jeudi 20 octobre 2016

Menaces sur les droits des travailleurs

Le projet de loi portant code du travail stipule que le contrat à durée déterminée (CDD) ne peut être reconduit plus de trois fois sans pour autant limiter sa durée. Consultant en droit syndical, ancien syndicaliste, Noureddine Bouderba ne cesse d’alerter sur le contenu du projet de loi portant code du travail. En parfait connaisseur de la législation du travail, il revient sur les arrières-pensées de ce projet, sur l’opportunité de son élaboration et surtout le danger qu’il véhicule sur les acquis sociaux et les libertés syndicales. Il met en avant le recours aux CDD sans les protéger ou les accompagner, comme cela se fait dans les pays plus libéraux. Le projet de loi stipule que le CDD ne peut être reconduit plus de trois fois, sans pour autant limiter sa durée. «Cela veut dire que celui qui signe un CDD peut rester plus de dix ans. S’il signe un contrat d’une durée de 4 ans par exemple, renouvelable trois fois, cela donne une période de 12 ans en CDD. En France, cette période est limitée à 2 ans seulement», note l’ancien syndicaliste. Selon lui, le projet de loi «donne droit aux employeurs d’aménager les horaires de travail, les jours de repos hebdomadaire et les congés mais, plus grave, il introduit une liste de motifs de licenciement, y compris celui sans raison valable, alors que dans l’actuel code tout est codifié». Plus encore, «l’actuel code prévoit des mécanismes de mise en application des décisions de réintégration prononcées par les tribunaux. Ce principe a été abandonné pour ne laisser aucune disposition qui oblige l’employeur à reprendre un travailleur abusivement licencié». En fait, M. Bouderba estime que le projet de loi «réduit considérablement le rôle des inspecteurs du travail pour ne pas embêter les employeurs. Nous sommes passés de la protection du salarié à celle du capital, une limitation de la liberté de créer un syndicat et le droit d’exercer l’activité syndicale. En fait, ce nouveau code  risque de provoquer l’irréparable». Notre interlocuteur souligne l’opportunité d’une telle loi qui, selon lui, obéit à des injonctions d’instances financières internationales, comme la Banque mondiale (BM) ou le Fonds monétaire international (FMI). «En 2005, lorsque la tripartite a inscrit la refonte du code du travail à l’ordre du jour, c’était pour faire tomber ce que ces organismes financiers qualifient d’obstacle au développement économique. L’objectif était de rendre plus flexible la réglementation du travail sur laquelle repose le classement des mauvais et des bons pays en matière de développement. Mais quelques années plus tard, vers 2008-2009, l’Organisation internationale du travail (OIT) a démontré par des études que ces critères de classement ne peuvent plus être des indicateurs de croissance. Ce qui a poussé la BM et le FMI, dès 2011, à ne plus prendre en considération les critères liés au droit du travail dans leurs évaluations. Les études de l’Office national des statistiques (ONS) ont également montré que si l’Algérie n’arrive pas à tirer vers le haut sa croissance économique, c’est plutôt à cause de la fiscalité, de l’absence de main-d’œuvre qualifiée et de la corruption et non pas du fait de la réglementation du travail», explique M. Bouderba. Selon lui, le secteur privé, avec ses 3 millions de travailleurs, est moins concerné par la couverture syndicale avec 5% seulement d’entreprises (surtout étrangères ou mixtes) qui ont un syndicat. Notre interlocuteur se dit contre la philosophie du texte et non contre toutes ses dispositions. Il reconnaît que certaines constituent «des avancées» alors que d’autres portent «une lourde menace». Ce texte introduit la notion de protection contre le harcèlement sexuel sur les lieux de travail, dit-il, mais en même temps il ouvre la brèche pour rendre les dénonciations très difficiles en évoquant les dénonciations dites calomnieuses susceptibles de sanctions pénales. M. Bouderba fait le lien entre les grèves des syndicats autonomes et ce projet de loi : «Cette grève est révélatrice d’un grave déficit en canaux de dialogue social avec les partenaires ; depuis plus de 20 ans, nous n’avons pas vu une telle convergence de revendications sociales. Hier, 80 sections syndicales se sont réunies à Rouiba pour exprimer leur mécontentement contre la suppression de la retraite anticipée…»  

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