prêts bancaires peuvent, en fonction du choix de l'emprunteur, couvrir la totalité du prix du produit acquis mais seront assortis de taux d'intérêt non bonifiés. Les produits éligibles au crédit à la consommation ne sont pas conditionnés par un taux-plancher d'intégration du produit. Afin de s'assurer de la solvabilité du consommateur-emprunteur, une centrale des risques des entreprises et ménages (CREM) a été mise en place par la Banque d'Algérie. Cet outil assure une gestion interbancaire des risques de crédits en intégrant dans son système tous les prêts contractés et les données relatives à la clientèle y compris les défauts de paiement. Les revenus de l'emprunteur devront assurer le remboursement du crédit durant les délais fixés par le décret exécutif relatif au crédit à la consommation, dont la durée est supérieure à trois (3) mois et n'excédant pas les soixante (60) mois.  Gammes de produits éligibles au crédit à la consommation     Les 7 catégories de produits concernées par le crédit à la consommation sont: 1- Activité de fabrication d'appareils électriques et électroménagers: Téléviseurs, vidéo, son et mp3, appareils photos et caméscopes, chauffages, climatiseurs, réfrigérateurs, équipements de cuisine domestique, équipements de lavages domestiques et petits électroménagers 2- Activité de fabrication des téléphones, tablettes et smartphones: Téléphones, téléphones cellulaires et tablettes   3- Activité construction de véhicules automobiles et motocycles de moteurs thermiques: voitures particulières de tourisme et cycles et tricycles à moteur  4- Activité de fabrication de machines de bureau et de traitement de l'information: Ordinateurs, autres équipements informatiques et accessoires   5- Activité de fabrication industrielle d'ensembles d'ameublement en bois à usage domestique: Meubles, ensembles de mobiliers et d'accessoires en bois ou associés à d'autres matières, à usage domestique. 6- Activité des textiles et cuirs: Tissu d'ameublement, tapisserie, moquette et literie.  7- Activité des matériaux de construction: céramique et céramique sanitaire. APS


Neuf contrebandiers et 42 immigrants arrêtés dans le sud du pays

Neuf (09) contrebandiers et 42 immigrants de différentes nationalités africaines ont été arrêtés mercredi dans le sud du pays par des détachements de l'ANP en coordination avec la Gendarmerie nationale, a indiqué jeudi le ministère de la défense nationale (MDN) dans un communiqué.

"Dans le cadre de la sécurisation des frontières et de la lutte contre la criminalité organisée, des détachements de l'ANP relevant des secteurs opérationnels de Tamanrasset, de Bordj Badji Mokhtar et d'In Guezzam/6e Région Militaire, ont appréhendé le 30 décembre 2015, en coordination avec les éléments de la Gendarmerie Nationale neuf (09) contrebandiers et (42) immigrants de différentes nationalités africaines, et ont saisi un (01) camion, trois (03) véhicules tout-terrain, deux (02) motos, un (01) groupe électrogène, 11,475 tonnes de denrées alimentaires, 19.200 unités de produits détergents et une quantité de vêtements", a précisé la même source.

D'autre part, un détachement relevant du secteur opérationnel de Biskra/4e RM "a arrêté un (01) contrebandier et a saisi un (01) camion, un (01) véhicule utilitaire et 16.865 bouteilles de différentes boissons", ajoute le communiqué.

Par ailleurs, des éléments des Gardes-frontières de Tlemcen/2e RM "ont saisi (79) kilogrammes de kif traité, deux (02) voitures touristiques et une quantité de carburant destinée à la contrebande s'élevant à 2.580 litres".

APS 



Aït Ahmed en sa terre éternelle

Même si le recueillement est de mise, la placette attenante au m’qam de Cheikh Mohand Ou L’Hocine s’est transformée en une magnifique agora où se mêlent des gens de tous horizons. Village d’Ath Ahmed, commune d’Ath Yahia. Il souffle un vent glacial sur ce hameau de la Haute-Kabylie, situé à une douzaine de kilomètres de Aïn El Hammam et à une cinquantaine de la ville de Tizi Ouzou. Mais la chaleur humaine compense largement le froid ambiant. De fait, le village natal de Hocine Aït Ahmed connaît, depuis mercredi 23 décembre, date de la disparition de l’ancien chef de l’OS, une ferveur populaire exceptionnelle qui enveloppe d’emblée le visiteur, d’où qu’il vienne. Un débordement d’affection qui vaut tous les manteaux. Nous sommes à J-2 des funérailles de Dda L’Hocine et les flux de population, entre citoyens anonymes et anciens compagnons de combat du défunt président du FFS, ne font que grossir, si bien que le paisible petit village entourant le mausolée de Cheikh Mohand Ou L’Hocine est en proie à des embouteillages dignes du centre-ville de Tizi Ouzou. Un poster géant de Si L’Hocine orne la façade d’un bâtiment attenant au m’qam accompagné de ces mots : «Repose en paix Da L’Hocine». Tout le charisme de Hocine Aït Ahmed, son aura, son regard profond et tendre, son élégance naturelle sont résumés dans ce portrait. La même image nous accueillait dès l’entrée de Tizi, poster géant accroché à la façade de l’ancienne mairie devenue musée. Des posters de plus petit format, toujours à l’effigie de feu Si L’Hocine, scandent le trajet jusqu’à Ath Ahmed. Une iconographie qui revient un peu partout, aux devantures des cafés, des boutiques, des immeubles, des stèles commémoratives, à Mekla, à Ath Hicham, à Aïn El Hammam… «L’Algérie orpheline de Da L’Hocine» On les retrouve également sur les capots des voitures et les fourgons de transport collectif. Sur une artère de «Michelet», une large banderole, de couleur noire, est déployée entre deux immeubles avec ces mots : «L’Algérie orpheline de Dda L’Hocine». Si ces mots disent bien la tristesse qui accompagne inévitablement le deuil, force est de souligner que l’émotion toute légitime qui se lit sur les visages est extrêmement digne. A certains égards, le deuil, en l’espèce, a même des airs de fête citoyenne tant le village d’Ath Ahmed respire la vie et la jeunesse. Même si le recueillement est de mise, la placette attenante au m’qam de Cheikh Mohand Ou L’Hocine s’est transformée en une magnifique agora où se mêlent, dans une atmosphère guillerette, des gens de tous horizons, de tous âges et de toutes conditions : des jeunes, des moins jeunes, des femmes, des vieux, des enfants, des militants aguerris, d’autres tout frais émoulus de l’école politique du FFS ou d’autres formations, des compagnons de lutte qui prennent spontanément la parole pour relater tel ou tel épisode du parcours trépidant de Dda L’Hocine… Des portraits de l’ancien chef de l’OS accrochés à un mur reproduisent, en outre, quelques moments forts de sa biographie hors normes. Une file s’est formée derrière une table pour laisser quelques mots sur un registre de condoléances. L’on se bouscule presque pour échanger une accolade fraternelle avec Boussaad, Tayeb, Rachid ou quelque autre membre de la famille du défunt. Des boissons chaudes et des rafraîchissements sont proposés aux visiteurs. Et l’on peut tranquillement prendre place sous un chapiteau sans que quiconque vous demande votre nom ou votre fonction. C’est tout l’esprit des funérailles désirées par Aït Ahmed : dignes et sobres, des obsèques sous le signe de l’humilité, au plus près des gens. «Depuis le premier jour (après le décès d’Aït Ahmed, ndlr), ce sont des centaines et des centaines de personnes qui viennent présenter leurs condoléances, dans le calme», témoigne Boussaad Aït Ahmed, un proche de Dda L’Ho, particulièrement sollicité ces derniers jours. «Il sera enterré dans la tombe de sa mère» «Tout le monde lui rend hommage : les anciens du PPA, du MTLD, des Scouts musulmans, de 1954, du FFS… Il y a toutes les générations, ici. Et cela dure jusqu’à 2h. Ça n’arrête pas. Nous recevons tout le monde dans le calme et la sérénité, comme il l’a souhaité.» Boussaad revient sur le choix fait par Si L’Hocine de reposer en paix dans son village natal : «S’il a choisi d’être enterré au village, c’est précisément dans le but de permettre à tous les citoyens de se recueillir à sa mémoire. Durant toute sa vie, il a été un homme simple. Il a toujours refusé le leadership. Il disait toujours : ‘Je suis un militant de la cause nationale, un militant du FFS et un militant des droits de l’homme.’ Il n’a jamais voulu être un chef. Il a toujours rendu hommage au peuple algérien. Il disait : ‘Sans le soutien du peuple, la France ne serait jamais sortie.’ Il n’était pas élitiste. Il a toujours été du côté des humbles. C’est pour cela qu’il a voulu un enterrement simple, comme tout le monde.» Notre hôte précise, par ailleurs, que Hocine Aït Ahmed sera inhumé dans la tombe de sa mère, à côté du mausolée abritant Cheikh Mohand Ou L’Hocine. «En 1983, les autorités l’ont empêché de voir sa mère une dernière fois et c’est maintenant l’occasion pour lui de la rejoindre. Un jour, il nous a fait cette confidence : ‘Ourwighara ma famille’ (je ne suis pas rassasié de l’affection des miens, ndlr)». Boussaad indique que l’enfant prodigue d’Ath Ahmed, malgré un agenda chargé, avait trouvé tout de même le temps de faire quelques retours-éclairs dans son village natal, notamment en 1990 et 1996. «Il faisait de petites virées intimes car il était très occupé, toujours en mouvement.» «On reçoit tous les citoyens, sans protocole» Concernant les derniers «réglages» organisationnels, tout est fin prêt pour accueillir la dépouille du président du FFS. Boussaad a tenu, à ce propos, à saluer la mobilisation des villageois qui se sont formidablement impliqués dans les préparatifs des funérailles. «Depuis qu’on a reçu la nouvelle de sa mort, on a commencé à se préparer. Et là, spontanément, les gens se sont proposés par centaines pour nous aider. Ils se sont constitués en comité, ils ont fait des listes et le FFS a chapeauté l’événement. Le parti s’est chargé de préparer des badges pour le service d’ordre, pour la presse, pour les gens qui vont intervenir sur les lieux, ici.» Notre interlocuteur souligne, dans la foulée, que c’est le parti qui prend en charge «le volet politique». Boussaad Aït Ahmed a insisté sur le fait que tout s’est fait dans l’esprit des obsèques souhaitées par Si L’Hocine, c’est-à-dire dans la sobriété la plus totale. «Le testament de Si L’Hocine était d’organiser un enterrement simple, simple, simple, dans l’humilité. Et nous, notre rôle est de recevoir tous les citoyens, de toute l’Algérie, sans protocole. Toute personne qui veut venir est la bienvenue. Nous recevons tout le monde.»  Boussaad explique que l’essentiel de la cérémonie funèbre se déroulera sur une plateforme qui domine le village, située à quelques encablures d’Ath Ahmed. Les travaux se sont intensifiés ces derniers jours autour de cette plateforme, sise au lieudit Thissirth n’Cheikh (la meule du cheikh). Un gigantesque chapiteau a été monté pour accueillir la cérémonie de recueillement prévue demain. Le terrain a été diligemment bitumé. «Il a été transformé en un temps record en aérodrome», glisse un haut fonctionnaire. «Nous avons mis en place un circuit balisé par un cordon, et les gens vont défiler autour de sa dépouille pour un dernier hommage». détaille Boussaad Aït Ahmed avant de lancer ce message : «Je lance un appel à la population : s’il vous plaît, celui qui fait le recueillement est prié de repartir tout de suite après, autrement, nous allons être débordés.» Appel à la sagesse Boussaad Aït Ahmed exhorte également ceux qui feront le déplacement pour accompagner Si L’Hocine à sa dernière demeure à faire preuve de «sagesse» «et je sais que les gens sont sages. Qui va vouloir faire du mal à Si L’Hocine ? C’est le coeur même de son message». Boussaad Aït Ahmed a tenu à délivrer un dernier message à l’intention, cette fois, des nombreux adeptes des zaouïas qui ont coutume d’observer tous les jeudis soir des veillées spirituelles au m’qam de Cheikh Mohand Ou L’Hocine, sachant que nombre d’entre eux passent la nuit dans les dépendances du mausolée. «Exceptionnellement, pour ce jeudi, nous demandons aux visiteurs du mausolée de s’abstenir de passer la nuit sur les lieux. Ce n’est nullement pour les rejeter. C’est juste que nous avons besoin de cet espace pour préparer l’enterrement. Nous comptons sur leur compréhension.» A noter enfin que «toute la cérémonie funèbre se déroulera à Thissirth n’Cheikh. Après, l’enterrement se déroulera dans l’intimité familiale». Tayeb Seklaoui, autre proche du défunt du côté maternel, est au four et au moulin. D’une disponibilité à toute épreuve, il veille au grain avec sollicitude. Lui aussi salue la mobilisation citoyenne exceptionnelle qui aura permis à ce petit village de relever brillamment le défi d’organiser des funérailles de cette ampleur en l’honneur de Si L’Hocine. «Pour l’instant, tout va très bien, conformément à son souhait. Son vœu sera exaucé», soupire notre ami. M. Seklaoui nous confie que les volontaires qui se sont proposés généreusement pour offrir leurs services sont originaires de plusieurs villages et même d’autres wilayas. «Certains sont venus même de Bouira», dit-il. Idem pour les travaux d’embellissement qui, outre les communes environnantes et la wilaya qui ont mobilisé de gros moyens, ont vu l’implication de nombreux entrepreneurs privés. «Si L’Hocine fait partie de toute la famille Algérie. C’est un proche, certes, mais il était proche de tous les Algériens. Il appartient à toute la nation et à tout le Maghreb de façon générale» fait remarquer Tayeb Seklaoui, avant d’ajouter : «Il a toujours voulu être enterré parmi les siens avec simplicité, sans tambour ni trompette.» Comment Aït Ahmed s’est évadé d’El Harrach Et pendant que les différentes équipes techniques s’attellent à apporter les dernières retouches, des flots de visiteurs continuent à converger vers le hameau d’Ath Ahmed pour un dernier hommage à Si L’Hocine. Les témoignages sur la vie et l’œuvre du chef historique fusent de partout. Nous eûmes ainsi le plaisir d’écouter le récit truculent que nous a fait son oncle, Mohand-Saïd Aït Ahmed, 90 ans, un ancien de 1963, qui joua un rôle décisif dans son évasion de la prison d’El Harrach, le 1er mai 1966, après deux ans de détention. Si Mohand-Saïd nous livre un témoignage saisissant sur cet épisode rocambolesque : «J’allais régulièrement lui rendre visite à la prison d’El Harrach. Et ce 1er mai 1966, je suis allé le voir accompagné d’une Anglaise qui avait soutenu la Révolution algérienne. C’était une journaliste, elle s’appelait Miss Pop. Comme il devait y avoir une importante réunion ce jour-là entre l’UGTA et le gouvernement, tout le monde était préoccupé par cette réunion. Même le directeur de la prison était réquisitionné pour cet événement. On avait choisi cette journaliste car elle était grande de taille, comme Hocine. Avec la complicité d’un gardien acquis à notre cause, il a revêtu le vêtement kabyle que portait cette Anglaise. Il a également mis une perruque. Nous sommes sortis sans que personne ne s’en rende compte. Nous avons été hébergés pendant quelques jours dans un appartement, à El Biar, mis à notre disposition par un député qui s’appelait Bentoumi. Après un certain temps, ce même député nous a conduit chez son beau-frère, qui était poissonnier dans un petit port, près de Bordj El Kiffan. Il a donné à Aït Ahmed une caisse de poissons pour le camoufler. Nous avons ensuite embarqué dans un bateau qui nous a conduit jusqu’à Marseille...» De là, Aït Ahmed a gagné Lausanne après avoir transité par Paris. Et le délicieux baroudeur de lancer en parlant de son neveu : «Il a milité toute sa vie pour la démocratie, pour la liberté d’expression et d’association. Il n’a jamais cherché à être président de la République !»  

