mercredi 19 octobre 2016

«L’augmentation de la TVA est une décision simpliste»

- L’avant-projet de loi de finances 2017, approuvé début octobre par le Conseil des ministres, prévoit une hausse de deux points de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), destinée à renflouer les caisses de l’Etat, dans un contexte de crise financière. Quelles seront les conséquences pour les entreprises ? Il faut rappeler que le gouvernement algérien, pour pallier l’effondrement de la fiscalité pétrolière dont il a fait le véritable socle de sa politique fiscale et budgétaire, a songé à élargir le périmètre de la fiscalité ordinaire. La TVA et d’autres taxes en sont le levier le plus important. L’augmentation de tous les niveaux de la TVA de 2% est une décision simpliste, parce que facile à mettre en œuvre et à maîtriser. En agissant ainsi, le gouvernement opère sur des leviers fiscaux dont il connaît l’étendue et maîtrise le mécanisme. La TVA est la taxe, supportée en dernier ressort par les ménages et collectée par les agents économiques intermédiaires au profit de l’Etat, qui permet un renflouement immédiat des caisses de l’Etat. L’impact sur les activités des entreprises et sur l’économie globalement est inéluctable : une augmentation évidente mais pas mécanique des prix des intrants et des produits est perceptible dès l’entrée en vigueur des nouveaux taux. Une fiscalité complexe et lourde étouffe la vie des entreprises, à court et moyen termes, notamment dans leurs marges et profits. L’effet est moins visible dans les transactions B to B (interentreprises) mais plus accentué dans les transactions avec le client final (B to C) puisque le commerce de détail aura à juger de l’opportunité d’une répercussion totale de cette hausse sur le prix de vente final, notamment pour ne pas perdre de leur compétitivité. Aussi, il convient de signaler qu’avec ce manque à gagner, les entreprises réduiront leurs investissements, donc à créer des emplois. La croissance, de ce fait, sera affaiblie. Ce sont plutôt les IDE qui fléchiront encore plus puisque la plupart des entreprises en quête de marchés étrangers évitent d’investir dans des économies à forte pression fiscale, donc moins attractives. - Peut-on craindre un ralentissement net de l’investissement des entreprises, déjà soumises à une forte pression fiscale ? Oui, mais pas autant qu’on pourrait le penser, tant la demande nette restera importante. Naturellement, une augmentation d’impôts détruit les incitations à produire, à travailler, à entreprendre, à épargner et à investir. Ce qu’il faut craindre, ce sera l’aversion des entreprises à l’impôt et l’évitement fiscal qui en découlera. Il y a une proportion de risque que ce relèvement du taux accentuera l’évasion fiscale et le refuge dans l’informel, déjà très ancré et structuré dans la culture entrepreneuriale  locale. Il faut ajouter à cela une possible baisse de la productivité notamment par le sentiment d’étouffement fiscal subi et le coût administratif de la conformité aux nouvelles dispositions fiscales. Les entreprises pourront certainement continuer à investir mais avec une moindre intensité et surtout en agissant sur la productivité des facteurs pour rester compétitives. En cela, recruter moins serait un viatique. - Quel est l’impact du relèvement des taux de la TVA sur le pouvoir d’achat des Algériens, déjà mis à rude épreuve, et l’inflation ? Les études empiriques ont montré que le TVA est perçue comme une taxe sur la consommation et elle est supportée par les ménages. Le problème de cette hausse est qu’elle touche aussi bien le taux réduit (7%) que le taux normal (17%). Et cette augmentation de 2 points est calquée du gouvernement français qui en a fait de même en 2014. Ce double niveau d’augmentation impactera le panier du consommateur, déjà grevé par d’autres taxes existantes. Les ménages vont devoir payer plus pour des produits courants de large consommation et verront se contracter leur pouvoir d’achat. Le mieux aurait été que le gouvernement maintienne en l’état le même taux réduit de 7% (appliqué aux produits de large consommation comme le gaz, l’électricité) pour ne pas pénaliser les portefeuilles. Aussi, cette pression fiscale, perçue négativement par les entreprises, engendrera une pression sur le marché du travail (du fait de la baisse des créations d’emplois) et provoquera une concurrence sur ce même marché où les salariés verraient leurs salaires figés et les prétendants à l’emploi accepteraient des salaires moins importants.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire