Dans les couloirs de l’Assemblée populaire nationale, les échanges avec des ministres-députés et des députés influents étaient bien intéressants. Mis en confiance, et sous le couvert de l’anonymat, certains se sont laissé aller dans des indiscrétions… Dans le hall de la nouvelle Assemblée populaire nationale (APN), les discussions ne tournaient pas, mardi dernier, uniquement autour de la présidence de la Chambre basse, qui avait été tranchée bien avant la cérémonie d’installation officielle, avec le soutien des partis de l’alliance présidentielle au candidat du FLN, doyen des députés. Elles concernaient surtout le sort du gouvernement Abdelmalek Sellal et le forcing médiatique pour le retour au gouvernement de l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, qui avait été, il y a quelques années seulement, au centre du scandale de corruption qui a éclaboussé les dirigeants de Sonatrach. Certains évitent tout contact avec les journalistes, d’autres restent très prudents en parlant de tout, sauf de la politique ; mais nombreux, une fois mis en confiance et à condition de ne pas être cités nommément, se permettent quelques indiscrétions. Malgré le fait qu’ils soient à quelques pas seulement de leur nomination au prochain gouvernement ou à des postes de hautes fonctions au sein de l’Etat, ils sont unanimes à exprimer leurs «inquiétudes face à la situation économique du pays». Pour eux, «l’urgence ne réside plus dans les problèmes politiques, mais plutôt dans les choix économiques qui pourront permettre au pays de trouver les ressources nécessaires à son développement». Les informations glanées par-ci par-là peuvent être contradictoires, incomplètes ou carrément irréalistes, mais recoupées, elles renseignent quelque peu sur les nouvelles mesures qui pourraient être prises dans les prochains jours. Ainsi, les ministres-députés semblent très divisés sur la question du retour de Chakib Khelil aux affaires de l’Etat. Pour certains, «ce dernier est parrainé par le clan au pouvoir qui veut à tout prix lui ouvrir les portes des centres de décision. C’est le même clan qui l’a aidé pour faire la tournée médiatique à travers quelques zaouïas pour le blanchir aux yeux de l’opinion publique. Mais il sait que cela sera difficile de revenir aux affaires de l’Etat, sauf ingérence étrangère…». Mais d’autres ne voient pas d’inconvénient à ce qu’il réintègre le gouvernement. «De toute façon, il n’a jamais été condamné par la justice. Le mandat d’arrêt qui a été délivré contre lui comporte des vices de forme, raison pour laquelle il a été annulé…», ne cessent-ils d’argumenter. A les croire, «Chakib Khelil est un technicien dont l’Algérie a besoin». Cet avis n’est cependant pas partagé par tous. Certains de nos interlocuteurs décrivent la situation comme suit : «Nous sommes devant une guerre de pression entre deux clans : ceux qui veulent maintenir le 1er ministre Abdelmalek Sellal à son poste, et ceux qui veulent imposer Chakib Khelil à sa place. Mais la décision est déjà prise et personne ne sait laquelle». Le flou entoure également le sort du gouvernement de Sellal. Même les ministres-députés les plus influents se montrent «très prudents» en se confiant. Parfois, il faut décoder les messages, déchiffrer les phrases, analyser les expressions du visage pour séparer le bon grain de l’ivraie. Ainsi, bon nombre de nos interlocuteurs, par exemple, n’écartaient pas la fin de mission du 1er ministre. Pour éviter d’être plus directs, il expliquent : «La nouvelle assemblée est tout à fait différente de celles qui l’ont précédée en raison des conditions dans lesquelles elle a été élue, de sa composante, de la conjoncture dans laquelle se trouve le pays, et surtout des nouvelles dispositions de la Constitution qui prévoient la consultation de la majorité parlementaire dans la nomination du Premier ministre…». Après une persévérante insistance, l’un des ministres-députés finit par lâcher : «Patientez. Vous saurez qui sera Premier ministre au plus tard demain (hier, ndlr). Jeudi, probablement, il y aura l’annonce de composante du nouveau gouvernement. Samedi prochain, ça sera le tour des passations de consignes, pour que le lendemain chaque ministre prenne ses fonctions…». Nous attendons la suite, mais rien. Notre interlocuteur détourne la discussion dès qu’un journaliste ou un autre député vient le saluer. Malgré sa discrétion, il est très sollicité et de nombreuses personnalités parlementaires font des va-et-vient pour le saluer. Toujours sur ses gardes, il change de sujet à chaque fois qu’il sent qu’une caméra est pointée sur nous. Un autre ministre-député nous rejoint. Notre interlocuteur ne perd pas pied. Il ne donne pas l’impression d’être gêné par cette intrusion. Il va même jusqu’à lui lancer : «Ils veulent des informations sur le prochain gouvernement. Dis-leur ce que tu sais…». Et l’autre de répondre : «Ne vous attendez pas à de grandes surprises. Il y aura quelques changements, quelques permutations et des regroupements de ministères, mais pas de grandes surprises…», nous dit-il d’un air un peu déçu. Pour lui, «le prochain gouvernement fera dans la continuité. Il n’y aura pas de nouvelle politique…». L’autre ministre-député le regarde sans aucune réaction et lâche : «Il vient de vous donner la vraie information. C’est la vérité…». Le lendemain, et alors que les propos des uns et des autres sont mis sur papier, l’information sur la nomination de Abdelmadjid Tebboune, ministre de l’Habitat en tant que Premier ministre est tombée…
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