dimanche 25 octobre 2015

3000 boulangers ont fermé boutique

Le projet de loi de finances a proposé de revoir à la hausse certaines taxes. D’augmenter les prix de l’électricité et du gaz. Mais pas celui de la baguette. L’Etat subventionnera toujours la farine. Si cette mesure arrange les consommateurs, la situation est rejetée par les boulangers qui affirment travailler à perte. Des fermetures se succèdent. Inexorablement. «Pour cette année, nous avons constaté que 15% des boulangeries de la ville ont fermé», se désole M. Hadjout, représentant de la profession et affilié à l’Ugcaa à Béjaïa. Au sud-ouest du pays, à Béchar, M. Tahri, dans le métier depuis cinq ans, craint d’être contraint de baisser rideau. «Le métier n’est plus rentable. La situation est encore pire avec tous ces jeunes de l’Ansej, qui ne connaissent rien au métier. Tout cela fait que notre marge bénéficiaire est nulle», regrette-t-il. Ils seraient 3000 boulangers à avoir décidé d’abandonner ou de changer de métier (voir entretien) ces dernières années. En cause, la politique de subvention de l’Etat. «Le prix de revient réel de la baguette est de 12,42 DA, alors que les boulangers la vendent illégalement 10 DA. Donc, les pertes sont énormes pour notre profession. La solution est de revaloriser les prix. On ne peut plus vendre à moins de 15 DA», estime M. Hadjout. L’Ugcaa, aile Boulenouar, a réclamé, lors d’une conférence de presse, l’abandon du système actuel des subventions qui ne profite ni au consommateur, qui achète un produit souvent de mauvaise qualité, ni aux boulangers. Amar Amer, vice-président de la Commission nationale des artisans boulangers, a dénoncé une situation «étouffante» qui profite «beaucoup plus aux industriels qui s’offrent une farine bon marché, destinée à la fabrication du pain, mais qu’ils détournent pour la production de biscuits et autres confiseries». Les prix administrés ne sont pas appliqués aux boulangers, surtout ceux du Sud. «La situation est plus compliquée dans le sud du pays. Chez nous, on est abandonnés pieds et poings liés aux minotiers. La farine, transportée jusqu’à ma boulangerie, me parvient à un prix plus élevé. Le quintal est cédé par les meuniers à 2300 DA et plus», s’offusque M. Tahri. Farine spéciale ! Entre-temps, au lieu de voir réviser de fond en comble le système de subvention, les boulangers sont informés de la mise sur le marché d’une farine spéciale, la «3SF», qui serait de meilleure qualité. Cette farine mixte, mêlant des quantités de semoule et de son, remplacerait la farine blanche (T55). Toutefois, l’Eriad qui devait commercialiser le produit craint des surcoûts, alors que les boulangers, eux, sont très sceptiques. «Nous utilisons d’habitude la T55. On vient nous proposer la 3SF ou le remoulage. On nous dit qu’elle est plus nutritive et ne nous impose pas d’utiliser d’améliorant. Mais nous savons qu’ailleurs elle est donnée comme aliment de bétail et utilisée comme colle, puisque riche en gluten. Mais qu’on m’explique pourquoi dans le temps les services de contrôle sanctionnent à des peines de prison parfois ceux qui l’utilisent, ou ont le tort de laisser traîner un sac même vide de cette farine», s’interroge M. Hadjout. Selon ce représentant de la corporation dans cette wilaya, il est plus «correct» de suivre les voisins de l’Algérie qui utilisent l’autre farine panifiable, la T45. «Il n’est plus nécessaire d’utiliser comme nous le faisons actuellement des améliorants. L’Etat devra régler le problème de la contrebande à nos frontières. Cela permettra également de réduire la facture des importations. Cette année, l’Algérie a importé 8,5 millions tonnes de blé tendre, alors que les boulangeries n’en consomment que 4,95 tonnes par an», précise M. Hadjout.  Autre problème soulevé : le régime forfaitaire prévu dans la loi de finances de 2015 à l’adresse des contribuables, dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 30 millions de dinars, est aussi dénoncé. «Le régime fiscal forfaitaire légalise l’informel. Le ministère du Commerce refuse de nous entendre. Au lieu de régler les problèmes, on préfère fuir nos responsabilités. On sacrifie tout pour la paix sociale», regrette le représentant des boulangers de la ville des Hammadides, très abattu.

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