jeudi 30 mars 2017

«Si l’instance avait été créée six mois avant, nous aurions eu plus de moyens»

Dans un bref entretien qu’il nous a accordé hier, Abdelwahab Derbal, président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections, s’est montré plus ou moins rassurant quant au déroulement du prochain scrutin législatif prévu le 4 mai. Interrogé sur la crainte d’une abstention ou d’une fraude massive, l’ancien conseiller à la Présidence et ex-cadre dirigeant du parti Ennahda lâche : «Je suis musulman. Il n’y a que Dieu qui sait ce qui va se passer demain.» L’administration a décidé que le temps réservé par les médias aux candidats doit être plus important pour ceux qui appartiennent aux «grands partis», c’est-à-dire l’alliance présidentielle. Peut-on parler d’impartialité dans pareil cas ? Pour moi, le contraire aurait été partial. Celui qui participe avec des listes dans les 48 wilayas ne peut pas être traité comme celui qui participe avec quelques listes seulement. La réponse est toute simple : on ne peut leur consacrer le même temps. De nombreux partis contestent le fait que l’administration refuse toujours de leur permettre d’accéder au fichier national électoral. N’avez-vous pas été saisi par certains d’entre eux ? Ils ne peuvent pas avoir accès au fichier national, mais plutôt à celui des circonscriptions où ils se présentent. S’ils ont quatre ou cinq communes, il n’ont accès qu’à celles-ci. Cela est clair et la Haute instance n’a pas été saisie à ce sujet. Mais beaucoup d’entre eux se plaignent du fait que même dans ces wilayas ils ont des difficultés à accéder à ce fichier. Les CD qu’on leur a remis, disent-ils, sont inexploitables. Qu’en pensez-vous ? Ce n’est pas vrai. Mieux encore, la nouveauté de ce fichier est qu’il comporte non seulement les noms et les prénoms, mais aussi le numéro du bureau de vote et un numéro d’identification qui a d’ailleurs permis l’assainissement. Depuis des années, le fichier électoral fait l’objet d’une grande contestation de la part de la classe politique qui soupçonne sa manipulation par l’administration à chaque rendez-vous électoral. N’est-il pas temps de donner aux partis le droit d’accéder directement au fichier national ? Je suis prêt dès maintenant à aider tous les partis qui ont une quelconque réserve à propos du fichier électoral. Nous avons une coordination qui peut les accompagner pour lever toute équivoque et éloigner toute polémique autour du sujet. Qu’en est-il des saisines des candidats lors des préparations des listes électorales ? Elles concernent plus les signatures que les listes. Cette opération a vu de nombreuses erreurs qui ont fini par être corrigées. Nous vivons en Algérie. Soyons réalistes. Prenons notre envol à partir de notre culture. Nous ne sommes ni danois ni suédois. Nous nous connaissons tous. Parfois, celui qui exige la démocratie est lui-même dictateur au sein de sa famille… Vous avez la lourde mission de surveiller le scrutin, alors que beaucoup de partis politiques, aussi bien ceux qui participent que ceux qui boycottent, craignent une abstention massive, voire même une fraude massive. Etes-vous en mesure de faire face à de telles situations ? Moi, je suis musulman. Je ne peux pas anticiper sur les événements. Il n’y a que Dieu qui peut savoir ce qui se passera demain. En tant que militant de la démocratie, je ferai en sorte que les élections soient transparentes. Nous voulons que le scrutin du 4 mai soit différent que ceux qui ont eu lieu depuis 20 ans. De quelle manière peut-il être différent ? Est-ce sur le plan du dispositif légal ou par rapport à la conjoncture que vit le pays ? Plutôt par rapport à l’histoire de notre pays… Serait-il plus important que les élections législatives de 1997 qui ont vu pour la première fois plusieurs partis politiques à l’Assemblée nationale, après avoir été entre les mains du parti unique ? Pourquoi focalisez-vous sur les élections de 1997 ? Il y a 50 ans, il y a eu également des élections. Pour moi, ce sont les premières qui s’organisent sous le contrôle de cette Haute instance de surveillance. Nous souhaitons que les traces de cette instance soient visibles lors de ces élections. Si cette instance avait été créée six ou sept mois avant la date du scrutin, les choses auraient été autrement. Nous aurions eu plus de temps et plus de réflexion. Mais, ce qui est fait est fait. Nous sommes face-à-face avec le scrutin. On doit l’organiser avec les partis et j’espère qu’il sera différent. Avez-vous les moyens d’assurer le minimum de transparence ? J’ai dit que si l’instance avait été créée six mois avant, nous aurions eu plus de moyens humains et matériels. Cette haute instance a été créée trois semaines seulement avant la convocation du corps électoral. Comment voulez-vous que nous soyons à l’aise ? Pour nous, c’est un départ qui nous permettra de nous améliorer pour les futures opérations électorales. L’Algérie a encore une fois fait appel à des instances étrangères pour participer à l’observation du scrutin. Y a-t-il eu des réponses ? Bien sûr. L’Union européenne, la Ligue arabe, l’Union africaine et l’Organisation de la conférence islamique (OCI) ont déjà répondu favorablement à l’invitation. La Ligue arabe est déjà présente, les autres n’ont pas encore précisé combien de représentants ils vont envoyer en Algérie.

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