Le parcours d’un combattant vers sa dernière demeure

Le cortège se rendra au siège du Front des forces socialistes, 56, avenue Souidani Boudjemaâ, où une cérémonie de  recueillement ainsi qu’une veillée sont prévue à la mémoire du défunt. C’est aujourd’hui qu’arrivera à Alger la dépouille de Hocine Aït Ahmed. Un retour au pays douloureux mais porteur d’un paisible repos pour ce grand homme forcé à l’exil pour avoir voulu le meilleur des destins à l’Algérie. Son enterrement sera le rendez-vous de tous les symboles. Le combat du révolutionnaire, du démocrate et de l’homme sera souligné à chacune des escales prévues par la cérémonie d’hommage. «Une cérémonie et des symboles en accord avec le parcours et les combats d’une vie», indique un communiqué de la direction nationale du FFS. «La dépouille de M. Aït Ahmed sera rapatriée jeudi 31 décembre 2015 à 16h à l’aéroport d’Alger où les honneurs lui seront rendus par la Garde républicaine, en présence de sa famille et de membres de la direction nationale du FFS», souligne le communiqué du plus vieux parti de l’opposition. Le cortège se rendra ensuite au siège du Front des forces socialistes, au 56, avenue Souidani Boudjemaâ, où un recueillement est prévu sur la dépouille du défunt ainsi qu’une veillée à sa mémoire. La levée du corps aura lieu demain à 7h. Avant de prendre la route vers Tizi Ouzou, le cortège funèbre passera par la commune de Belouizdad. Hocine Aït Ahmed, dont la vie a été une suite de rendez-vous avec le combat pour la liberté et la démocratie, a connu ce cœur d’Alger qu’est Belouizdad dans lequel l’Organisation Secrète, qu’il présida après son compagnon Mohamed Belouizdad, a vu ses premières activités. Tout un symbole, ce passage permet non seulement de souligner quelques-uns des moments militants de Si L’Hocine mais aussi son attachement à ces quartiers de la capitale, cœur battant d’une Algérie qui sait donner le meilleur d’elle-même quand l’histoire le lui exige. Le cortège funèbre reprendra ensuite son parcours menant le grand combattant vers Tizi Ouzou. «Le cortège funèbre traversera après la commune de Belouizdad, la commune des Issers à Boumerdès et la commune de Tizi Ouzou», note le communiqué du FFS avant de préciser que l’enterrement aura lieu le jour même après la prière du vendredi, au village Ath Ahmed, dans la commune d’Ath Yahia. «A la fois grand et humble, Hocine Aït Ahmed a consacré sa vie à contribuer à rendre la grandeur aux humbles et à inviter les grands à l’humilité», souligne la direction nationale du FFS. Et d’ajouter dans son hommage que Hocine Aït Ahmed, né à Aïn El Hammam le 20 août 1926, «a porté la Kabylie dans son cœur comme le cœur vibrant de l’Algérie, partout où l’ont mené ses combats et l’exil. Il a émis le vœu d’être enterré dans son village natal, Ath Ahmed». Le communiqué de la direction rappelle que le grand Aït Ahmed est «issu d’une famille maraboutique musulmane, il a mené ses combats politiques dans la stricte séparation du politique et du religieux. Humaniste fervent, il a défendu des principes de tolérance dans le respect de toutes les religions et de tous les rites, loin de tous les extrémismes. Le Coran l’accompagne de l’annonce de son décès jusqu’à sa dernière demeure». Et de souligner : «Révolutionnaire patriote, moudjahid et républicain de la première heure, il a été un des membres fondateurs de l’OS, du FLN et de l’ALN dans son combat pour la libération de l’Algérie. Son cercueil sera enveloppé de l’emblème national pour lequel il a combattu. Il recevra à son arrivée sur le sol national les honneurs de la Garde républicaine de l’Armée nationale populaire, en la présence de sa famille et de membres de la direction nationale du FFS.»  La vie militante et combattante de Hocine Aït Ahmed ne se limita pas à la guerre de Libération ; il en fit un combat permanent pour une liberté réelle et effective dans son pays. Le choix de son enterrement dans son pays et dans son village natal symbolise à lui seul son attachement à sa terre et à son peuple. «Militant de la démocratie, de la légitimité populaire, de l’Etat de droit, des droits de l’homme, de l’unité nationale, de la paix civile et de la justice sociale, ses funérailles seront nationales et populaires, pour permettre au peuple et au pays auquel il a dédié sa vie de lui rendre un dernier hommage», indique la direction du FFS.

