dimanche 25 octobre 2015

La presse des uns et des autres

L’Algérie, un modèle économique et social», cela prête à rire et pourtant ce fut le thème proposé cette année par le ministère de la Communication aux journalistes pour le prix du… président de la République. Refus tout à fait légitime des bonnes plumes du pays de passer par un concours et de plancher sur un thème de pure propagande du pouvoir. La bonne pratique universelle pour un tel prix est de laisser les journalistes eux-mêmes faire le choix le plus judicieux et le plus libre dans la production régulière annuelle des hommes de presse. Souvent sans même que ces derniers soient invités à participer au prix. L’auteur de ce flop et surtout de cette (autre) gifle à la presse n’est autre que le ministre de la Communication qui a déjà à son actif la chasse à des journaux indépendants jugés coupables d’être critiques par rapport au discours officiel. Dans sa croisade guerrière, il a fini par discréditer sa propre structure ministérielle laquelle a connu de grands moments, lorsqu’il y avait à sa tête des noms célèbres (Rédha Malek, Mohamed Seddik Benyahia, Abdelaziz Rahabi…) qui, par leur bonne politique, ont permis l’émergence de grands directeurs et de belles plumes (Bachir Rezoug, Abdou B., Kheiredine Ameyar, T. Djaout, O. Ourtilane, etc.), sans oublier ces centaines voire ces milliers de journalistes talentueux qui ont choisi de faire honnêtement leur métier avec pour seul souci l’information du public et travaillant pour la plupart dans l’ombre. Aujourd’hui, le spectacle de la presse est désolant. Sur la presse étatique, jamais le carcan gouvernemental n’a été aussi serré : aucune liberté de ton n’est laissée aux journalistes du secteur contraints à longueur de colonnes et de journée de reproduire le discours officiel. Les médias privés subissent, eux, outre la raréfaction de leurs ressources, un forcing des autorités visant à leur ôter tout esprit critique. Le chantage à la publicité étatique est de règle. Il s’est élargi à la publicité du secteur privé, y compris étranger, tandis que les télévisions privées sont placées sous haute surveillance. La répression laisse place à toute réflexion sur l’avenir de l’information. Mouloud Hamrouche, alors chef de gouvernement au début des années 1990, avait une stratégie innovante. Conscient que le système politique pouvait produire plus de destructeurs que de bâtisseurs, sa politique en direction des journalistes (alors à la pointe du combat démocratique au sein du Mouvement des journalistes algériens) était de ne pas freiner leur élan pour la liberté d’expression. Il avait carrément supprimé le ministère de l’Information. Malheureusement cela ne dura pas longtemps. En se détériorant, le climat politique et sécuritaire avait entraîné la remise en cause des réformes et permis la résurgence de ce département gouvernemental. Par bonheur, un grand nombre de journalistes eurent le temps de créer des médias indépendants auxquels adhéra le public qui y trouva, pour la première fois depuis l’indépendance, une information crédible et variée, non contrôlée par les autorités. Bien plus mais à son corps défendant, la presse outrepassa son rôle. Elle devint un rempart républicain face à la déferlante intégriste. Il fallait protéger l’Algérie en péril. Malheureusement, la tendance depuis est à l’oubli de ce rôle historique, voire civilisationnel joué par les hommes de la presse qui y laissèrent tant des leurs. Ce que demande la presse, ce ne sont pas des lauriers ou des médailles, mais qu’on la laisse travailler. Dans le respect.  

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