Le programme des énergies renouvelables est au cœur de toutes les discussions ces temps-ci. Entre blocage, ouverture de l’appel d’offres et infraction à la loi, Mourad Louadah, président de la commission des énergies renouvelables du Forum des chefs d’entreprise (FCE), vulgarise le dossier. Décryptage. Un programme national sur fond de la cop21 Le programme algérien des énergies renouvelables est ambitieux puisqu’il entend atteindre 22 000 MW en 2030. Il s’inscrit dans le cadre des engagements de l’Algérie vis-à-vis de l’accord de Paris sur le climat (COP21) signé par le président de la République en octobre 2016 et montrant la détermination du chef de l’Etat à mettre en place une transition énergétique qui doit favoriser les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Les énergies fossiles traditionnelles non consommées au niveau local devraient être orientées vers l’exportation en attendant que les importants investissements dans l’industrie puissent commencer à donner leurs fruits et prendre le relais pour le financement de l’économie nationale. Il est à caractère socio-économique puisqu’il va créer des milliers d’emplois et d’entreprises (environ 200 000 postes d’emploi). Le programme est passé par différentes phases depuis 2011. Il s’agissait de 22 000 MW se répartissant entre 12 000 MW pour le marché local et 10.000 MW pour l’export. Au niveau de la mise en œuvre, le programme a été confié à la Holding Sonelgaz qui avait préparé un plan de déploiement en 3 phases, à savoir le test des technologies (2014-2015), le pré-déploiement (2015-2016) et le déploiement à partir de 2017. En 2015, le programme a été retouché tout en gardant la capacité initiale (22 000 MW) avec deux principaux changements : la totalité de la capacité serait destinée à la couverture de la consommation nationale et l’émergence de la technologie photovoltaïque comme la technologie adoptée pour son déploiement. En février 2016, le président Abdelaziz Bouteflika avait réaffirmé l’engagement de l’Etat à poursuivre la mise en œuvre de ce programme en le plaçant au rang de «priorité nationale». Origine du blocage Après la nomination du nouveau ministre de l’Energie au milieu de l’année 2016, le processus mis en place par la CREG (Commission de régulation de l’électricité et du gaz) a été arrêté et le programme a été de nouveau recentré sur un programme de 4000 MW pour la période allant jusqu’à 2020/2022. Les échéances de 2030 ont été reportées à 2035 et ainsi de suite. Entre-temps, la filiale de la holding Sonelgaz, la SKTM, a pu réaliser une capacité de l’ordre de 380 MW dont une partie est raccordée au réseau électrique. En conclusion, le programme n’a jamais pu être mis en œuvre selon ce qui avait été prévu en 2011 en raison de la non-maturation du programme, des décisions contradictoires émanant du ministère de l’Energie et de la non-implication des acteurs locaux. Ce que dit la loi On constate que la réglementation a été malmenée, ce qui n’est pas une spécificité propre au secteur de l’énergie. Ainsi, pendant près de 4 années, la CREG a mis en place la réglementation devant permettre aux investisseurs, qu’ils soient nationaux ou internationaux, d’utiliser le tarif d’achat garanti pour vendre l’électricité qui serait produite par le solaire photovoltaïque ou l’éolien. Un système similaire avait été préparé pour la cogénération (production simultanée de l’électricité et de chaleur). Ce travail a été stoppé en juin 2016 sans avoir jamais été mis en œuvre. En mars 2017, les tarifs proposés des années plutôt par le ministère de l’Energie ont été annulés pour être soumis à la procédure de l’appel d’offres. Sur le plan sémantique, la notion de tarif d’achat garanti ne peut pas être comparée à celle d’un appel d’offres ! Encore une fois, les rédacteurs de cet arrêté (publié en mars 2017) ont défini un nouveau concept inexistant dans la réglementation nationale mais aussi dans les bonnes pratiques internationales. C’est toujours le règne de la non-maturation et de l’instabilité décisionnelle ! On serait plus crédible si on ne change pas régulièrement la réglementation. On serait meilleur si on optait pour des décisions clairement définies et internationalement reconnues ! Rôle du tissu industriel algérien Le programme des 22 000 MW était conçu à l’origine pour créer de la valeur ajoutée locale au niveau industriel, mais aussi en créant les conditions pour faire émerger des sociétés de réalisation ayant des compétences de type EPC. C’était porté noir sur blanc sur le document officiel du ministère de l’Energie de 2011. Ces prévisions avaient incité certaines entreprises locales à investir dans l’assemblage de modules photovoltaïques. En 2011, Rouiba Eclairage - filiale du Groupe Sonelgaz - avait signé un contrat avec une société allemande pour réaliser une usine intégré de modules photovoltaïques qui a été ensuite annulé en 2013 par la société algérienne pour raison d’insolvabilité de la société allemande. Cette société allemande s’est restructurée et est devenue leader dans son domaine. Le ministère de l’Energie veut relancer le projet industriel en ignorant les capacités locales installées et les déboires rencontrés par le projet de Rouiba Eclairage. Quel crédit donner à cette nouvelle tentative ? à quand le programme des 4050 MW ? En raison de l’absence d’une réglementation qui tarde à voir le jour, le programme des 4050 MW risque encore de tarder. Nous avons des réserves au niveau de sa structuration. Premièrement, il se décompose en 3 lots de 1350 MW qui restent quand même très lourds à gérer. Notre proposition serait de le scinder en lots de 400 MW à 600 MW qui diminuent le risque de l’engagement des acteurs. Secundo, la répartition des lots entre projet énergétique et projet industriel pose la problématique des modèles économiques et la viabilité des projets industriels lorsque leurs tailles ne sont pas économiques. Comment mieux gérer les appels d’offre : Nous proposons que ce dossier puisse être repris par la Présidence ou la chefferie du gouvernement qui créera une agence qui s’occupera de la nouvelle stratégie en rapport avec la transition énergétique dont a besoin notre pays. Elle sera dotée d’experts dans le domaine des énergies renouvelables. Cette agence gagnerait à être créée rapidement pour pallier les insuffisances dans la mise en œuvre du programme algérien des énergies renouvelables.
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