L’illustre ancêtre

Décédé en 1901, Cheikh Mohand Ou L’Hocine a été enterré en son fief. Sa tombe deviendra un haut lieu de pèlerinage et ses nombreux dits, des dictons que l’on se répète à ce jour. Cheikh Mohand Ou L’Hocine serait né en 1838. Originaire de Werdja, comme Lalla Fadhma n’Soumer, avec laquelle il est lié par des liens de sang, il s’est installé au petit hameau d’Ath Ahmed vers 1870, après avoir fait le tour de plusieurs zaouïas de Kabylie. Plus qu’un exégète qui se contente d’interpréter les textes sacrés, c’est un sage, un érudit, un poète au verbe éloquent. Conjuguant à merveille la sagesse kabyle et la parole divine, il entreprend d’instaurer une religion pragmatique toute maghrébine, à base de paix, de travail et de tolérance. Sa réputation ne cesse de grandir au point que le petit village, dont il a fait son fief, est devenu le point de pèlerinage et de convergence de milliers de citoyens. On vient des  quatre coins de la Kabylie afin de le solliciter pour un arbitrage autour d’un litige ou pour un simple conseil avisé. «On venait demander son avis pour toute chose. Aussi bien pour l’achat d’une paire de bœufs ou d’un champ que pour rendre justice lors d’un conflit entre deux parties rivales», raconte Boussaad Aït Ahmed. C’est un véritable palais de justice qui s’instaure sur ce flanc discret du Djurdjura, au point que le juge de paix désigné par l’administration coloniale à Tizi Ouzou se retrouve au chômage, n’ayant point d’affaires à traiter. Il s’en offusque et convoque ce «personnage» qui lui dispute ce droit régalien que la France coloniale lui a octroyé. Cheikh Mohand, évidemment, ne répond pas à la convocation et le juge finira par se rendre lui-même à Ath Ahmed pour voir de près à quoi ressemble ce savant que tout le monde vénère comme un saint. Après avoir fait poireauter l’illustre magistrat, Cheikh Mohand finira par le recevoir dans son modeste abri d’anachorète. Néanmoins, celui-ci veut mettre son intelligence et sa perspicacité à l’épreuve. Il lui lance alors : «Pourras-tu me dire combien de litres d’eau contiennent les mers et les océans ?» «Bien sûr», répond Cheikh Mohand. «Je te le dirais si tu arrêtes les fleuves et les rivières qui s’y déversent pour me permettre de compter», ajoute malicieusement le vénérable Cheikh. Lors de la fameuse insurrection de 1871, menée par El Mokrani et Cheikh Aheddad, Cheikh Mohand Ou L’Hocine fera montre d’une prudente neutralité, même si la révolte est essentiellement portée par les adeptes de la Tariqa Rahmaniya, la confrérie à laquelle il appartient. Il aurait dit : «ûdhagh rebbi yidwen ur digh, anssi nidhen ur d awendekigh (je jure par Dieu que je ne marcherai ni avec vous ni contre vous).» Au cours des années 1870 marquées par la faim et la misère de larges couches de la société paupérisées par l’insurrection et ses terribles conséquences, la zaouïa devient un refuge qui offre à boire et à manger à des milliers de visiteurs tout au long de l’année. «Les offrandes des plus riches permettaient de nourrir les plus pauvres», explique Boussaad Aït Ahmed. C’est le Cheikh qui ordonnera de bâtir ces fameux tunnels qui traversent le sous-sol d’Ath Ahmed et qui serviront lors de la Révolution de 1954. Avec son illustre aîné, Cheikh Aheddad, Mohand Ou L’Hocine aura un différend historique. Incapables de s’entendre, les deux légendes se seraient jeté à la face de sinistres prophéties qui finiront par advenir. Cheikh Aheddad verra sa maison ravagée et sa mort en exil alors que Cheikh Mohand mourra sans descendance pour lui succéder. Décédé en 1901, Cheikh Mohand Ou L’Hocine sera enterré en son fief. Sa tombe deviendra un haut lieu de pèlerinage et ses nombreux dits, des dictons que l’on se répète à ce jour.  

«Aït Ahmed avait une grande capacité d’écoute»

Saïd Khelil était cadre du Front des forces socialistes. Il avait côtoyé Hocine Aït Ahmed pendant une quinzaine d’années. C’est à ce titre qu’il apporte son témoignage sur le chef historique du FFS dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder. - Quelle image gardez-vous de Hocine Aït Ahmed ? C’était un homme affable, proche des militants. Il n’était pas ce chef distant et cassant. Son charisme suffisait pour exercer l’autorité. Humainement, il était très communicatif, du moins durant la période où on a travaillé ensemble. Il communiquait beaucoup et avait une capacité d’écoute rare. Il posait des questions et écoutait et cela l’aidait d’ailleurs. A l’époque où il dirigeait la direction nationale en Algérie, il y avait beaucoup de collégialité dans la prise de décision. C’était un homme attachant, remarquable et bienveillant. - Dans quelles circonstances l’avez-vous rencontré ? A l’époque, on militait au sein du FFS, une organisation clandestine. J’ai rencontré Hocine Aït Ahmed après les événements de 1980 (Printemps berbère, ndlr) et en 1985 lors d’un passage à Paris. C’est Mouloud Naït Maouche qui m’a fait rencontrer à la fois Ali Mécili et Hocine Aït Ahmed qui me connaissait en tant que militant. J’avoue que j’étais curieux de lui parler de vive voix. Sans prétention, je devrais dire que c’était  une découverte mutuelle. J’ai découvert un mythe personnifié. Cela correspondait à ce que j’imaginais. Il rayonnait, il débordait, il était très expressif. Puis, on est rentré dans le vif du sujet. La discussion tournait autour de la situation politique du pays suite aux arrestations des amis, militants de la Ligue des droits de l’homme en 1986. Il n’avait pas donné d’instructions, mais plutôt des échanges. Pour nous, il était une source d’inspiration, d’idées. - Et la dernière rencontre ? Des années sont passées et avec le terrorisme, des divergences sont nées et j’ai dû quitter le FFS. Mais franchement, j’aurais traîné une grosse frustration de ne pas le rencontrer et le saluer avant la rupture. Il a fallu attendre 2010 pour qu’enfin j’eue l’opportunité de le revoir à l’occasion d’un hommage à Mécili. Djamel Bensbaâ, ancien membre de la direction nationale du FFS, et moi-même étions partis pour le saluer. Il nous a reçus chaleureusement. On a discuté longuement, et c’est dire la grandeur de la personne. J’étais conscient que ça allait être la dernière rencontre. J’étais soulagé, car j’ai revu Hocine Aït Ahmed, ce grand dirigeant. - Quelle a été sa pédagogie politique envers les militants ? Il était très accessible, il était dans un esprit d’échanges, même contradictoires. Mais, je dois avouer que quand il était loin du pays, la prise de décision était compliquée. Aït Ahmed avait une immense stature, c’était un père de la Révolution, mais aussi un intellectuel qu’on écoutait avec délectation. On était dans une vulgate révolutionnaire, où les slogans sonnent avec l’action politique. On était aussi dans des échanges intellectuels. Le FFS était un creuset de réflexion, il y avait des universitaires de renom comme Benissad ou encore Bencheikh, sans oublier ceux qui sont dans la direction nationale comme Bouhadef et Lahlou. Au FFS, il y avait des activistes et des universitaires. La mayonnaise avait bien pris, mais les événements douloureux qu’a connus le pays ont fait que cela n’a pas abouti. Après son départ du pays, il y a eu la formule magique de la SGPI (secrétariat général par intérim). A Tizi Ouzou, il y avait Hamdani, Halet, Hamid Lounaouci et moi-même et à Alger, il y avait Bouhadef, Debaili, Djedai, Ali Rachedi et Daoud. Il y avait aussi Djamel Bensbaâ et Brahimi. C’était une gestion qui avait ses limites. J’ai une pensée pour Mahiou, victime de son dévouement, et aux martyrs de la démocratie. - On prête souvent à Aït Ahmed des propensions au «zaimisme», à l’évacuation de la contestation au sein du FFS. Est-ce vrai ? L’heure est au recueillement, à l’hommage et à la méditation. L’histoire d’Aït Ahmed est liée à l’histoire de la nation dont il est l’un des pères fondateurs. Outre son apport à la Révolution, il faudra noter que les années 1990 étaient une période trouble, complexe sur le plan politique et social. Il n’y a pas eu une adaptation à toutes ces évolutions. On avait en plus connu un désert politique de trois décennies et on était exigeants envers ce dirigeant. En tout cas, il était un homme avec ses forces et ses limites. Il a irrigué de ses idées et de sa démarche une scène politique indigente face à un système monolithique, fermé. On s’était retrouvé dans une impasse génératrice de crises et pour ne pas éluder la question, je dois dire que l’environnement politique de l’époque n’a pas permis une évolution sereine de transition au sein du parti, de mon point de vue, depuis son éloignement. - Aït Ahmed sera enterré dans son village natal. Qu’est-ce que cela symbolise pour vous ? Cela ressemble au personnage. Jusqu’à la dernière minute, sa relation plus que mouvementée avec les autorités sera marquée par un dernier affront en refusant El Alia. C’est un juste retour des choses, ramener l’histoire à sa source, c’est-à-dire d’où il est parti.                                        

Des milliers de personnes au départ de Béjaïa

Près de 4000 personnes se sont inscrites à Béjaïa sur les listes ouvertes par les sections du FFS en vue de se rendre, demain, à l’enterrement du chef historique Hocine Aït Ahmed, dans son village natal, à Ath Ahmed, a appris hier El Watan de Moulahcène Aziz, fédéral par intérim du FFS à Béjaïa. «Le travail pour organiser le déplacement vers le lieu de l’enterrement se déroule normalement ; chaque section est instruite d’inscrire les citoyens qui veulent s’y rendre. Jusqu’à présent, nous en avons enregistré 3640 sur nos listes, qui sont toujours ouvertes», affirme Moulahcène Aziz. La même source ajoute que 130 bus avaient été réservés jusqu’à hier après-midi et que ce chiffre est appelé à être revu à la hausse. Puisque, ajoute-t-il, au niveau des 52 communes que compte la wilaya, les gens continuent à affluer pour s’inscrire, avant la clôture des listes, aujourd’hui à midi. D’après le secrétaire de la section de Béjaïa-ville, Guerrout Djelloul, en plus des véhicules loués par le parti, des propriétaires de bus se sont portés volontaires pour acheminer à titre gracieux les citoyens vers Ath Ahmed. A ces personnes s’ajouteront celles qui vont faire le déplacement par leurs propres moyens. Au niveau des sièges de section du FFS, l’organisation va bon train. Le départ de Béjaïa-ville et des communes limitrophes est prévu demain entre 3h et 3h30, informe Moulahcène Aziz, tandis que l’horaire de départ dans les autres communes est établi suivant la distance les séparant du lieu de l’enterrement. Sur place, un comité pour assurer l’organisation. La section de Béjaïa a prévu une liste avec le nom et le numéro de téléphone de chaque voyageur afin d’assurer l’organisation, précise Guerrout Djelloul. Que ce soit au niveau des sections locales du FFS ou au niveau des points de ralliement improvisés par des citoyens ou des militants pour la circonstance, la mobilisation ne laisse aucun doute sur la sympathie et l’admiration qu’ont les gens pour l’auguste chef historique. Au bureau de la section FFS de Béjaïa-ville, les citoyens affluent sans discontinuer, qui pour adresser son message de condoléances de vive voix aux militants préposés à la permanence, qui pour témoigner sympathie et solidarité à la famille du défunt sur le volumineux registre prévu à cet effet, qui pour s’inscrire afin de se rendre à l’enterrement. Avant-hier soir, les citoyens ont été conviés au bureau afin de regarder des documentaires et témoignages sur la vie et le riche parcours militant  de Dda L’Hocine. «Nous avons projeté un documentaire ainsi qu’un témoignage du regretté Ali Mécili sur la vie, le parcours militant et l’idéal démocratique voulu par Si L’Hocine. On a également allumé des bougies à sa mémoire»,   a confié Guerrout Djelloul. Hier matin, dans la même ambiance de recueillement — auquel se mêlait une sobre et presqu’invisible satisfaction après l’annonce de la victoire du candidat FFS, Mohamed Bettache, aux sénatoriales — les gens continuaient de se rapprocher du siège de la section pour grossir les listes des candidats au déplacement. Des cadres locaux se sont, dès hier, rendus à Alger afin d’accueillir la dépouille du défunt qui arrivera à l’aéroport Houari Boumediène vers 16h avant d’être acheminée vers le siège du FFS, où une veillée est prévue jusqu’à 7h. L’enterrement aura lieu demain après-midi dans l’intimité, selon le fils du défunt, Jugurtha Aït Ahmed.

