Nous sommes aux portes d’une grande fitna en Occident.» C’est l’alerte lancée hier au Salon international du livre d’Alger (SILA) par Rafael Ortega Rodrigo, professeur au département d’études sémitiques de l’université de Grenade, en Espagne. Invité à participer à un débat sur le dialogue entre islam et Occident, Rafael Rodrigo a souligné que les musulmans sont, aujourd’hui en Europe et dans tout l’Occident, le mouton à sacrifier sur l’autel de la crise multidimensionnelle que ce monde traverse. «Nous passons par une crise aux multiples visages : économique, politique, morale en Europe, et les musulmans deviennent le mouton à sacrifier sur l’autel de cette crise… Les musulmans sont aujourd’hui partie intégrante de l’Europe et les exclure conduira sans conteste à des conflits et à une fitna, notamment en Espagne, en France, en Hongrie et en Pologne», explique le professeur en appelant à un urgent travail pour casser les préjugés sur l’islam et les musulmans, nourris par les médias en Occident. 44 millions de musulmans vivent en Europe et représentent 6% de la population européenne, qui est de l’ordre de 728 millions de personnes. «En Espagne, que je connais le mieux, 76% des musulmans se disent victimes de rejet de la part à la fois des autorités et de certaines parties de la population. 37% des Espagnols sont favorables à l’expulsion des étudiantes musulmanes portant le voile et 76% ont des idées négatives sur l’islam et les musulmans», note l’orateur en pointant d’un doigt accusateur les médias qui ne parlent pratiquement jamais de manière positive de l’islam et des musulmans. «Ces médias ne parlent que de violence et de désordre en Orient et jamais de création et d’art… Cela a toujours été le cas», indique Rafael Rodrigo en ajoutant que ce traitement inique de l’information sur l’islam s’est exacerbé avec les événements du 11 Septembre 2001. «Depuis cette date, la personne du musulman est automatiquement liée au terrorisme et le cinéma a beaucoup participé à rendre cette image comme effective, surtout le cinéma américain vendant l’islam comme une menace aux valeurs de la civilisation occidentale… des valeurs que je ne connais personnellement pas», dit-il en ajoutant que les empires coloniaux d’Europe ont procédé, tout au long de l’histoire, à donner une représentation dégradée des peuples colonisés. «L’image réductrice du Maure ou du Noir dans la littérature espagnole suffit à nourrir les pires préjugés et idées négatives», soutient le professeur Rodrigo avant d’appeler à agir pour lutter contre les préjugés et le discours de la haine. «Il est important aujourd’hui, si nous voulons éviter la fitna, de montrer que l’islam est une partie intégrante de l’Europe, que l’on ne peut exclure ce qui fait partie de nous, et encourager le dialogue entre les religions… Il est impératif aussi de moraliser les médias en Occident pour construire un discours d’assimilation et non d’exclusion», plaide Rodrigo Rafael. L’universitaire Mustapha Cherif ajoute, quant à lui, que «l’avenir sera commun ou ne sera pas». Et de noter que le monde musulman se doit aussi de faire son autocritique. «Nous donnons les bâtons avec lesquels on se fait battre… Nous sommes politiquement faibles, économiquement faibles et de même sur les plans scientifique et de la morale. Le monde est un petit village qui a perdu le sens, la raison et la justice, nous avons aussi, au niveau de nos sociétés, perdu ces critères qui sont au cœur de la civilisation… Le problème est politique avant tout et le salut, aujourd’hui, est dans la construction d’Etats de droit et de justice et le respect de la diversité et du droit à la différence.»
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