mercredi 3 mai 2017

Presse écrite : Le dur métier des messageries

La mauvaise passe que traverse la corporation depuis quelques années déjà a obligé nombre d’entreprises du secteur à mettre la clé sous le paillasson. La Journée mondiale de la presse est également l’occasion pour mettre en lumière l’un des maillons de la chaîne de production des journaux : le dur métier de la diffusion qui approvisionne le réseau de vente de la presse. L’heure est ainsi à rendre hommage à ces acteurs qui exercent dans l’ombre un métier pénible et qui vivent aujourd’hui des moments difficiles. Des moments qui révèlent la fragilité de leur écosystème. A l’ouest du pays, le marché de la diffusion de la presse est partagé entre trois messageries qui coexistent depuis la mise sur pied de l’actuel écosystème qui a intégré 16 entreprises sous-traitantes de livraison. A Oran, trois petites entreprises sous-traitantes assurent la livraison des journaux. Ces entreprises emploient des salariés, entre livreurs, ficeleurs et chauffeurs qui travaillent toute la nuit. Leur travail commence dès 22h par une tournée à travers les imprimeries pour s’approvisionner en journaux avant de sillonner la ville avant la levée du jour. Le dernier buraliste est livré à 5h. Ceux qui approvisionnent les wilayas de l’Algérie profonde ne rentrent pas chez eux avant 13h après une longue nuit de labeur. Dans le passé, toutes les activités liées à la distribution des journaux étaient assurées par les messageries. Mais la complexité des missions les a éloignées de toute rentabilité. Elles ont alors été contraintes de confier les activités de dépôt-livraison à des sous-traitants. La distribution de la presse nationale à travers l’ouest du pays est effectuée par tout un réseau : trois messageries de presse reçoivent les titres dans les imprimeries, puis répartissent les journaux entre les dépositaires, qui à leur tour les distribuent aux kiosques et autres marchands de journaux. L’activité d’entreposage et de messagerie est très variée. C’est un métier polyvalent qui demande un énorme travail de logistique : réception, répartition, traitement, livraison des titres aux buralistes et suivi du réseau des agents de la vente. Et ce n’est pas tout : ils assurent aussi la récupération auprès des dépositaires des recettes des ventes, la remontée du produit des ventes aux éditeurs. Enfin, ils assurent la collecte des données de ventes et de l’ensemble des informations concernant les ventes. La crise est là ! Depuis trois ans, la crise n’a épargné aucun maillon de la chaîne de production des journaux. Tous les organes de la presse écrite sans exception, arabophone ou francophone, à gros ou à modeste tirage, ont été durement affectés. La baisse des ventes a affecté toutes les entreprises éditrices, les imprimeurs, les messageries et enfin les livreurs. Cette crise révèle la fragilité de toute la chaîne de production de la presse écrite. Le modèle algérien de distribution de la presse parviendra-t-il à se tirer de la mauvaise passe dans laquelle la baisse conjuguée des ventes de journaux et des capacités d’investissement des éditeurs le place depuis plusieurs années ? Avec la crise, toute la chaîne s’est enfoncée dans des difficultés sans précédent. Confrontés à des coûts de structure exorbitants, en retard dans la modernisation de leurs réseaux, les messageries et les livreurs ont dû faire face à une grave crise. «Environ 25% des entreprises de livraison ont mis la clé sous le paillasson en abandonnant cette dure activité. C’est le cas notamment à Tlemcen, Mostaganem, Mascara ou encore à Saïda. Ces défections ont été évidemment remplacées par d’autres opérateurs», témoignent des livreurs. La baisse structurelle des ventes de la presse continue d’avoir des conséquences sur toute la filière. «Un journal francophone à gros tirage a vu ses volumes de vente chuter de plus de 50% depuis trois ans. Pour d’autres journaux arabophones à gros tirage, cette chute vertigineuse atteint plus de 64%. Comme nous avons un statut de mandataire-commissionnaire et que nous sommes rémunérés par une commission calculée en pourcentage de la valeur faciale du titre vendu (prix de vente au public) de l’ordre de 20% de marge bénéficiaire, nos revenus se sont alors effondrés», témoignent les chefs d’entreprise de livraison. Et de poursuivre : «Nos revenus se sont effondrés, car en plus de la baisse des ventes, les charges ont explosé : le prix du carburant, la maintenance de trois fourgons qui constituent notre flotte et le coût de la pièce de rechange font que nos fins de mois sont de plus en plus difficiles.» Les flux des grands quotidiens sont considérés comme «structurants» sur l’ensemble du réseau. «Nos marges se maintiennent surtout grâce à la vente des journaux à gros tirage, car la distribution des organes à tirage modeste n’est pas du tout rentable», poursuivent les livreurs. «Pour nous les livreurs, la solution est surtout de travailler directement avec les éditeurs sans passer par les messageries intermédiaires», souhaitent-ils. Le redressement de cet écosystème fragile dépend de la capacité de tous les acteurs à s’entendre pour répartir de façon équitable les coûts et les revenus, tout en modernisant le réseau, notamment en opérant des synergies entre les segments d’activité.  

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