Suivant une tendance mondiale engagée depuis plus d’une décennie, le paysage médiatique algérien est en pleine mutation. Grâce à internet, le public dispose d’un large éventail de sources d’information. Certes, la qualité est une valeur subjective, mais il est nécessaire de faire le tri. Des pures players (sites d’information ne disposant pas d’édition papier) et autres blogs voient le jour pour répondre à une demande d’informations de plus en plus importante : le pays comptait 29,5 millions d’abonnés à l’internet (fixe et mobile) en 2016, contre 18,9 millions en 2015. En parallèle à cette évolution, une offre surabondante de nouvelles est proposée par de nouveaux acteurs, pas forcément des journalistes, qui font des réseaux sociaux, notamment Facebook, leur support de prédilection. Le jeu en vaut la chandelle, puisque le réseau de Mark Zuckerberg compte pas moins de 17 millions d’utilisateurs algériens. Mais face aux flux ininterrompus de nouvelles, le public se trouve parfois dépassé, voire complètement désorienté. Comment choisir ses sources dans cet univers informationnel exubérant et où la véracité n’est pas toujours garantie ? Les réponses sont souvent déterminées par l’âge, le niveau d’instruction et bien d’autres considérations d’ordre professionnel, socioculturel… Mohamed, 29 ans, technicien dans une entreprise privée, s’informe en premier lieu sur les réseaux sociaux : «Je me suis abonné aux pages Facebook et comptes Twitter des grands journaux (papier) et de certaines chaînes de télévision privées. Je consulte également des sites d’information que je trouve plus ou moins sérieux.» Les médias en ligne offrent, dit-il, «la possibilité d’être continuellement informé presque en temps réel et à partir de n’importe quel endroit avec mon smartphone». Khaled, syndicaliste, âgé de 33 ans, s’informe également sur le web, mais il considère que les pages Facebook et les blogs sont les meilleures sources d’information. «Les journaux et les chaînes de télévision ne rapportent pas toujours la vérité. Les médias publics font de la propagande pour défendre les intérêts de la classe au pouvoir, tandis que les médias privés sont bridés par des contraintes commerciales et politiques.» Le syndicaliste a une préférence particulière pour «les blogs et les pages Facebook de certains activistes qui font de la dénonciation des abus de pouvoir une priorité». Dans cette nouvelle configuration de l’espace médiatique, la presse papier algérienne se trouve contrainte de céder chaque jour un peu de son terrain, au profit de ces nouveaux acteurs qui ont fait du web leurs champs d’action et d’interaction. Toutefois, la presse traditionnelle n’a pas perdu complètement son public. Plusieurs titres, particulièrement arabophones, continuent à vendre des centaines de milliers d’exemplaires par jour. Une partie importante de la population garde ses anciennes habitudes. C’est le cas de Meziane, 65 ans, resté fidèle à sa pile de journaux quotidiens. Chaque matin, il achète deux ou trois titres, toujours les mêmes, pour «voir ce qu’on raconte». Ancien cadre dans une entreprise publique, Meziane, aujourd’hui à la retraite, ne sait toujours pas manipuler un ordinateur ou un smartphone. «Je suis peut-être ringard, je préfère le journal papier et j’aime lire les commentaires et les analyses !» confie-t-il. Selon lui, «les chaînes de télévision privées n’ont pas apporté grand-chose. Le niveau du débat (…) laisse à désirer». Il faut souligner que cette émigration du public vers le web — encouragée par le lancement de l’internet mobile (3G et 4G) et la démocratisation des smartphones — n’est pas sans conséquences néfastes. Des pages Facebook et des blogs suivis par des dizaines de milliers de personnes propagent parfois de fausses informations. Un fait qui remet sur le tapis la question inhérente à la qualité de l’information. Saïd Djaafer, l’un des fondateurs du site Maghreb Emergent (spécialisé en économie), considère : «Côté qualité, c’est comme pour la presse papier, il y a du bon, du moins bon et du détestable. Ce qui rend les choses un peu délicates pour les pures players est la quête du buzz à tout prix.» Le journaliste, qui a fait une longue carrière dans la presse papier avant de passer aux médias web, estime : «Observer les réseaux sociaux est nécessaire, cela devient un des lieux majeurs où se forment les opinions publiques, mais c’est aussi un terrain fertile de fausses nouvelles et de manipulation. C’est pour cela qu’il faut rester attacher aux règles professionnelles qui nous évitent les erreurs et, je dois dire, le ridicule.» Pour Saïd Djaafer, «les journalistes qu’ils soient sur internet ou ‘‘classique’’ vont continuer à se poser les mêmes questions : comment exercer le plus correctement possible le métier d’informer ?»
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