Rassemblement populaire à Oran

Un vibrant hommage a été rendu, hier en fin d’après-midi, au héros de la nation, Hocine Aït Ahmed, lors d’un rassemblement populaire organisé par la société civile sur la place du 1er Novembre (ex- place d’Armes). Cette initiative citoyenne a vu la présence de centaines de personnes venues témoigner leur gratitude à l’architecte de l’indépendance, ravi aux Algériens mais pas à l’histoire, le 23 décembre. Le rassemblement, initié par la société civile, était encadré par l’association des jeunes intellectuels qui se sont joints à l’appel, aux côtés de la Ligue algérienne des droits de l’homme. Dès 16h, les gens ont commencé à affluer. Des banderoles et des photos de feu Hocine ont été affichées ainsi que des pancartes sur lesquelles on lit : «Tu resteras éternellement dans nos cœurs, Hocine Aït Ahmed.» Après la lecture de la Fatiha du Saint Coran et l’hymne national, l’heure a été au recueillement dans une vive émotion et une ambiance digne de l’événement. Plusieurs citoyens ont exprimé leur souhait d’aller jusqu’à Aïn Hammam (wilaya de Tizi Ouzou) pour assister aux funérailles populaires, demain. Les représentants des partis politiques, les officiels et la société civile n’ont cessé, cette semaine, de se rendre au bureau du FFS à Sidi El Houari pour signer le registre des condoléances, tout comme beaucoup de citoyens qui gardent le souvenir d’un grand homme en la personne de Dda L’Hocine, considéré comme le plus grand stratège de la Révolution. «Il s’agit du dernier porteur de l’esprit de Novembre qui a pu transmettre cet amour du pays et ce sens du courage et des responsabilités aux générations suivantes, en adoptant une noble attitude jusqu’à son dernier jour. C’est le souvenir que nous gardons et que nous transmettrons à nos enfants», nous a confié Mme Bakhta, venue au rassemblement avec ses petits-enfants.

Le Président signe la loi de finances 2016

Une centaine de parlementaires appartenant à dix formations politiques ont adressé une lettre au président Bouteflika, lui demandant de ne pas signer une loi de finances jugée «antisociale, antidémocratique et antinationale». Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, officialise en cette fin d’année 2015 l’entrée en vigueur de la loi de finances 2016, adoptée il y a quelques semaines par les deux Chambres du Parlement, malgré une forte contestation de l’opposition et son rejet franc et clair de plusieurs dispositions qualifiées d’antinationales. Une levée de boucliers et une manifestation de rejet au sein même de l’hémicycle qui n’ont pas empêché le gouvernement de faire passer en force le projet de loi de finances en question et de manœuvrer pour y inclure la plupart des points contestés, arguant de sa clairvoyance économique dans une conjoncture difficile pour le pays et minimisant les retombées néfastes sur les entreprises publiques et le pouvoir d’achat du citoyen. En apposant sa signature sur le texte de la loi de finances 2016, à la faveur de la tenue du dernier Conseil des ministres de l’année, le Président oppose par la même occasion une fin de non-recevoir aux doléances de l’opposition qui, malgré le passage entériné du texte de loi devant le Parlement, continue de clamer la justesse de sa position en demandant au premier magistrat du pays de surseoir à l’application d’une loi jugée dangereuse et imposée à l’Algérie de l’extérieur, dans le sillage de la baisse des prix du pétrole ayant grandement affaibli le pays. Une centaine de parlementaires appartenant à dix formations politiques avaient même adressé une lettre au président de la République lui demandant de ne pas signer une loi de finances, jugée «antisociale, antidémocratique et antinationale». Le FFS, de son côté, s’est réservé le droit de continuer à manifester sa réprobation au texte de loi. Il est à rappeler que l’opposition conteste notamment l’article 66, interprété comme une nouvelle tentative de lancer la privatisation des entreprises publiques après celle enclenchée dans les années 1990, avec en bout de course  des résultats désastreux ayant quasiment détruit le secteur public. L’article 66 relatif à l’ouverture du capital des entreprises publiques avait été abrogé lors de la réunion de la commission des finances et du budget de l’APN, mais le ministre des Finances a réussi à le maintenir en reformulant son énoncé. L’article stipule ainsi que «toutes les entreprises publiques qui réalisent des opérations de partenariat doivent ouvrir leur capital à l’actionnariat national résidant. Celles-ci devront conserver 34% du total des actions ou parts sociales. A l’expiration de la période de 5 ans et après constatation dûment établie du respect de tous les engagements, l’actionnaire national peut lever, auprès du Conseil des participations de l’Etat, une option d’achat des actions détenues par l’entreprise publique». Par ailleurs, l’article 71 de la LF 2016 permettant au gouvernement de signer des décrets d’ajustement pour annuler des crédits votés sans en revenir au Parlement est vivement contesté, alors qu’au sens du ministre des Finances, il n’y a rien à redire en définitive puisque les montants des budgets votés par le Parlement seront respectés et qu’ils ne s’agit, au final, que de faire en sorte de collecter les ressources au profit de projets jugés prioritaires. En outre, l’opposition conteste l’article 54 relatif à la cession par voie de gré à gré des biens des collectivités, l’article 59 qui ouvre la possibilité aux opérateurs privés de recourir sous certaines conditions à l’endettement extérieur et l’article 70 relatif à l’allégement de la règle des 51/49%, ainsi que l’article 62 élargissant la création et la gestion des zones industrielles au privé.  

