L’Algérie sombre-t-elle dans l’insécurité ? Les criminologues sont formels : la réponse est négative en comparaison avec les pays voisins tels que le Maroc, ou encore avec la période de la décennie noire. Malgré les indicateurs à la baisse, la criminalité reste tout de même un phénomène que l’Algérie peine à contrer. Entre les atteintes aux personnes, aux biens et le crime organisé, la société algérienne vivote sans pour autant connaître les vraies causes menant des personnes ordinaires à devenir des criminels. Pas plus tard qu’hier, les éléments de la sûreté de la daïra de Chéraga, dans la wilaya d’Alger, ont présenté devant le procureur de la République un jeune âgé de 26 ans pour diverses formes de violence dont essentiellement harcèlement, attentat à la pudeur et viol. Se faisant passer pour un chauffeur de taxi clandestin, ce jeune élaborait un plan pour prendre à bord de son véhicule ses victimes. Une fois dans la voiture, ils les conduisait dans des endroits isolés pour les violer, les filmer et leur voler les objets de valeur qu’elles avaient sur elles. Une criminalité violente et gratuite qui semble, selon les experts, devenir une grande tendance. Même si l’auteur présumé est mis sous mandat de dépôt, le méfait est bien réel et de pareilles atteintes semblent être loin d’être finies. A se fier aux différents bilans, notamment le tout dernier de la gendarmerie nationale, les atteintes aux personnes et aux biens sont les grandes tendances de la criminalité en Algérie. Les coups et blessures volontaires (CBV) et les vols qualifiés restent les plus dominants. Porter atteinte à l’intégrité physique des personnes est devenu si banal que même les petits jeunes dans les établissements scolaires s’y mettent eux aussi. Sans vouloir donner une dimension exagérée, l’affaire de l’agression d’un jeune lycéen par son camarade confirme ce triste constat. Ou encore les rixes entre quartiers où le port d’armes blanches est devenu tout à fait normal. Des rixes qui généralement ne finissent qu’avec l’intervention des services de sécurité et des blessés. Des crimes sans motif valable Loin de ces affaires chiffrées par les services de sécurité, la société algérienne assiste au quotidien à différentes formes de violence à longueur de journée. Violence verbale, harcèlement, oppression des libertés, obligation à la soumission, notamment pour les franges fragiles de la société sont monnaie courante. La plupart de ces affaires sont passées sous silence de peur des représailles ou carrément des médisances de l’entourage immédiat ou de la société après la dénonciation. Même s’il est toujours difficile de l’admettre, la société algérienne privilégie la loi du silence que celle de la dénonciation, même si elle en est la première victime. Pourtant, à chaque affaire traitée ou bilan dévoilé, la question du pourquoi revient systématiquement. Selon le sociologue Nacer Djabi, «les raisons qui mènent une personne au passage à l’acte demeurent inconnues». «Il est presque quasiment impossible de connaître les vraies raisons qui pourraient être liées à un état psychologique proche de la démence, des conditions de vie oppressantes ou des accès de colère impossibles à gérer dans un entretien. Pour les criminologues, c’est plus une démission collective de la société et le relâchement total du contrôle social qui encourage cette progression de la criminalité». Ces deux facteurs sont eux-mêmes une conséquence des transmutations sociales passant par la décennie noire qui a laissé un immense impact sur la société, accentuant le sentiment de peur et de l’individualisme. Le développement des technologies de l’information et de la communication et le flux de drogues ne sont pas pour rien dans ce changement de la société et surtout de la banalisation du crime.
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