mardi 2 août 2016

Les dessous des chiffres de l’ONS

Que signifie la baisse du taux de chômage durant la période allant de septembre 2015 à avril 2016 ? Est-elle synonyme de la bonne santé économique du pays ? Les chiffres de l’ONS, publiés samedi dernier, signifient-ils que la machine de création d’emplois se serait mise en branle au moment où le pays est en crise économique ? La baisse du taux de chômage à 9,9% en avril dernier sera sans nul doute brandie tel un trophée par le gouvernement dans les prochains jours. Mais ce taux correspond-il à la réalité ? Loin du débat autour de la méthode de calcul adoptée par l’ONS — critiquée à maintes reprises par des sociologues — nous avons sollicité l’expertise d’un économiste, en l’occurrence Ferhat Aït Ali. Ce dernier fait remarquer d’emblée qu’à l’origine de cette baisse, il y a l’augmentation du nombre de création de registres du commerce. Un indicateur trompeur qui fausse les calculs de ce phénomène en Algérie. «Le plus gros des augmentations dans la masse employée vient de la création des registres du commerce. Il y a environ 240 000 emplois nouveaux dans la rubrique commerce et services. Il est vrai que certains registres du commerce sont créateurs de richesse au sens emploi du terme, mais d’autres sont des changements de libellé pour la même personne et la même activité, parce qu’il y a mortalité d’entreprise. Une seule personne crée plusieurs entreprises qui sont considérées comme de nouveaux emplois», souligne-t-il. Mais il y a très peu d’emplois pérennes (permanents) avec seulement 30 000 postes créés. «En revanche, les emplois précaires créés dans le cadre de l’apprentissage et qui sont financés par l’Etat sont plus nombreux (170 000 personnes employées dans ce cadre). Grosso modo, la création d’emplois est soit précaire, soit faite dans le domaine commercial. Il reste donc à vérifier si ces emplois sont créateurs de richesse», explique notre interlocuteur.   Les femmes : des chiffres qui faussent les calculs L’autre remarque relevée par l’expert concerne le chômage des femmes. Pour cette catégorie, explique-t-il, «la base de calcul est faussée dès le départ». «Le taux de 17,6% de femmes en situation de chômage ne correspond pas à la réalité. Et pour cause, le taux de natalité en Algérie est de 104 filles pour 100 garçons. La différence n’est pas importante concernant la mortalité. Mais dans le calcul du taux de chômage, on a privilégié l’approche culturelle selon laquelle la femme reste, majoritairement, au foyer. Ce n’est pas une approche économique. Car la femme qui n’est pas demandeuse d’emploi aujourd’hui peut l’être demain», précise-t-il. S’agissant du chômage des diplômés, Ferhat Aït Ali pense que cette catégorie sera encore plus touchée par ce phénomène à l’avenir. Et il explique les raisons : «L’essentiel des formations universitaires sont faites dans des filières (sciences humaines, notamment) où seul l’Etat et recrute. Ce sont des filières qui ne sont pas économiques. De plus, la frange la plus importante de ces diplômés est constituée de femmes, ce qui les exclut de facto du marché de l’emploi.» Selon lui, cette situation nous renvoie au système scolaire et universitaire qui «n’a aucune jonction avec le circuit économique». Ce constat est relevé aussi par les responsables du site emploitic qui évoquent les difficultés de certaines entreprises à trouver des profils qui correspondent à leurs besoins.     

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