Une équipe gouvernementale s’en va et une autre lui succède, alors qu’une nouvelle Assemblée est installée. Mais qu’en est-il des déclarations de patrimoine auxquelles tout ce personnel politique est assujetti ? Si l’on se réfère à la loi 06/09 relative à la prévention et la lutte contre la corruption, promulguée en mars 2016, il est clairement fait obligation au président de la République, aux présidents et aux membres des deux Chambres du Parlement, au président et aux membres du Conseil constitutionnel, au Premier ministre et aux membres du gouvernement, au président de la Cour des comptes, au gouverneur de la Banque d’Algérie, aux ambassadeurs, aux consuls, aux walis, aux magistrats, de déposer, dans le mois qui suit leur installation, l’inventaire de leurs biens auprès du président de la Cour suprême, et aux présidents et membres des Assemblées populaires locales, aux agents publics occupant des postes ou fonctions supérieurs de l’Etat et aux agents publics de faire des déclarations auprès de l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (OPLC). La mission de cet organe et de la Cour suprême consiste à recueillir les déclarations de patrimoine, d’examiner et d’exploiter les informations qu’elles contiennent et de veiller à leur conservation. La loi 06/09 a même prévu des sanctions pénales allant de 6 mois à 5 ans de prison et une amende de 50 000 à 500 000 DA contre les récalcitrants «qui, deux mois après un rappel par voie légale, sciemment n’auront pas fait leurs déclarations ou auront fait une déclaration incomplète, inexacte ou fausse, formulée sciemment de fausses observations ou qui auront délibérément violé les obligations qui leur sont imposées par la loi». Si l’on se réfère à l’article 4 de la Constitution, cette déclaration doit comporter l’inventaire des biens immobiliers et mobiliers, situés en Algérie et/ou à l’étranger, détenus par les responsables concernés y compris dans l’indivision, ainsi que ceux appartenant à leurs enfants mineurs. Cette liste est publiée par le président de la Cour suprême et par l’OPLC, dans les deux mois qui suivent leur élection ou installation. Mais, à ce jour, aucune déclaration de biens (à des exceptions près) de nos responsables, notamment les membres de l’Exécutif, n’a été rendue publique et nous ne savons pas si, effectivement, ils l’ont fait, ou s’il y a eu des retards dans le dépôt de ces listes. Il faut dire que tout un dispositif légal existe depuis 2006 et rend obligatoire la publication de l’inventaire du patrimoine de nos dirigeants. Mieux encore, cette obligation est depuis 2016 constitutionnalisée. En effet, l’article 21 de la nouvelle Loi fondamentale stipule : «Toute personne désignée à une fonction supérieure de l’Etat, élue au sein d’une assemblée locale, élue ou désignée dans une assemblée ou dans une institution nationale doit faire une déclaration du patrimoine au début et à la fin de sa fonction ou de son mandat.» Or, durant ces dernières années, la corruption et l’enrichissement illicite n’ont jamais été aussi florissants. Les scandales en cascade et les richesses accumulées par certains de nos responsables n’ont cessé d’alimenter aussi bien la presse nationale qu’internationale. Les révélations du consortium de journalistes d’investigation sur les comptes off-shore du cabinet d’avocats Fonceca ont cité, faut-il le rappeler, Abdessalem Bouchouareb, ministre de l’Industrie, qui avait un compte off-shore, ouvert et alimenté pendant qu’il assumait sa mission au sein du gouvernement. Le scandale des Panama Papers a également éclaboussé la fille du Premier ministre, qui, elle aussi, a utilisé les services du cabinet d’avocats pour ouvrir des comptes suspicieux. Le train de vie de nombreux ministres du gouvernement sortant a suscité bien des interrogations sur leurs accointances avec l’argent sale, alors que l’affaire Sonatrach 1 et 2 et avant elle celle de l’autoroute Est-Ouest et bien d’autres ont levé le voile sur des opérations d’enrichissement illicite de hauts fonctionnaires de l’Etat, qui n’ont jamais été interpellés sur leurs fortunes subitement érigées. Depuis l’arrivée du président Bouteflika au pouvoir en 1999, et sa première déclaration de patrimoine, a-t-on idée du nombre de ministres et de responsables qui se sont succédé sans qu’ils ne déclarent leurs biens ? Ils se comptent sur les doigts d’une seule main, ceux qui l’ont fait. Et Abou Djerra Soltani n’avait pas tort de déclarer, il y a une année, à un journaliste de la radio, que ni lui ni les ministres de sa formation ne se sont conformés à cette obligation légale. Plus que jamais, cette obligation de déclaration de patrimoine faite aux membres de l’Exécutif, aux magistrats des hautes Cours, ainsi qu’aux élus, gagnera à mieux moraliser la vie publique en la rendant publique et en faisant en sorte que les structures qui veillent à sa réception et son contrôle (Cour suprême et Oplc) la rendent accessible aux citoyens à travers sa publication officielle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire