- Mohamed Tamalt est mort en détention alors que son état de santé s’est dégradé après sa grève de la faim. Un de ses avocats accuse l’administration pénitentiaire. Quelle est votre position ? A mon avis, l’administration pénitentiaire a fait son travail. J’ai toujours dit que dans le système judiciaire, c’est le seul secteur qui assure bien sa mission. Ces propos m’ont valu des critiques, mais je les assume parce que je parle à partir de mon expérience. L’administration pénitentiaire fait ce qu’elle peut pour soigner et éduquer les détenus et beaucoup d’entre eux ont réussi à décrocher leur bac, leur brevet d’enseignement moyen, des diplômes et des formations. Ceci dit, elle a parfois des cas extrêmement difficiles à soigner et dans le système judiciaire dont elle fait partie les mises en liberté provisoire sont servies au compte-gouttes, même si cela provoque une surpopulation carcérale. En France, il y a plus de condamnés en liberté que ceux qui sont en prison. S’agissant des détenus malades, rien dans la loi ne s’oppose à ce qu’ils soient en liberté. Mais on les laisse en prison, où l’administration doit leur assurer une prise en charge médicale. Elle les oriente vers les hôpitaux, mais si les soins ne sont possibles qu’à l’étranger, ils ne peuvent bénéficier d’une prise en charge et ne peuvent être transférés vers les structures privées. En Suisse par exemple, un délinquant primaire est systématiquement condamné à une peine avec sursis. Chez nous, c’est l’inverse. Tamalt n’était pas un récidiviste, c’était la première fois qu’il passait devant le juge. Il aurait dû, dans le pire des cas, obtenir un sursis. De plus, d’après la nouvelle Constitution, il est strictement interdit d’emprisonner un journaliste. Comment Tamalt a-t-il fait l’objet d’une condamnation de deux ans ferme ? C’est à ce point qu’il faut s’intéresser. - Selon vous, est-il plus rentable de laisser un détenu malade en prison ou de le laisser en liberté pour être soigné ? La détention de malades est scandaleuse. Je vous cite le cas d’un justiciable, Ali Boumbar, ancien responsable de la CNAN. Il a été placé en détention provisoire durant 8 mois et pour ne pas le libérer, le juge a ajouté deux autres chefs d’accusation relevant du tribunal criminel ; de fait, il ne pouvait retrouver la liberté. La chambre d’accusation a annulé la décision du juge et l’affaire est devenue délictuelle. Il fallait le libérer, mais en vain. De renvoi en renvoi, nous avons eu deux jugements, chacun demandait un complément d’information, prolongeant ainsi la détention du prévenu. Cela fait plus de 4 ans qu’il est en prison et son procès est prévu le 4 janvier prochain. C’est une détention arbitraire, il est malade et risque de perdre la vie, pour peu qu’il s’énerve. Rappelez-vous le cas de Omar Dechmi, mort en plein audience après des années de prison et aussi de Ali Koudil qui avait été condamné à 15 ans de prison et après avoir passé plus de 4 ans à Serkadji, il a bénéficié d’un acquittement. Ils ont tous été condamnés pour dilapidation de deniers publics, mais qu’en est-il de la privation de liberté ? - Qu’en est-il des peines alternatives à la détention prévues par la loi, comme la liberté conditionnelle ? Elles existent. Si l’on revient à la loi, je ne vois pas pourquoi on condamne une personne à une peine de prison ferme alors qu’il y a les amendes, le sursis et, bientôt, les bracelets électroniques. Regardez notre système judiciaire, même la notion a changé. Nous sommes passés de la liberté provisoire à la détention provisoire. L’affaire du journaliste nous remet en plein dans le dysfonctionnement du système judiciaire. Comment expliquer qu’on supprime la peine de prison en matière d’offense à la personne du Président et qu’on la maintienne lorsqu’il s’agit d’outrage à magistrat ou d’atteinte à une institution gouvernementale ? C’est effrayant. Je vous cite l’exemple de la contrainte par corps, qui est une mesure moyenâgeuse héritée de la France qui, pour sa part, s’en est débarrassée depuis des années. Cette procédure permet de mettre en prison durant une période de 2 mois à 5 ans celui qui n’a pas les moyens de payer sa dette ou l’amende d’un jugement pénal. C’est vraiment aberrant. Elle n’existe nulle part ailleurs. Il en est de même pour l’ordonnance de prise de corps qui permet d’envoyer une personne en prison à la veille du procès criminel. Comment celle-ci peut-elle être en mesure de parler après une nuit en prison ? Cette procédure n’existe plus en France, d’où nous l’avons empruntée. - Des personnalités ont été épargnées et ont comparu libres dans certains procès... C’est interdit par la loi. Il serait plus simple d’annuler que de violer la loi par ces exceptions. Notre système judiciaire est très répressif, il faut le changer et aller vers un autre, plus équitable, où chacun n’aura que ce qui lui est dû.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire