Objet de contestation et de polémique, le projet de loi relatif au code du travail comporte une batterie d’articles qui remettent en cause notamment l’activité syndicale, la création de syndicat, le droit de grève et surtout l’interdiction du travail des enfants. En clair, ce texte, comme le qualifient certains syndicalistes, est une «bombe à retardement» qui suscite l’inquiétude des travailleurs et risque d’alimenter des mouvements de contestation aux conséquences incontrôlables. Préparé dans la discrétion la plus totale, en l’absence de toute concertation avec les partenaires sociaux, l’avant-projet de loi portant code du travail ne cesse de faire polémique. Depuis 2014, et avant même qu’il ne soit validé, son contenu, apprécié par le patronat, suscite la colère chez les syndicats qui le voient comme une menace sur le contrat social liant l’Etat aux travailleurs, sur l’activité syndicale, le droit de grève consacré par la Constitution et sur l’interdiction du travail des enfants. En tout cas, c’est ce qui ressort de la lecture des dispositions de ce document de 133 pages, qualifié par les syndicalistes de «bombe à retardement». Commençons par l’article 44 qui organise le travail de nuit. Dans son premier alinéa, il écarte le recours (pour le travail de nuit) aux travailleurs et apprentis de l’un ou de l’autre sexe de moins de 18 ans, cependant il autorise des exceptions en stipulant : «Toutefois, le travail de nuit peut être exceptionnellement permis pour les travailleurs (…) de moins de 18 ans, dans des activités nécessitant le recours au travail de nuit à condition d’informer au préalable l’inspection du travail compétente.» Dans le chapitre réservé au travail des enfants, il reconnaît de fait l’existence des travailleurs mineurs. L’article 48 stipule : «Les travailleurs mineurs et les apprentis des deux sexes, âgés de moins de 18 ans, ne peuvent être employés à des travaux susceptibles de porter atteinte à leur intégrité physique, mentale et à leur moralité.» Il annonce même la détermination réglementaire de la liste des travaux visés par l’article. Dans le chapitre des repos légaux, les articles 64 et 65 laissent perplexe. Il est clairement indiqué : «Lorsque les impératifs économiques et l’organisation de la production l’exigent, ou si l’interruption du travail est incompatible avec le jour du repos hebdomadaire ou préjudiciable au public, le repos hebdomadaire peut être différé ou pris un autre jour. Dans ce cas, l’organisme employeur est admis de droit à fixer le repos par roulement.» Le chapitre réservé au droit de grève comporte également de nombreux amendements qui font craindre le pire. Dans l’article 337 par exemple, il est précisé que «la durée du préavis de grève court à compter de la date de son dépôt auprès de l’employeur et de l’inspection du travail (...) ; la durée de ce préavis est fixée par voie de négociation et ne peut être inférieure à huit jours.» Mieux encore, l’article 338 exige, sous peine de nullité, que ce préavis de grève comporte «obligatoirement la durée de la grève et son motif», alors que l’article 339 précise qu’une fois «fixé, il ne peut faire l’objet ni de gel, ni de reconduction, ni de report». Le projet de loi consacre à «la protection» du droit de grève trois dispositions. L’article 342 énonce que «la relation de travail est suspendue durant la période de la grève déclenchée conformément à la loi» et que «les journées de grève ne donnent lieu à aucune rémunération». Plus loin, l’article 343 souligne que «l’arrêt collectif de travail résultant d’un conflit, intervenu en violation des dispositions légales, constitue une faute professionnelle grave des travailleurs qui y ont pris part et de ceux qui ont contribué par leur action directe. Dans ce cas, l’employeur prend à l’encontre des travailleurs concernés les mesures disciplinaires prévues». Quant à l’article 346, il énonce : «Sans préjudice de sanctions pénales, l’entrave à la liberté du travail constitue une faute professionnelle grave.» L’autre nouveauté qui suscite l’inquiétude concerne les domaines dans lesquels le service minimum est obligatoire en cas de grève et qui comporte «les activités liées à la dispense des programmes pédagogiques des examens à caractère national durant la période de son déroulement, y compris les travaux de correction desdits examens dans tout le secteur de l’enseignement». L’interférence du ministre, du wali et du maire En outre, l’article 