Des montants en devises voyagent d’un compte à un autre

Au deuxième jour de l’audition de l’accusé Mohamed Réda Djaafar, patron de la société de télésurveillance et d’une société algéro-allemande qui a obtenu auprès de Sonatrach des marchés dans le domaine de la surveillance électronique, le procès s’est enlisé dans une valse de montants en devises voyageant d’un compte à un autre, au point de donner le tournis. L’accusé reconnaît avoir transféré des sommes en euros sur les comptes des Meziane, mais nie toute relation entre ces faits et les marchés obtenus auprès de Sonatrach… Le procès de l’affaire Sonatrach 1 a repris hier au tribunal criminel près la cour d’Alger, avec la poursuite de l’interrogatoire de Mohamed Réda Djaafar Al Smaïl, patron de la société privée Contel Algérie et d’une entreprise algéro-allemande spécialisées dans les équipements de télésurveillance et de protection électronique. Dès l’ouverture de l’audience, le président apporte des précisions à propos du débat suscité la veille sur le fait que Sonatrach soit concernée ou pas par la loi sur les marchés publics. Il se réfère à un arrêt de la Cour suprême pour dire que «Sonatrach, étant une société par actions détenues par l’Etat,  obéit de fait à la réglementation des marchés publics». Après cette remarque, il appelle à la barre Mohamed Réda Djaafar Al Smaïl, qui lance : «Pour moi, Sonatrach est une entreprise commerciale, elle ne peut en aucun cas obéir à une telle loi. Ce qui importait, pour moi, c’est le contenu du cahier des charges.» Le juge revient à la société Contel, que l’accusé avait créée au début avec Sassi Ouali (fils de l’ancien secrétaire général du ministère de l’Intérieur) et dont les statuts ont été changés. «Lorsque les enquêteurs du DRS sont venus me voir, ils m’ont dit qu’ils avaient besoin des statuts de la société pour une enquête d’habilitation. J’ai tout donné. Je n’avais rien à cacher. Ils sont revenus après pour me parler de Sonatrach et des enfants Meziane.» Le juge : «Avez-vous affirmé avoir créé Contel avec Fawzi Meziane, fils du PDG de Sonatrach, votre frère et la société Sopite ?» L’accusé : «Toutes ces informations se trouvent dans les statuts. J’ai juste expliqué les détails.» Le juge : «Ont-ils falsifié vos propos ?» L’accusé : «Il y a des faits qui sont vrais…» Le président insiste sur la relation de l’accusé avec les deux frères Meziane. Il répond : «Bachir Fawzi était actionnaire depuis 2005 mais Réda, ce n’est qu’en 2007 qu’il a rejoint pour diriger la filiale transport.» Le magistrat revient sur les marchés obtenus par les sociétés de l’accusé. «Il y a eu trois contrats. Le premier a été signé par Hassani Mustapha, d’un montant de 3,1 milliards de dinars. Au début, nous avions présenté deux offres, une de Contel et l’autre de Funkwerk, mais les responsables de Sonatrach nous ont conseillé de faire une seule offre. J’ai convaincu le partenaire de créer un groupement de droit algérien.» Le juge le ramène aux frères Meziane. «Bachir Fawzi m’a proposé de créer une société de transport. J’ai dit pourquoi pas, surtout que je voulais diversifier mes activités.» Le juge veut une confirmation. Djaafar Al Smaïl : «J’ai trouvé son idée intéressante. Il est rentré dans la filiale transport, mais Réda non.» Le président : «Lors de l’instruction, vous aviez dit que c’était votre idée.» L’accusé : «Je lui ai proposé d’être avec moi dans le holding SPA.» Le magistrat l’interroge sur le deuxième contrat. «Pour le premier contrat, nous avions présenté notre offre et Sonatrach était intéressée, d’autant que nous avions proposé la gratuité de la partie engineering. Il y a eu un autre projet de 3,5 milliards de dinars que nous n’avons pas obtenu. Il a été accordé aux Français. Nous avions obtenu le marché d’équipement de 123 sites, avec une caution de garantie de 22 millions d’euros et une visite de tous les sites pour une étude de faisabilité, que nous étions les seuls à avoir accompli.» «65 millions d’euros pour un marché avec Martech et Thales qui n’a pas été réalisé» Le juge : «Avez-vous obtenu ce marché ?» L’accusé : «Oui. C’était le deuxième contrat. Mais Sonatrach a décidé de répartir les installations par système de surveillance à travers les quatre soumissionnaires. Nous avions eu le lot n°2, avec 18 sites, d’un montant de 8,9 milliards de dinars…» Le juge : «Etait-ce votre prix ?» L’accusé : «Non, celui de Sonatrach. Ils nous ont dit que les systèmes ‘détection-intrusion’ de cinq sites avaient été octroyés à une société américaine. Ils nous ont proposé de refaire une plateforme, nous avons refusé. Nous nous sommes retrouvés avec 13 sites à équiper pour un montant de 6 milliards de dinars. C’était la consultation restreinte de juin 2005 et les trois contrats ont été signés par Mustapha Cheikh, du côté Sonatrach.» Le juge passe à d’autres contrats. L’accusé : «Sonatrach nous a consultés pour un projet de gré à gré urgent de la base du 24 Février, à Hassi Messaoud, d’un montant de 300 millions de dinars.» Le juge : «Où se trouvait l’urgence ?» L’accusé : «Peut-être à cause du terrorisme. Ces installations sont importantes pour les forces d’intervention en cas de problèmes de sécurité.» Le juge veut connaître le montant des trois contrats, mais l’accusé se lance dans une explication technique avant que le magistrat n’intervienne. «Les trois contrats étaient d’un total approximatif de 11 milliards de dinars…» L’accusé : «Attendez…», mais le magistrat ne l’interrompt : «Ce chiffre vous fait-il peur ?» lui demande-t-il. L’accusé : «Pas du tout. Cette somme n’est rien comparée à la sécurité des installations. De plus, elle ne représente que 7% du budget dépensé par Sonatrach dans la télésurveillance. En 2006, la société TVI a bénéficié d’un marché de 65 millions d’euros avec Thales et à ce jour, ce contrat n’a pas été réalisé.» Djaafar Al Smaïl évoque le quatrième contrat venu, selon lui, après une consultation restreinte à laquelle ont pris part Siemens, Martech, Vsat  et Contel Funkwerk. «Nous étions en troisième position, en termes volume, après Siemens et Martech. Dans une autre consultation, Martech, Cegelec, Thales et Alstom avaient des prix plus élevés de 18% alors que la technologie de nos produits était plus pointue», dit-il. Le juge l’interroge sur sa relation avec Mohamed Réda Meziane et l’accusé persiste à affirmer que son premier contact avec lui était «lors de la création de la société de transport et à sa demande». Le magistrat lui fait remarquer qu’il vient de se contredire. Il relit quelques PV d’audition devant le juge d’instruction, où l’accusé déclare avoir proposé à Mohamed Réda d’intégrer Contel. L’accusé se tait. Le juge : «Vous saviez qu’il était le fils du PDG de Sonatrach.» L’accusé reconnaît être au courant de cette situation, mais rappelle que c’est avec lui qu’il allait travailler et «non pas avec son père», précisant dans la foulée que Fawzi Meziane n’est entré dans la société qu’en 2007, après qu’il ait quitté son poste à Sonatrach. «Lorsque j’ai soumissionné auprès de Sonaatrach, j’ai présenté le statut de Contel Funkwerk où étaient mentionnés les noms des actionnaires. Personne ne m’a fait de remarque.» Le magistrat note que les responsables de Sonatrach, notamment celui de l’activité Amont, Belkacem Boumediène, devaient être courant de la présence en tant qu’actionnaire du fils du PDG. Il lui demande : «Est-ce normal ?» L’accusé : «Dans ma tête, c’était normal.» Le juge : «Le père était-il au courant ?» L’accusé : «Logiquement, il devait l’être.» Le magistrat insiste sur les propos de l’accusé devant la police judiciaire et ce dernier éclate : «Les agents du DRS écrivaient ce qu’ils voulaient !» «J’ai travaillé avec Mohamed Réda  et non pas avec son père» Le juge : «Funkwerk a attiré votre attention sur Meziane ?» L’accusé : «En 2008, les Allemands ont remarqué sa présence sur le statut. Ils ont dit que cela constituait un conflit d’intérêt. Ils l’avaient rencontré en 2007, lorsqu’il a exprimé son vœu de travailler avec eux. Ils avaient refusé. Mais le groupement devait se faire non pas avec le holding où Reda était actionnaire…» Le juge : «Et Bachir Fawzi, vous saviez qu’il travaillait à Sonatrach ?» L’accusé : «Il a rejoint la filiale transport en 2007 une année après avoir quitté la compagnie.» Le juge : «En 2006, vous êtes parti en Allemagne pour récupérer des commissions en tant qu’intermédiaire.» L’accusé : «Je suis consultant et non pas intermédiaire.» Le juge : «Comment pouviez-vous être consultant alors que vous occupiez le poste de président du conseil d’administration d’un groupement dans lequel se trouvaient les Allemands ?» L’accusé n’arrive pas à convaincre le président du tribunal. «Avez-vous obtenu le montant de 1,7 million d’euros de commissions ?», lui demande-t-il. Djaafar Al Smaïl : «C’était pour les prestations d’étude, de marketing. J’ai obtenu un contrat de consulting pour une période de 24 mois, en contrepartie d’un salaire de 30 000 euros. En 2006, j’ai été en Allemagne pour rencontrer les responsables de Funkwerk en tant que représentant de Contel Algérie. Le montant de 1,1 million d’euros couvrait les dépenses de Contel depuis 2004, pour des opérations de marketing.» Le juge : «Vous avez dit que le groupement ne réalisait pas de bénéfice. Le chiffre d’affaires revenait à chacune des sociétés à hauteur des prestations qu’elle effectuait sur présentation des factures. Pourquoi ces contrats de consulting alors ?» L’accusé : «Contel Algérie a réalisé des bénéfices intermédiaires, les finaux sont liés au délai de garantie. Funkwerk a enregistré de lourdes pertes de 2 à 5 millions d’euros entre 2004 et 2006. J’ai agi en tant que personne physique pour aider la partie allemande.» Le juge : «Le patron du groupe peut-il demander de l’argent à ses partenaires ?» L’accusé : «Pour des prestations, oui…» Une réponse qui ne convainc pas le juge, qui veut des explications sur le crédit ouvert dans un banque parisienne par Funkwerk à son profit. «J’ai demandé, en tant que représentant de Contel, le versement de 650 000 euros à la société Contel.» Le juge : «Contel n’a pas de compte à Paris et ses prestations étaient réalisées en Algérie.» L’accusé : «Je voulais que Funkwerk me rembourse toutes les dépenses afférentes à mes déplacements à l’étranger et les prestations de service. C’était un compte crédit ouvert, débloqué au mois de novembre 2006. En 2007, j ai perçu 40 000 euros et en 2008, 30 000 euros. En 2008, j ai demandé à la société de m’aider à ouvrir une société en France. Elle a utilisé le compte crédit pour me transférer l’argent.» Le juge : «D’un côté, vous dites qu’elle a enregistré de lourdes pertes et d’un autre, vous lui demandez de vous verser plus de 600 000 euros !» L’accusé : «Pour la société, ces montants constituaient un investissement.» Le magistrat lui demande d’expliquer «ce voyage en Allemagne avec El Hachemi Meghaoui (ancien PDG du CPA, conseiller financier et actionnaire dans le holding) où il s’est entendu pour des salaires de 10 000 euros et son fils 8000 euros». L’accusé : «Je ne leur ai pas fait de contrat. Les Allemands voulaient travailler avec lui pour ses connaissances bancaires.» Le magistrat : «Et son fils Yazid, pourquoi était-il avec lui ?» L’accusé : «Ce sont eux qui l’ont réclamé. Nous sommes allés le même jour en Allemagne pour signer. Tous les deux sont actionnaires dans le holding.» «Les 650 000 euros sont un crédit» Le juge : «Pourquoi uniquement ces deux ?» L’accusé : «C’est à Funkwerk qu’il faut poser la question.» Le juge : «Il était directeur du CPA, avait-il besoin de vous pour aller en Allemagne ?» L’accusé : «Nous avions l’habitude de voyager ensemble. Les Allemands nous avaient convoqué le même jour. Nous nous sommes retrouvés sur place. Ce sont les enquêteurs du DRS qui m’ont parlé des contrats de consulting des Meghaoui et je leur ai parlé des miens.» Les questions du juge perturbent l’accusé qui perd le fil. «Vous aviez dit être allé à Nuremberg avec Mohamed Réda Meziane et les deux Meghaoui, pour réclamer des contrats de consulting et les Allemands ont refusé de signer avec Meziane.» L’accusé : «C’est faux. Les enquêteurs l’ont inventé. Mohamed Réda s’est déplacé pour la première fois en Allemagne en avril 2007. Il était seul. J’étais déjà sur place quand il est arrivé. Il voulait travailler avec les Allemands. Mais ils ont refusé son offre.» Le juge : «Le contrat de consulting était sur votre flashdisc, y compris celui de la défunte épouse de Mohamed Meziane.» L’accusé : «Ce n’est qu’ un brouillon que je n’ai jamais utilisé.» Le juge lui rappelle que le contenu est le même que celui de son contrat, mais l’accusé persiste à dire qu’il s’agit d’un simple brouillon rédigé à la demande de Réda Meziane. Le juge : «Et le contrat de la défunte Mme Meziane ?» L’accusé se perd et déclare : «Réda Meziane et sa mère voulaient travailler avec Funkwerk.» Le juge : «Le montant écrit était de 5000 euros mensuellement, pour Réda et pour sa mère…» L’accusé : «Ce n’était qu’un brouillon !» Le juge revient sur l’achat d’un appartement de 650 000 euros au nom de Mme Meziane en contrepartie de la cession des parts de Réda Meziane dans la société. L’accusé : «C’est un prêt accordé à Réda Meziane pour qu’il puisse acheter un appartement à sa mère qui se soignait en France. L’opération s’est faite en toute transparence, devant un notaire en présence de la défunte.» Le juge : «Etait-ce votre argent ?» L’accusé : «C’est Funkwerk qui l’a transféré.» Le juge : «La défunte n’avait pas besoin de logement. Elle était prise en charge par Europ Assistance.» A propos de la reconnaissance de dette, l’accusé déclare avoir demandé au notaire de la faire et le magistrat réplique : «J’ai une lettre du notaire qui dit que c’est lui qui vous a réclamé une reconnaissance de dette pour sa comptabilité, parce que l’appartement était au nom de Mme Meziane et que le versement a été fait par vous.» L’accusé : «C’est moi qui l’ai demandé. Le notaire n’a fait que saisir les données.» Le magistrat : «Pourquoi avoir remis un chèque à votre nom ?» La réponse de Djaafar Al Smaïl est évasive. Il nie avoir versé 60 000 euros sur les comptes d’El Hachemi Meghaoui et de son fils Yazid, mais reconnaît avoir transféré à Meziane Mohamed Réda un montant de 12 000 euros et à son père, l’ex-PDG de Sonatrach, 10 000 euros. «J’ai rencontré le père de Mohamed Réda en France. Il avait un problème et son épouse était malade. Il m’a demandé de lui prêter 10 000 euros. Je les lui ai donnés.» Le juge : «C’est le PDG de Sonatrach…» L’accusé : «C’est aussi le père d’un ami…» Le magistrat : «Etait-il au courant de l’appartement de son épouse ?» L’accusé : «Je ne sais pas.» Le juge : «Vous habitiez à Paris en 2008, dans un appartement à Neuilly, saisi actuellement. D’où avez-vous eu l’argent ?» L’accusé : «J’ai acheté ce logement pour en faire des bureaux. C’était un investissement.» Le juge : «Vous avez déclaré que Mohamed Meziane était au courant du fait que son fils travaillait avec vous.» L’accusé confirme. Il avoue avoir proposé à Réda Meziane et à Fawzi de travailler avec lui et que, comme l’a rappelé le juge, cette relation a «facilité son travail» avant de rectifier en disant qu’«elle a facilité la procédure et non l’obtention des marchés. Le rendez-vous que j’ai eu avec les cadres de Sonatrach, le 28 novembre 2004, a été obtenu grâce à Mohamed Réda».  Sur tous les biens qu’il a acquis entre 2007 et 2009 pour des montants de 130 millions de dinars, 90 millions de dinars et 45 millions de dinars, Djaafar Al Smaïl nie catégoriquement tout lien avec les marchés de Sonatrach. «Une seule villa m’appartient. Les autres sont des investissements de la société Contel», dit-il. Selon lui, Funkwerk a transféré, durant toute la période où il a travaillé avec elle, 1,65 million d’euros en crédit et un salaire mensuel de 30 000 euros durant 24 mois pour consulting. Le juge l’interroge sur le fait que le contrat de crédit du 7 novembre 2006 ne comporte ni montant ni date des échéances de remboursement. «C’est leur manière de travailler», note Djaafar Al Smaïl.  

