jeudi 24 mars 2016

Les professionnels de l’immobilier ne coopèrent pas

Peu d’agents immobiliers connaissent les textes relatifs à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Aucun d’eux ne fait de déclaration de soupçon, bien que les les textes les y contraignent. «La loi n°5 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme modifiée par l’ordonnance n°12-02 ne s’applique pas seulement aux banques. Il y a une panoplie de professions non financières qui sont assujetties à la déclaration de soupçon concernant des capitaux, à l’instar des agents immobiliers et  les notaires», a indiqué, hier, Lotfi Ramdani, fondateur du site Lkeria.com et ex-inspecteur à la Banque d’Algérie, lors de la journée d’étude sur «Le rôle des métiers de l’immobilier dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme». Revenant sur les définitions et la genèse de ces mécanismes mis en place au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis, Lotfi Ramdani affirme que les professionnels de l’immobilier sont tenus  de détecter les opérations suspectes (prévention, filtrage sur la liste disponible sur le site Lkeria). Les déclarations de soupçon (DS) sont transmises à la Cellule de traitement du renseignement financier (CRTF). Créée en 2002 auprès du ministre des Finances, la CTRF est chargée de collecter et de traiter ces DS (formulaire à télécharger) et de transmettre, le cas échéant, le dossier au procureur de la République territorialement compétent, chaque fois que les faits sont susceptibles de poursuite pénale. Que risque-t-on en cas de déclaration de soupçon qui s’avère fausse ? Le conférencier rappelle que la loi exempte de poursuites les professionnels ayant procédé de bonne foi à la déclaration. Par contre, l’agent qui s’abstient d’établir et/ou de transmettre la DS est puni d’une amende pouvant atteindre 10 millions de dinars, sans préjudice de peines plus graves et de toute autre sanction disciplinaire. Zéro déclaration de soupçon Les agents immobiliers rechignent à contacter la CRTF, qui reçoit 100 à 150 DS par an de la part des banques, mais aussi d’Algérie Poste qui lui fait parvenir 200 à 300 déclarations. «La CRTF ne reçoit que deux ou trois DS de la part des professions comme les agents. Est-ce dû au manque d’information», s’interroge le conférencier. Le président de la Fédération nationale des agences immobilières (FNAI), Abdelhakim Aouidat, reconnaît que le métier est marqué par l’informel. «Les transactions immobilières sont la plus grande source de blanchiment. La loi oblige l’agent à faire des déclarations de soupçon, mais rien. Le métier d’agent immobilier est dominé par des non-professionnels. 80% des transactions sont illégales. Je ne vois pas comment la loi peut être appliquée. Je pense, par contre, qu’elle portera un autre coup au métier en poussant les gens vers les intermédiaires», estime M. Aouidat, qui défend l’obligation de passer par les agences et ainsi bancariser les fonds et avoir un chiffre réel des transactions. M. Aouidat est catégorique : sans une volonté politique pour permettre la traçabilité des transactions, la loi restera inefficace. Aucune autorité de contrôle des professionnels assujettis à la déclaration de soupçon n’a été installée, 11 ans après la mise en place de la loi 05-01. «Qui contrôle les professionnels assujetis. La FNAI ? Aucune autorité n’est chargée du contrôle des agents assujettis pour les suivre, les aider ou leur demander des comptes», explique-t-il. Le fondateur de Lkeria.com, qui peine à convaincre ses interlocuteurs de l’intérêt d’un tel mécanisme (formation, filtrage des clients), met en garde contre  les risques de l’absence de déclaration sur les concernés et sur l’Algérie, qui a été blacklistée avant l’adoption de la loi, par le Groupe d’action financière (GAFI), organisme intergouvernemental chargé du suivi des politiques nationales de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. 

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