La baisse, depuis près de trois années déjà, des cours du pétrole a entraîné une fragilisation des positions financières de l’Algérie, tant en interne qu’en externe ; baisse importante des réserves de change, baisse sensible de l’épargne interne et disparition du FRR, des déficits en hausse,
etc. Face à ce tableau de bord qui donne l’alarme, de quelle marge de manœuvre dispose encore le nouvel Exécutif nommé jeudi dernier ? C’est étonnant que chacun attende un miracle. Le miracle ne se produira pas. L’Etat joue avec le feu. Depuis une décennie, il refuse de reconnaitre que le soleil se lève à l’Est. En niant la réalité, on ne l’efface pas. De nombreux auteurs, économistes et politistes, ont déjà indiqué la voie à suivre. En particulier le groupe Nabni a fourni une feuille de route remarquable, qui a été pour l’essentiel ignorée. De même Abderrahmane Mebtoul, parmi beaucoup d’autres, n’arrête pas de mettre en garde et de rappeler les choses qu’on ne peut pas éviter. Le ministère des Finances, lui-même, a publié un modèle économique qui reprend certaines choses importantes qui pourraient aider. Finalement, on a l’impression que les dirigeants ont la tête dans le sable. Pour répéter donc, les calculs actuels, rappelés récemment par le Pr Mebtoul, montrent que les sorties de devises en 2017 seraient de 57 milliards de dollars. Pour couvrir cela, il faudrait pour un pays aussi dépendant de l’énergie que l’Algérie un prix international du baril à 85 dollars. Comme il est à 50, les dangers de banqueroute sont clairs. Il n’y a qu’une seule voie, celle de la création de richesses. Cela se fait par le secteur privé qu’on doit aider à être bon, notamment dans sa capacité à exporter. Il faut simplifier considérablement le processus de création et de développement d’entreprise. Il faut arrêter les décisions incompréhensibles de freinage des champions nationaux, comme Cevital et beaucoup d’autres. Il faut encourager le financement par l’entreprise plutôt que directement par l’Etat. Les projets de qualité sont finançables à l’échelle internationale et cela doit être permis. Il faut encourager l’investissement par la diaspora en relation avec les entreprises privées algériennes. L’avenir de l’Algérie est dans une association tous azimuts avec l’Europe et une unité économique maghrébine. Pour réaliser cela, la liberté des entreprises est une étape essentielle. L’autre aspect, qui n’est pas négligeable, c’est que l’économie c’est aussi lié à l’optimisme et à la confiance des acteurs économiques (les ménages et les entreprises). Optimisme et confiance sont directement liés à la clarté des objectifs et à la moralité des dirigeants. Beaucoup reste à faire en la matière. Les futurs arbitrages seront assurément douloureux ! Quelles sont, d’après vous, les mesures urgentes à effet immédiat susceptibles de contribuer à l’amélioration de la situation ? Comme je viens de le mentionner, je vous suggère de relire les dernières recommandations de Nabni. Elles sont vraiment appropriées et très clairement énoncées. Votre journal pourrait les reproduire partie par partie et les publiciser. Au plan de la réduction des dépenses, l’on s’attend à ce que les arbitrages actuels entraînent de nouvelles tournures austères dans le budget de l’Etat ; une allocation ciblée des subventions, baisse des budgets d’équipement et de fonctionnement, restriction à l’importation,
etc. Qu’en pensez-vous ? L’Algérie est un pays qui méprise l’organisation. Les dirigeants agissent sans discipline, de manière informelle, sans respect des règles qu’ils émettent. Le pays est en conséquence plutôt désordonné. Le problème est vraiment un problème d’ordre. On peut faire beaucoup mieux avec un comportement ordonné. On ne peut pas changer considérablement le soutien social actuel. On peut améliorer sa gestion. Aujourd’hui, le paradoxe est que seuls les plus nantis bénéficient des subventions et autres aides de l’Etat. Les pauvres sont complètement en dehors du système et souffrent beaucoup. L’effet du désordre est clair aussi au niveau de l’activité des entreprises. Les restrictions à l’importation, la baisse des budgets, etc., sont des actions de panique, qui démontrent seulement un manque de compréhension de l’économie et une peur de perdre le contrôle. C’est au contraire, maintenant qu’il faut se rapprocher des acteurs économiques nationaux et internationaux et établir des plans de route raisonnables. Mon conseil est surtout de faire appel à la connaissance et de commencer à construire véritablement, sans crainte, parce que l’Algérie a la possibilité de faire beaucoup mieux, même en cette période difficile. La difficulté principale est que la population n’a aucune confiance dans l’Etat. Il faut donc faire des choses qui permettent de redonner à l’Etat sa stature et son influence. Cela passe par une moralité sans faille, un changement radical de la classe politique, notamment un rajeunissement de tout l’appareil de direction. Celui qui veut gagner de l’argent doit aller vers le privé et l’entrepreneuriat. Celui qui va vers l’Etat et ses institutions doit être motivé uniquement par le désir de servir les autres. Cela peut paraître naïf ou prétentieux, mais la sauvegarde de la nation est à ce prix. La présidence de la République a une responsabilité historique en ces temps difficiles. Si elle continue à jouer un jeu politique centré uniquement sur le maintien du pouvoir actuel, elle va faire beaucoup de mal aux citoyens de ce beau pays et perdra le pouvoir.
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