Contribution : Soyons des millions d’Aït Ahmed

Le parcours d’Aït Ahmed est le modèle parfait d’une vie au service d’un idéal. Un homme au destin exceptionnel. C’est celui de Jugurtha, ce roi sans trône et sans pouvoir. C’est aussi celui de Tarek Ibn Ziyad, homme illustre spolié de sa victoire. La lutte entre libérateurs et prédateurs est permanente dans l’histoire de l’humanité. Les prédateurs finissent souvent par vaincre, car leurs armes échappent à toute éthique, à toute morale. L’usurpation seule fonde leur esprit. En effet, que peut un idéal de liberté fièrement exprimé et sainement défendu face à la quête effrénée et immodérée du lucre et du lustre ? L’engagement d’Aït Ahmed dans le Mouvement national a été fort et décisif. Il a été aussi désintéressé et mû par le seul idéal de l’indépendance nationale. Loin de toute préoccupation personnelle, il se projetait dans le destin commun de toutes les Algériennes et de tous les Algériens. «Je ne fais pas de la politique pour la gloire, même à titre posthume», m’a-t-il dit un jour. Cela renseigne parfaitement sur l’homme. Comme Abane, Ben M’hidi, Hassiba Ben Bouali et beaucoup d’autres, il avait une certaine idée de l’Algérie. Une Algérie libre et démocratique. Son soutien à la Plate-forme de la Soummam traduit cette profonde conviction. La Révolution ne pouvait se limiter au combat contre le colonialisme. Elle devait se projeter au-delà en jetant les fondements de l’Algérie de demain. Aussi, sa vision de l’indépendance nationale est globale. Elle intégrait tous les aspects de la vie sociale. Elle devait marquer pour lui une rupture radicale avec l’ordre colonial et non la simple substitution d’un pouvoir autochtone à un pouvoir étranger, à travers une nationalisation de l’Etat colonial. L’indépendance était pour lui synonyme du droit du peuple à décider librement de son destin. D’où son attachement indéfectible à l’Assemblée constituante. Il voyait dans le pouvoir constituant l’expression première de la souveraineté populaire, l’acte fondateur de la volonté de vivre ensemble. La crise de l’été 1962 et ses retombées allaient lui révéler encore une fois les limites d’un nationalisme idéologiquement éclectique, intellectuellement appauvri et politiquement coupé des espérances populaires. Il alertera puis s’attellera à la cristallisation d’un courant de gauche autour des syndicalistes de l’UGTA, des paysans dépossédés, des jeunes et de la militance féminine. Il voyait dans ces expressions sociales la meilleure assise et le parfait moteur pour l’approfondissement de la marche pour l’émancipation. Sa conviction est profonde quant au rôle fondamental du citoyen en mouvement dans toute expérience de modernisation. Ce moment marque la genèse d’une démarche social-démocrate, repérable tout au long de son parcours. Contrairement à d’autres, il a très tôt rompu avec le populisme. Empruntant à une vision organique de la société, le populisme fait l’impasse sur les conflits. C’est une négation du politique. Aït Ahmed possède une maîtrise parfaite des concepts. Mais il aimait donner parfois des définitions expressives, loin des formules abstraites, ennuyeuses et impénétrables. Le populisme, par exemple, consiste pour lui à «faire n’importe quoi, n’importe comment et avec n’importe qui». Tout autant que le populisme, l’idée de consensus n’avait pas les faveurs d’Aït Ahmed. C’est un déni de la diversité. Comme fusion dans l’un, le consensus et le populisme sont dans une filiation étroite. «Ils sont à la base de tous les totalitarismes et autoritarismes du XXe siècle», disait-il. Ses préférences se sont toujours portées sur les notions de contrat et de compromis. Il évitait aussi les termes collectifs tels le peuple, le arch, les forces vives ou encore les masses populaires. Il avait choisi d’identifier les acteurs par leur position dans la dynamique sociale. Plus généralement, il considérait la bataille sémantique et terminologique comme une dimension non négligeable du combat démocratique. La dictature, en effet, n’agit pas seulement par la force brute, mais aussi par les mots. Dans sa déclaration à l’Assemblée nationale le 1er octobre 1962, il désignait déjà le «slogan» comme «l’une des plus grandes sources de mésaventures». Pour Aït Ahmed, la plus grande source de mésaventure reste la violence. Son rejet de la violence n’est pas seulement politique. Il est aussi moral et non sélectif. Ne disait-il pas que «rien ne peut se construire dans le chaos». En plus de sa dimension dramatique, il a parfaitement mesuré les effets dévastateurs du phénomène sur les représentations sociales et les comportements. Une société traumatisée est plus à même de consentir à son asservissement. C’est là que son combat pour la paix prend tout son sens. C’est un autre aspect indissociable du combat démocratique. La violence, il la vivra aussi dans sa chair. L’assassinat de Mécili est sans doute l’épisode le plus bouleversant de sa carrière. La douleur ne le quittera jamais. Faire éclater la vérité sur cette affaire fut pour lui la priorité des priorités. Mais face à la solidarité et la connivence de deux raisons d’Etat, la raison disparaît. La vérité et la justice aussi. Une autre source de mésaventure est cette intrusion tonitruante de l’argent dans le politique. La corruption est pour lui un levier redoutable de perversion et d’égarement. L’étendue du phénomène est telle, que le pouvoir lui-même s’est vu contraint de réagir. En fin connaisseur du système, Aït Ahmed me fera alors cette profonde réflexion : «Comment prétendre purger les égouts de la corruption quand de hauts responsables de l’Etat sont impliqués et supervisent eux-mêmes la généralisation de ce phénomène ?» Les évolutions récentes confirment le propos et lui confèrent une dimension à la limite du prophétique. Enfin, Aït Ahmed est aussi une école grâce à laquelle se sont forgées des générations de militants. Nous lui devons tous énormément. Et personne ne peut prétendre à une fidélité sans faille pour le maître. Nous avons tous notre part d’infidélité et d’ingratitude. Pourquoi vouloir le cacher ? C’est le fameux principe de Peter transposé dans le domaine politique. Cette formule est de lui. Il était tolérant et ne manquait jamais de rechercher une bonne raison ou une excuse aux renoncements et aux défections des uns et des autres. De l’emprisonnement à l’exil, il sera inlassablement traqué et son image sans cesse pervertie par les pouvoirs successifs algériens. L’acharnement s’étendra à sa famille, ses proches et ses partenaires politiques. Rien ne lui sera épargné. Les accusations se succèdent au gré des convulsions politiques du pays. Contre-révolutionnaire, sécessionniste, régionaliste, agent de l’étranger, islamiste, allié du terrorisme, etc. Pourtant, à chaque crise, Aït Ahmed s’illustre par des éclairages et propositions. Et à chaque crise, le pouvoir lui concocte une nouvelle accusation. Devant la lucidité constante d’Aït Ahmed se dressent le mépris et l’entêtement systématiques des dirigeants. Les vocables «khaouana» et «mortaziqa» résonnent à présent dans nos mémoires. Il fut un temps où prononcer son nom était passible de prison pour délit d’évocation. Aujourd’hui, les décideurs semblent découvrir en lui le grand révolutionnaire, l’historique, le militant irréprochable. Quel spectaculaire retournement ! Mais nous ne sommes pas dupes. Pour eux, un bon opposant est un opposant mort. Messieurs les décideurs, l’idéal à travers lequel Aït Ahmed a donné un sens à sa vie est aux antipodes de vos visions, vos projets et vos politiques. Vos encensements tardifs sont frappés de suspicion. Si vous prétendez être véritablement dans la sincérité, alors prouvez-le. Prouvez-le maintenant. Nous ne sommes pas dans le spectacle. La problématique est politique et a trait à la mémoire d’un père fondateur de l’Algérie et au sort d’un pays. Deux gestes pourraient nous incliner à vous croire et à tout pardonner. Procédez en premier à l’arrestation de l’assassin de Mécili. Il est en Algérie où il coule des jours heureux depuis son crime. Ouvrez ensuite un dialogue dans la perspective d’engager le pays sur la voie du changement démocratique. Vous n’allez pas le faire, car votre avidité du pouvoir vous paralyse, vous égare, vous aveugle. Vous voulez nous avoir tous à l’usure, nous enterrer les uns après les autres. Mais un idéal peut-il mourir ? Ne vous réjouissez pas trop vite. Aït Ahmed ne sera pas enterré. «Athnezzou» (On va le planter) !!! Son idéal fleurira dans l’esprit de chaque Algérien et un jour, incha Allah, il explosera en un grand printemps, le printemps algérien. Ma confiance est totale en le FFS, sa direction, ses militants et ses sympathisants. Elle l’est aussi concernant les citoyennes et les citoyens. Ensemble, nous saurons donner une seconde vie au combat d’Aït Ahmed. Et ensemble, nous aurons enfin la force de le faire aboutir. Aït Ahmed est plus que jamais vivant.

