jeudi 29 octobre 2015

Le parti pris de l’administration

C’est l’impartialité de l’administration qui est houspillée par ceux-là même censés l’incarner. Sinon, comment expliquer la présence de l’actuel wali de Tipasa au sein du comité central du FLN ? Abdelkader Kadi, qui avait rejoint sur «instruction» le «parlement» de l’ex-parti unique en compagnie d’une dizaine de ministres lors du dernier congrès du FLN garde toujours son siège, alors qu’il est redevenu wali. Sa nouvelle fonction devait naturellement l’amener à quitter le parti. Mais l’ex-ministre de l’Agriculture et du Développement rural continue d’assister, en tant que militant du FLN, aux activités du parti. La dernière date de jeudi dernier, lors de la réunion des cadres du parti à Alger. Ce cas de figure est loin d’être anodin dès lors que le wali, de par sa fonction, est tenu par la sacro-sainte règle de l’impartialité de l’administration vis-à-vis des partis politiques. Un mélange de genres. Une confusion de rôles. Un précédent depuis l’avènement du multipartisme. Avec sa double casquette de représentant de l’administration et de responsable dans un parti politique, comment va se comporter Abdelkader Kadi sachant que l’une de ses missions est de veiller à la neutralité de l’administration dans l’organisation des élections et surtout leur transparence ? Que dira le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Bedoui ? Quelle explication fournira-t-il pour défendre une administration fortement décriée, contestée et dont la neutralité est une fois de plus – une fois de trop – enrôlée dans le jeu politique avec un parti pris flagrant. Pourquoi M. Bedoui n’a-t-il pas instruit son wali d’abandonner son siège de membre du comité central ? Autoriserait-il un autre wali à adhérer un parti de l’opposition ? En tout état de cause, ce cas entame le peu de crédit de l’administration centrale. Il n’est pas sans rappeler la période du parti unique et le fameux article 120 instauré par Mohamed Chérif Messaadia, qui obligeait tout le monde – fonctionnaires d’administration, patrons de société publique, officiers de l’ANP, diplomates – à prendre une carte au parti. Un cas qui illustre l’apparition de nouvelles pratiques dans le paysage politique. Enrôlement massif Le dernier congrès du parti, dirigé par l’inénarrable Amar Saadani, a vu des ministres, sans parcours politique ni attache partisane connue, rejoindre le comité central du FLN. Même le Premier ministre a eu «droit» à une carte de militant avec effet rétroactif. Des chefs d’entreprise publique, eux aussi sans passé militant, ont rejoint le comité central, comme c’est le cas du PDG de Mobilis. «II ne manquait que les juges», a ironisé un ancien haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur. Il faut rappeler, à ce titre, que le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd-Salah, s’est fendu d’un message désignant le FLN comme étant «première force politique du pays». «Il est nul besoin de prouver que le parti du Front de libération nationale demeure, au regard du capital révolutionnaire et historique ainsi que sa large base populaire qui brasse toutes les couches de la société et toutes les catégories d’âge, la première force politique du pays et c’est incontestable», avait-il écrit dans une lettre aussi inaccoutumée qu’étrange. Un fait qui a rompu, là encore, la sacro-sainte règle de la neutralité de l’armée et surtout son «éloignement» du jeu politique. Il faut dire que cette prise de position du chef d’état-major a suscité des interrogations, sinon éveillé des soupçons au sein même du pouvoir. La proximité entre le chef d’état-major et le secrétaire général du FLN ne passe pas inaperçue. En somme, loin d’être un fait divers, le cas du wali de Tipasa est emblématique d’un enrôlement massif des appareils de l’Etat dans un parti visiblement nostalgique de son passé hégémonique. Amar Saadani, qui arbore l’étendard de l’Etat civil, ne propose-t-il pas, au final, un retour au temps du parti unique avec la domination de l’armée ? C’est là où les cris d’alarme de la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, prennent tout leur sens : «Nous sommes en passe d’une militarisation de la vie politique dans le pays.» C’est un retour forcé vers un passé peu glorieux.

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