353 interdit le recours à la grève «aux agents des services de sécurité, aux agents actifs de la Protection civile et des douanes et au personnel des services extérieurs de l’administration pénitentiaire». Très contestés, les articles 355 à 358 limitent sensiblement le droit de grève consacré par la Constitution. «s’il survient dans la négociation un élément nouveau essentiel en rapport avec le conflit durant le préavis de grève ou pendant le déroulement de la grève, il doit être porté à la connaissance des travailleurs réunis en assemblée générale. Ces derniers doivent se prononcer conformément aux dispositions de la présente loi sur la reprise ou non du travail», édicte l’article 355, alors que l’article 356 donne la prérogative aux pouvoirs publics d’interférer dans un conflit en indiquant : «Le ministre chargé du secteur, le wali, le président d’APC peuvent, lorsque les positions des parties font présumer des difficultés de négociations directes, désigner un médiateur parmi ceux figurant sur la liste en vue de soumettre aux parties au conflit des propositions de règlement de différend». Mais l’article 358 note : «Lorsque la grève persiste et que la médiation échoue, le ministre, le wali, et l’APC peuvent, si d’impérieuses nécessités économiques l’exigent, déférer, après consultation de l’employeur et des représentants des travailleurs, le conflit devant la commission nationale d’arbitrage.» En clair, le projet de loi ouvre la voie à l’intervention directe des pouvoirs publics dans les conflits sociaux et syndicaux en réduisant au maximum la marge de manœuvre des représentants des travailleurs. En tout cas, cela apparaît clairement dans les trois articles (329 à 331) du chapitre réservé aux dispositions communes sur la médiation. Ainsi, la liste des médiateurs qui perçoivent une indemnité (dont les montants seront fixés par voie réglementaire) «est fixée par arrêté du ministre du Travail, bien sûr après consultation des organisations syndicales d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives à l’échelle nationale». Ce qui suggère l’exclusion des syndicats autonomes. Par ailleurs, l’article 333 suscite bien des craintes. Il stipule que «le recours à la grève est obligatoirement suspendu dès lors que les parties au conflit collectif de travail sont convenues de soumettre leur conflit à l’arbitrage». A ce titre, l’article 360 relatif à la saisine de la commission nationale d’arbitrage prête à équivoque puisqu’elle relève en premier lieu du ministre, du wali ou du maire, en second lieu du ministre concerné par le conflit, puis des représentants des travailleurs. Sa composition montre un déséquilibre entre les représentants des travailleurs et de l’administration. L’article 361 souligne qu’elle est «présidée par un magistrat de la Cour suprême et composée en nombre égal de représentants désignés par l’Etat, les représentants des travailleurs et ceux des employeurs». Ce qui rend les délégués des travailleurs ou des syndicats minoritaires. Mieux encore, le projet de loi prévoit 5 articles pour le chapitre des dispositions pénales liées au règlement des conflits sociaux, qui semblent avoir comme objectif de réduire au minimum les chances d’aboutissement d’une grève. Ce sont là les principaux articles qui font craindre le pire, suscitant la colère des syndicats. Le projet de loi a maintenu les obstacles qui limitent le droit des travailleurs de constituer — sans distinction de nationalité ni autorisation préalable — des syndicats de leur choix et d’y adhérer. Tout comme il a maintenu le droit accordé à l’administration d’imposer un arbitrage contre la volonté des travailleurs de la Fonction publique. Des atteintes renforcées par d’autres encore, comme l’obligation de réunir 25 membres fondateurs résidant dans un tiers des wilayas du pays pour constituer un syndicat national, une fédération ou une confédération syndicale. Le projet de loi prévoit également une disposition à interprétation élastique, qui permet à l’administration d’interdire les grèves et à la justice de les déclarer illégales en cas de plainte de l’employeur et une autre par l’obtention d’un récépissé pour tout dépôt de préavis de grève, mais aussi pour la création d’un syndicat mis dans l’obligation de le présenter pour obtenir l’autorisation simultanée de l’employeur et de l’Inspection du travail pour toute action de grève.
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