Contribution : Histoire de Libre Algérie en exil

Le 19 décembre 1985 est signé à Londres l’accord entre Aït Ahmed et Ben Bella pour la démocratie en Algérie. Se posait tout de suite à nous la question de comment donner un retentissement à cette plateforme par un média. Ben Bella avait  El Badil, mensuel organique du MDA. Il fallait donc créer un porte-voix consacré aux engagements politiques et philosophiques de cet appel. Ainsi est né au dernier trimestre de l’année 1986 le mensuel Libre Algérie. Pourquoi ce nom ? Tout simplement parce que nous rêvions d’un pays, le nôtre, libre, consacrant institutionnellement les droits et libertés, et ce, après l’accession à la souveraineté internationale. Du reste, ce titre faisait écho à L’Algérie Libre, organe du MTLD qui militait pour l’indépendance du pays. En jouant sur l’inversion des mots, le message en filigrane est : après l’indépendance, la liberté. Ce support était porté par une association au sigle non moins symbolique : Association pour la promotion des idéaux démocratiques par l’information (Apidi), présidée par Adolphe Simon, dit Jacques, membre du Parti communiste international (trotskyste de tendance lambertiste). Simon nous a été présenté par Mouhoub Naït Maouche, vétéran du militantisme FFS et exilé de longue date. De fait, Simon était directeur de la publication. Ali Mécili assurait la coordination, tandis que moi-même et Ramdane Sadi complétaient l’équipe rédactionnelle. Je me retrouvais avec ce dernier une nouvelle fois engagé dans une entreprise journalistique. En 1984, grâce aux deniers que débrouillait péniblement Abdelhafid Yaha, dit Si El Hafid, nous avons animé Tighri (l’Appel). A Libre Algérie, en plus d’écrire, je faisais le suivi technique entre l’impression et la diffusion dans certains kiosques à fort potentiel de vente (Saint-Michel, Barbès, place Clichy). Le journal était tiré à 5000 exemplaires et le plus gros était diffusé par les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP). L’absence d’informations et l’improvisation du début ne nous ont pas permis de faire paraître plus de deux numéros lorsque survint le tragique assassinat de Ali Mécili, le 7 avril 1987. Très pris par son cabinet d’avocat et le suivi politique du contrat de Londres, Ali s’occupait surtout de l’éditorial. Il a également, au premier numéro, établi une radioscopie du fonctionnement du système. D’aucuns diront par la suite que c’était la goutte qui a fait déborder le vase du côté d’Alger. A la mort de Mécili, il y a eu un différend sur le contenu du journal entre le FFS et le MDA. C’était l’été 1987. Alors que j’étais venu en Algérie, le double numéro de juillet et d’août a changé brutalement d’orientation. La une était barrée par un titre : «Non à l’infitah». Un parallèle était dressé entre les régimes algérien et égyptien sur le plan économique. Rien sur les  droits et libertés par lesquels nous voulions éveiller les consciences pour le combat en faveur de la démocratie. Durant cette période, le journal s’était renforcé de deux nouveaux éléments : feu M’hamed Rechidi et Mahieddine Ouferhat. Ce dernier joua, en cet instant décisif,  un rôle important pour que le journal ne nous échappe pas. A partir de cet incident, on peut dire que l’accord de Londres était mort-né malgré les efforts sincères et répétés de Mohamed Benlhadj, homme d’ouverture d’esprit. Au mois de septembre 1987, j’ai eu une discussion franche avec Aït Ahmed qui me questionna si je pouvais assurer la parution du journal. J’ai répondu par l’affirmative en lui demandant en retour d’engager des pigistes et une secrétaire de rédaction. Ainsi nous ont rejoints Bouaziz Ouali et Anne Dissez*. Cette dernière était une militante d’extrême-gauche de la Ligue communiste révolutionnaire (trotskyste de tendance pabliste, autrefois proche du FLN de la résistance). C’est d’ailleurs dans l’imprimerie de ce parti, sise à Montreuil, que nous tirions notre journal. Quant au premier, issu de l’association Thilleli tout comme d’ailleurs Mahieddine Ouferhat, il n’avait pas d’antécédent partisan. A partir de cet instant, l’équipe s’est stabilisée avec Jacques Simon (directeur de la publication)  spécialisé dans les rubriques histoire et société ; moi-même, coordinateur des rubriques politique et histoire ; Anne Dissez, secrétaire de rédaction ; Bouaziz Ouali, rubriques internationale et politique ; Mahieddine Ouferhat, pages culturelle et politique. Il y avait également Tchibinda, un Congolais engagé politiquement dans l’extrême-gauche qui était responsable de la rubrique immigration. Il avait été recruté par Simon. Hocine Aït Ahmed se  chargeait  de l’éditorial. Au début, il me dictait son édito par téléphone. Cela prenait du temps. Mais la flamme militante surmontait aisément cet obstacle. Puis vint un miracle, à savoir le début timide de la télécopie. Il m’envoyait alors en poste restante à Montreuil son fax que j’allais chercher et le donnais à Anne. Ensuite, c’est elle-même qui s’occupait de cette tâche. Il arriva à Aït Ahmed, en deux occasions, d’assister à la réunion de rédaction. Tout se déroulait dans une ambiance amicale et harmonieuse. L’équipe rédactionnelle travaillait sans anicroche, car  l’esprit militant transcendait les nuances, voire les divergences, qui affleuraient sur certains sujets. Anne et moi étionsles deux seuls permanents. Les autres membres de la rédaction étaient pigistes, tandis que Simon participait bénévolement à cette aventure politique et intellectuelle. Grâce à Simon, nous nous sommes débrouillés un appartement en haut de la rue de Belleville. Enfin, nous pouvions tenir nos réunions rédactionnelles décemment. Cet appartement servit à d’autres besoins. Il fut par deux fois le lieu d’hébergement de Hachemi Naït Djoudi et de Mohamed Hamrouni qui venaient d’Alger pour coordonner les actions du parti entre l’intérieur et l’extérieur. Ils dormaient  de façon spartiate, sans matelas. Même avec la location de ce  local et l’existence d’un secrétariat, nous étions toujours pressés. On peut résumer cette ambiance d’exaltation par «pas de tension mais de la pression». Anne veillait au grain pour ne pas être débordée par le temps. Elle appréciait particulièrement le style d’écriture de Bouaziz Ouali. Tant bien que mal, le journal a maintenu la ligne, paru sans interruption et à l’heure, jusqu’au 19e numéro daté du mois de septembre 1988. Nous avions participé activement à la campagne pour la libération des détenus politiques en Algérie, notamment les fondateurs de la Ligue algérienne de la défense des droits de l’homme, milité pour la reconnaissance de la ligue dite Ali Yahya par la FIDH, essayé de dévoiler les luttes intestines au sein du pouvoir, ouvert nos pages au public par des tribunes. Nous avons également donné la parole aux proscrits, au comité «Vérité et justice pour Ali Mécili» et soutenu le combat pour la promotion de tamazight. Me revient à l’esprit un événement émouvant : j’étais un jour invité par le couple Yacine (Tassadit et Hamid) pour assister à la remise du prix Docteur Honoris Causa décerné par l’université de Nanterre à Mouloud Mammeri. Je crois qu’en dehors des noms cités plus haut, de Messaouda Khedis, de Mohand Arab Lahlouh, d’Idir et si mes souvenirs ne m’ont pas trahi de Ali Sayad, nous étions les rares privilégiés à assister à cette cérémonie. Le numéro de Libre Algérie de cette époque titra à la une sur cet événement avec une grande photo de Mammeri. Tassadit m’appela pour me dire que Mammeri était ému jusqu’aux larmes. Le Mammeri que j’ai connu, certes fugacement, n’appréciait pas particulièrement les titres, la gloriole, il a même tu, malgré les attaques dont il avait fait l’objet en 1980, être l’auteur des discours du FLN à l’ONU. Mais alors pourquoi était-il ému à ce point par notre parution ? Tout simplement, il souffrait intérieurement de l’ostracisme qui le frappait dans son propre pays. Voilà ce que la censure politique et la bêtise humaine peuvent déclencher chez des hommes de cette trempe, ce roseau qui pliait mais qui ne cédait jamais. Au 19e numéro, daté du mois de septembre 1988, nous avons mis en exergue à la une – iconographie prémonitoire ! – une photo de chars en défilé, titrant «L’armée déferlera-t-elle à Alger ?» Les signes avant-coureurs étaient légion. Notre espoir de l’effondrement du régime était porté en bandoulière. Mais  nous sommes guettés par l’impuissance de ne pas avoir les moyens financiers d’agir. La question de l’argent se posait toujours avec acuité et pendait telle une corde à notre cou, nous menaçant à chaque instant d’asphyxie. Un journal ne vit jamais de ses ventes. Privé de publicité, il est condamné à périr, sauf s’il est soutenu par un Etat ou un philanthrope. Juste à la sortie de ce numéro, ce qui devait arriver arriva, Hocine Aït Ahmed m’annonça, à son grand désappointement, qu’il lui est impossible de continuer à financer le journal, faute d’argent. C’était au boulevard Raspail, alors que nous faisions les cent pas pour nous dégourdir les jambes. Il était à la fois triste et désolé. Une aventure journalistique, politique et humaine se terminait avec regret et sur un goût d’inachevé, mais aussi avec le sentiment du devoir accompli. Nous avons défié à drapeau déployé le pouvoir qui n’avait pas hésité à tuer un des nôtres. Durant cette période charnière de l’affaissement du régime, ce journal fut le support médiatique de Hocine Aït Ahmed. Une autre entreprise commençait avec le FFS légal. Un mois après notre titre prémonitoire, eurent lieu les événements d’Octobre 1988 qui allaient bouleverser la cartographie politique et idéologique du pays avec l’avènement du multipartisme. Toute l’équipe «algérienne» du mensuel allait exercer des responsabilités importantes au sein du FFS et de son pendant en émigration. Quant à Libre Algérie, il renaîtra de ses cendres quelque temps au pays, avec une autre équipe, avant de cesser de paraître.

