Si elle se dit «soulagée» du changement de gouvernement, elle ne donne pas un blanc-seing à la nouvelle équipe de Abdelmadjid Tebboune dont elle pense tout le bien. A l’affût et sans accorder de période de grâce au nouveau patron de l’Exécutif, la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, presse le nouveau gouvernement de prendre des «mesures urgentes et de corriger les mauvais choix économiques désastreux». Si elle a un a priori positif sur le nouveau locataire du palais Docteur Saadane, elle espère par ailleurs que sa nomination obéit à une prise de conscience des dangers qui guettent le pays. «Nous connaissons bien Monsieur Tebboune, nous le respectons, c’est un homme d’Etat, un homme de dialogue, il a fait ses preuves dans ses fonctions ministérielles, mais nous souhaitons que sa nomination entre dans un cadre qui vise à corriger l’état des lieux, une prise de conscience des dangers qui guettent le pays et qui menacent sa stabilité», a commenté Mme Hanoune, lors d’une conférence de presse qu’elle a donnée hier au siège de son parti à Belfort (Alger). Sans trop vouloir anticiper sur l’action du nouveau gouvernement, la secrétaire générale du PT interpelle et pose un certain nombre de questionnements pour jauger la volonté de l’Exécutif et sa capacité à redresser le pays. «Il est vrai que cette nomination intervient dans un moment critique, de dégradation générale, de délabrement continu qui est la conséquence d’une crise globale, elle-même produit de la décomposition du système en place», précise-t-elle. «Le nouveau gouvernement stoppera-t-il l’engrenage mortel amorcé depuis la loi de finances 2015 qui a plongé la moitié des communes dans la détresse ? Va-t-il corriger l’orientation économique et sociale désastreuse ? Arrêtera-t-il la récession dans laquelle est entré le pays ? Stoppera-t-il la spirale infernale qui entraîne la majorité de la population ? Va-t-il en finir avec l’austérité ?» se demande Mme Hanoune. Au-delà des «amitiés», elle annonce un été politique chaud au gouvernement. «Nous n’allons pas faire un jeûne politique», promet-elle. Elle demande d’ores et déjà au nouveau Premier ministre de «retirer définitivement l’avant-projet de loi sur la santé et celui sur le travail». «La santé, l’éducation, l’université — qui se meurt — et l’habitat doivent être sauvés», interpelle encore la leader de gauche. La secrétaire générale du PT revendique une réorientation stratégique en matière économique et sociale en «rétablissant le caractère républicain du pays par l’égalité dans l’impôt, par l’instauration de l’impôt sur la fortune, récupérer l’impôt impayé, exiger le remboursement des crédits d’investissement et en finir avec l’impunité. C’est le sens de la solidarité nationale, c’est de cette façon que l’on peut redonner confiance. La régression sociale est le lit de la violence et du terrorisme». En la matière, l’ancienne équipe gouvernementale «n’a pas respecté la Constitution», assène-t-elle. Si Mme Hanoune prend acte des déclarations du Premier ministre en matière d’habitat, elle le presse à ce que «tous les bidonvilles soient éradiqués, pas seulement à Alger mais partout. Nous avons visité le bidonville Si El Houes, à quelques encablures de la luxueuse résidence d’Etat, nous y avons découvert l’horreur». Concentrant son intervention sur les aspects économiques et sociaux, car le poids de la crise écrase non seulement les couches les plus vulnérables, mais aussi ce qui reste de la classe moyenne, Louisa Hanoune espère que «l’orientation globale soit celle de la résistance, et non pas la poursuite des mêmes politiques. S’il existe une volonté, le peuple va soutenir. Nous sommes proches du point de rupture et nous allons juger en fonction de la loi de finances 2018, mais aussi sur la base des mesure urgentes». Tebboune est donc averti. L’étrangeté des propos de Gaïd Salah Revenant sur la séquence des législatives, Louisa Hanoune estime que la nouvelle Assemblée nationale pose problème en raison de la forte présence des hommes d’affaires qui ne vont «pas voter des lois dans l’intérêt national mais dans celui de groupes. Sa composition a été sélectionnée pour aggraver les inégalités sociales». Mais ce qui a le plus agacé la secrétaire générale du Parti des travailleurs, ce sont les propos du chef de l’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, qui a répondu aux déclarations politiques sur le vote des militaires. «Je suis ahurie», peste-t-elle en marge de sa conférence de presse. «Je ne veux pas polémiquer avec le chef de l’état-major, mais je trouve son intervention ahurissante. Il est censé être en dehors des questions politiques et des élections. Ses missions sont clairement définies par la Constitution, il n’avait pas à répondre aux déclarations faites par des chefs politiques, il n’a pas à s’interférer dans la politique. C’est une étrangeté», réplique Mme Hanoune. Elle persiste et signe quant à ses déclarations précédentes sur le vote des militaires. «Il y a bien un vote orienté des militaires en faveur d’un parti, mais surtout le vote blanc de ce ‘‘corps électoral’’ qui est sans précédent, il exprime un rejet», appuie-t-elle. Pour rappel, le chef de l’état-major avait réagi au lendemain des législatives en déclarant que «certains avaient malheureusement avancé, à la fin des élections législatives du 4 mai, quelques allégations, commentaires et insinuations». Il n’est pas inutile de rappeler aussi que nombreux sont les acteurs politiques qui soupçonnent le rôle de l’armée à chaque échéance politique. La fameuse lettre de félicitations adressée par le chef de l’état-major à l’ex-secrétaire général du FLN, Amar Saadani, au lendemain du congrès plébiscitaire, a renforcé ses soupçons.
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