Contribution : Une personnalité qui ne laissait personne indifférent

Lorsque l’on m’a demandé de témoigner, j’ai donné spontanément mon accord. Après réflexion, j’ai compris que la tâche serait difficile. D’une part, j’ai craint de verser dans les discours élogieux, mais souvent creux, qui accompagnent trop souvent les disparus et de grossir ainsi les rangs des professionnels de la «récup», d’autre part d’oublier que l’homme ne peut être appréhendé que dans ses dimensions humaines faites d’actes qui peuvent être héroïques, mais aussi de moments de faiblesse. Et forcément, Aït Ahmed ne peut pas faire exception à la règle. Je l’ai connu à une époque où franchement trop peu de militants s’étaient engagés dans son parti. C’était en 1978. Je n’ai donc pas la prétention de parler de ce qui est antérieur à cette date. En effet je ne me donne pas le droit de parler de son rôle dans le Mouvement national. Des personnes plus compétentes le feront très certainement. Je ne parlerais pas non plus des «maquis kabyles», je n’étais à l’époque qu’un jeune adolescent. Ses nombreux contemporains encore vivants sauront mieux que moi en parler. Pour la période qui me concerne, je m’efforcerais d’être le plus objectif possible. Nous vivions, à l’époque, sous une chape de plomb imposée par H. Boumediéne, autoproclamé chef d’Etat par la grâce d’un push «scientifique» qui a fini par avoir raison de toute contestation au sein du peuple. C’était l’époque où la police politique semait la terreur au point que le plus téméraire n’osait porter critique à l’endroit du système. La mort du colonel, pleuré par le peuple (syndrome de Stockholm ?), le 27 décembre 1978 a libéré progressivement la parole. C’était aussi l’année où, sous l’impulsion de Ali Mecili, le FFS se restructura avec la bénédiction de Hocine Aït Ahmed. Il faut dire qu’en ces temps-là, il ne restait que très peu de militants dont la majorité étaient établis en France. Pour la plupart il s’agissait de jeunes universitaires fraîchement diplômés mais déjà aguerris par la lutte pour la cause amazighe. Nous formions un groupe informel à Alger autour du cours de berbère de M. Mammeri à la fac centrale et autour d’une chorale dirigée par Cherif Kheddam à la cité universitaire de Ben Aknoun. Nous n’étions pas des foudres de guerre, mais les petites choses que nous faisions (essentiellement culturelles) ont probablement aidé à la conscientisation et permis la socialisation des questions liées à l’amazighité. Une partie du groupe s’est retrouvée par hasard à l’hôpital de Tizi Ouzou et, quelques temps après, à l’université. C’était, en cette année 1978, que le premier groupe prit la décision de se structurer au sein du FFS. Personnellement, j’ai été sensibilisé par Saïd Sadi. Très vite, le premier noyau s’est constitué avec Rachid Halet, Saïd Khellil, Amar Hadbi, Ali Ouabadi, Mohand Stiet… et deux agents de la SM qui nous ont aimablement montré la route vers Berroughia. J’entends par là, bien entendu, la prison où nous avons été conduits lors de notre arrestation en 1980, au moment où se déroulait le Printemps amazigh. En 1979, la direction du FFS a décidé de tenir un séminaire en France, plus exactement à Gap. Nous étions partis à quatre pour représenter les militants de l’intérieur. Saïd Sadi, Ali Ouabadi, un jeune que nous appelions amicalement Mouhouche (que me soit pardonné l’oubli de son nom) et moi-même. C’est donc dans ce village haut-perché des Hautes-Alpes que je fais la connaissance de Hocine Aït Ahmed. Nous devions, au terme de notre rencontre, sortir avec une plateforme politique qui devait guider le sens de notre lutte. J’avoue que j’étais impressionné à la simple pensée de rencontrer Hocine Aït Ahmed. J’avais déjà une haute idée de lui par mes lectures et surtout par les événements du maquis du FFS qui se sont passés en Kabylie alors que j’étais encore enfant. C’est vrai que la rencontre a été à la hauteur de ce qu’on disait de lui. Homme aimable et affable, souriant et taquin, il savait séduire son entourage. Nous étions, pour être honnête, subjugués par sa présence et il faut le dire prêts à le suivre têtes baissées. Face à lui, nous n’étions que de jeunes militants insuffisamment expérimentés. Et à ce titre, le FFS a été pour nous, une excellente école. Durant le séminaire, si mes souvenirs sont bons, H. Aït Ahmed s’est montré relativement discret. Il a très peu parlé laissant à Ali Mecili le soin de diriger les débats que présidait, me semble-t-il, Arezki Benchabane. Mais les nombreuses reprises de ses déclarations montrent qu’il a été, de fait, l’artisan de la plateforme. Je pense toutefois que les jeunes loups, que nous étions, ont joué une part non négligeable dans la partie réservée aux questions linguistique, culturelle et identitaire ainsi qu’à celle portant sur l’organisation de l’Etat. Je crois que le texte publié à la fin du séminaire mérite d’être connu et pas seulement pour des raisons historiques. Il pourrait encore être source d’inspiration et je n’ai toujours pas compris pourquoi les actuels responsables du FFS n’ont pas fait totalement leur, cette idéologique avant-gardiste. Cette contribution est ma façon de rendre hommage à Hocine Aït Ahmed en essayant de combler la lacune. Le long texte qui va suivre n’est donc que le résumé de la plateforme de laquelle j’ai prélevé des phrases entières pour ne pas trahir la pensée des rédacteurs. Après avoir fait le bilan de 17 années (1962-1979) de pouvoir dictatorial fait d’oppressions politique, économique et culturelle. Un bilan sans concession qui met en relief la corruption politique et morale où la violence physique comme mode de gestion de la nation, face à un peuple dépossédé de son droit premier, la liberté d’être et d’agir. Le constat est incisif et dénonce un pouvoir sectaire fait d’opportunistes, des termes repris de la déclaration d’Aït Ahmed lors de son procès devant la cour criminelle révolutionnaire d’Alger en avril 1965. Un pouvoir qui a usé de subterfuges populistes qui ont eu un effet soporifique sur les populations permettant ainsi au système de se renouveler. La révolution agraire, qui s’est faite sans les paysans et gérée de manière administrative, n’a été que ruine. Elle a été l’exact contraire du socialisme claironné à longueur de temps. La révolution industrielle n’a pas fait mieux, elle n’a servi qu’à asseoir une politique de prestige sans développement réel du pays. La révolution culturelle a été un total échec avec un système éducatif de médiocre qualité. L’alternative proposée à cette catastrophe nationale est reprise de l’intervention d’Aït Ahmed faite à l’Assemblée nationale le 7 décembre 1962. Ce dernier pariait sur la démocratie comme valeur et méthode à la fois, comme but doctrinal et moyen politique. Une démocratie qui mettrait fin à la centralisation de la décision à l’origine de la monopolisation des appareils d’Etat au profit du clan. Pour cela, il fallait créer une dynamique révolutionnaire. Cette plateforme répond à l’impératif d’une stratégie populaire qui doit permettre au FFS de renouer avec ses traditions de résistance à la dictature. Ce parti a la prétention de désaliéner les citoyens aux niveaux économique, politique et linguistique. Il s’inscrit en totale opposition au centralisme étatique en proposant une réflexion sur les autonomies personnelle, locale et régionale. Ce texte indexe les chantres de l’unicité fasciste «un chef, un parti, une langue», pour se substituer au peuple et garder un pouvoir omnipotent. L’autonomie personnelle est relative aux droits de l’homme, notamment le droit à la langue maternelle. L’autonomie locale est créatrice de communauté de solidarité. Elle est la condition sine qua non de l’avènement d’une démocratie décentralisatrice. C’est dans ce cadre que le FFS a préconisé de revenir aux «djemaâ» qui devraient jouir de pouvoirs étendus. L’autonomie régionale est préconisée pour lutter contre le mauvais régionalisme. Pour promouvoir ces trois autonomies, le texte préconise l’élection d’une assemblée nationale constituante qui implique l’établissement des libertés publiques, donc la reconnaissance légale  des formations politiques et culturelles. Des mesures qui permettront de créer un climat de dialogue et l’éclosion d’une nouvelle conception de la société. Dans le paragraphe relatif à l’humanisme et au socialisme, la plateforme reprend la déclaration d’Aït Ahmed à la cour criminelle révolutionnaire. Hâter la libération politique et économique et l’avènement d’une démocratie socialiste universelle. Au plan culturel, l’alternative démocratie signifie l’officialisation de la langue berbère. Et l’élimination des facteurs d’inhibition psychologique, d’occultisme linguistique et d’aliénation de l’identité. La langue berbère a droit de cité dans la cité berbère, droit inaliénable que le colonialisme intérieur pas plus que le colonialisme étranger ne peut proscrire. Elle doit être officialisée et bénéficier de la part de l’Etat de l’égalité de traitement qui lui permette de rattraper le temps et le terrain perdus depuis l’indépendance. Seuls les obscurantistes, apprentis dictateurs et les larbins mercenaires voudraient encore opposer la langue arabe et la langue berbère. On retrouve dans cette réflexion, l’idée d’une entité supranationale. Il est clairement dit que l’Algérie doit favoriser les regroupements régionaux transétatiques. Des regroupements qui doivent s’effectuer dans le respect des diversités culturelles. J’ai choisi de ne retenir que ce qui semblait à mes yeux important. C’est-à-dire ce qui était tabou et qui le demeure globalement aujourd’hui encore, à la veille d’une Constitution qui risque encore une fois de renvoyer l’officialisation de la langue amazighe aux calendes grecques. Notre militantisme a pris un élan particulier dès le retour de Gap. Nous faisions alors de nombreuses sorties de nuit pour distribuer des tracts ou faire des inscriptions murales de slogans inspirés de cette plateforme. La disponibilité et la détermination ont permis à nos militants d’avoir un rôle déterminant dans l’organisation du Printemps amazigh. C’est dans ce cadre que nous avons été arrêtés et déférés devant la cour de sûreté de l’Etat. Sur les 24 détenus, 11 étaient des militants du FFS. Ce vaste mouvement de contestation/revendication de Tizi Ouzou, qui a été à l’origine du mouvement de démocratisation en Algérie, est donc, pour une large partie, l’œuvre du parti que présidait Hocine Aït Ahmed. 1990, année dite de l’ouverture démocratique, a vu se constituer des partis légaux d’opposition. Le FFS jouissait d’une popularité certaine en Kabylie, où il a raflé quasiment tous les sièges. Seuls quatre d’entre eux étaient en ballotage favorable. J’ai été personnellement élu député à l’Arbaâ Nath Iratene. Pour être honnête, je dois dire que la personnalité de Hocine Aït Ahmed a été pour beaucoup dans la victoire du parti. Mais, je le disais plus haut, comme tout homme, notre aîné n’a pas fait que des «sans faute». Ce que je dis reflète, en tout cas, ma vision des événements. Je n’ai pas apprécié la décision de la direction du FFS, avec l’assentiment de son président, qui a empêché Yaha Abdelhafid de participer au congrès du parti. Il a été pourtant un chef de guerre loyal et respecté par la population lors des événements de Kabylie de 1963. Je l’avais reçu chez moi à Tizi Ouzou pour éviter une esclandre médiatique avant de rencontrer Aït Ahmed à Paris en présence de Mouhoub Aït Maouche, un vieux militant du FFS. La raison de la rencontre était précisément de dépasser leur conflit qui devait être traité au congrès. Je n’ai pas, non plus, compris la volonté farouche de maintenir le processus électoral alors que le FFS, deuxième parti après le FIS, ne représentait qu’une partie congrue de l’APN donc incapable de faire bouger la moindre ligne. J’avais la ferme conviction que nous nous dirigions droit vers un Etat théocratique. Enfin, je n’ai pas réussi à digérer la rencontre de Sant’Egidio dont la plateforme est antinomique à celle du FFS rédigée à GAP. Toutes ces raisons m’ont amené à me retirer, sans bruit, du parti qui m’a appris beaucoup et pour lequel j’avais accordé toute ma loyauté tant que mes convictions n’étaient pas bousculées. Loin d’être vindicatif, j’ai toujours gardé beaucoup de respect aux militants et nécessairement à Hocine Aït Ahmed. J’ai eu à le rencontrer, enfin, quelques temps avant le retour de Boudiaf. Pour la petite histoire, j’ai été appelé par un parent, Saïd Rahal, ancien compagnon d’Aït Ahmed lui-même arrêté dans le même cadre avec son beau-fils Mohand Saïd Aïche. Saïd Rahal souhaitait me voir pour une question importante, disait-il. Il se déplaça le jour même à Tizi Ouzou où nous nous étions donné rendez-vous à l’hôtel Amraoua. Avait assisté à la discussion Mohand Saïd Aïche, ancien militant du Mouvement national et du FFS de 63 (pharmacien bien connu à Tizi). Saïd Rahal a été approché (sans qu’il ne m’ait donné de détail) pour proposer à Hocine Aït Ahmed «le poste le plus haut de la hiérarchie politique». En froid, depuis quelques années, avec Hocine Aït Ahmed, il m’a demandé de faire la démarche. J’ai donc, après avoir informé le président du bureau fédéral de Tizi Ouzou de l’époque, pris la route pour Alger où j’ai rencontré le président du FFS. Il m’a écouté, comme à son habitude, sans que ne transparaisse la moindre émotion, avant de me dire qu’il transmettrait la réponse lui-même. Une réponse que j’ai lue, comme tout le monde, dans la presse. Je pense que le pouvoir voulait une caution d’un historique crédible et le choix a été porté sur Hocine Aït Ahmed. Nous connaissons la suite avec Boudiaf. Ce dernier paragraphe est anecdotique. Son intérêt réside dans le fait que malgré son opposition permanente, les gouvernants gardaient un espoir, même vain, d’avoir la bénédiction du chef historique. Aujourd’hui, il laisse dans l’imaginaire populaire l’empreinte d’un grand homme, érudit, humble et courtois. L’image d’un militant d’une vie qui a marqué à la fois le Mouvement national indépendantiste et l’opposition démocratique de l’Algérie indépendante. Paix à son âme.