Annoncé jeudi dernier, le gouvernement Tebboune présente des portefeuilles économiques totalement remaniés. Sur la liste des départs les plus importants, on retrouve le ministre de l’Energie, Noureddine Boutarfa et celui des Finances Hadji Baba Ammi. Sur ces deux départements essentiellement, la Présidence tente ainsi de mettre un coup de collier pour redresser un bateau qui tangue et qui chavire ; les positions financières vont en se fragilisant sous l’effet de la baisse des ressources, tandis que dans l’amont pétrolier et gazier, principale source de revenus, la situation donne matière à de grosses appréhensions. Les deux domaines sont repris respectivement par Mustapha Guitouni et Abderrahmane Raouia. Les deux nouveaux ministres sont issus du secteur public, le premier était gestionnaire d’actifs et le second administrateur. Ainsi donc, Noureddine Boutarfa et Hadji Baba Ammi n’ont pas survécu à la formation du gouvernement Tebboune. Le désormais ex-ministre de l’Energie paie pour avoir créé le vide et la démobilisation autour de lui, à l’heure où les insuffisances dans le secteur des hydrocarbures ne peuvent être comblées par son activisme au sein de l’Opep. Hadji Baba Ammi a commis, quant à lui, le péché de vouloir jouer avec la sacro-sainte paix sociale à laquelle tient le pouvoir. Il serait opposé aux rallonges budgétaires dont devait bénéficier le secteur du logement. Abdelmadjid Tebboune, alors ministre de l’Habitat, a accusé clairement le ministère des Finances et le CPA (Crédit populaire algérien) d’avoir bloqué les crédits au profit des entreprises du logement. Du reste, la cohabitation des deux hommes dans un même gouvernement était quasiment inconcevable. Ceci étant, les défis de l’actuel ministre des Finances sont pour le moins titanesques face à un tableau de bord qui donne l’alarme : déficit budgétaire abyssal, une baisse de près de la moitié des recettes fiscales pétrolières, une fonte effrénée des réserves de change et de l’épargne interne, etc. Il incombe désormais à Abderrahmane Raouia de reprendre les calculettes pour tenter de résoudre l’insoluble équation budgétaire. Les variables sur lesquelles doit travailler le désormais ex-patron des Impôts sont à la fois sensibles et complexes, dont le renoncement aux subventions, la baisse des dépenses à la fois de fonctionnement et d’équipement, l’assainissement des comptes publics, etc. Pour y parvenir, le nouveau premier argentier sait qu’il devra rompre avec l’approche de son prédécesseur et tenter de marier les impératifs de la conjoncture aux exigences politiques. La combinaison constitue pour lui une voie d’avenir même si, du point de vue pratique, elle sera difficile à accomplir. Par ailleurs, le remaniement de jeudi a été marqué aussi par le départ du très contesté ministre de l’Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb. Les walis à la rescousse Cité dans les Panama Papers et dans d’autres affaires non moins scandaleuses, dont la gestion des actifs publics, le foncier industriel et l’investissement, Abdesselam Bouchouareb chute au profit de Bedda Mahdjoub, jusqu’ici député FLN et président de la commission des finances durant la précédente législature. Ce dernier hérite d’une industrie en chute libre dans les performances et dont la contribution au PIB a régressé à 5% contre 30% dans les années 1980. Le nouveau ministre de l’Industrie et des Mines aura pour mission de contribuer à la diversification de l’économie, libérer les initiatives, relancer l’industrie, améliorer le climat des affaires, faciliter l’investissement privé et étranger, etc. Il s’agit en somme de faire sauter les verrous posés par son prédécesseur. Vu l’état de désinvestissement dont souffre le pays, on peut croire que la tâche sera rude pour le nouveau ministre de l’Industrie et des Mines. L’équation se compliquerait davantage, si cette situation de baisse des ressources venait à perdurer. La question de la gestion des actifs publics se posera avec acuité, tout comme les difficultés de trésorerie dans lesquelles se débattent nombre d’entreprises publiques. Cette première nomination sera un test pour le jeune ministre de l’Industrie et des Mines. En matière de gestion des flux de marchandises vers et depuis l’Algérie, le nouveau gouvernement fait le pari de nommer deux walis à la tête du Commerce et de l’Agriculture. Le premier, en la personne d’Ahmed Saci, qui était wali d’Adrar et de Tlemcen, est appelé désormais à gérer le département du Commerce. Au programme, l’assainissement des activités du commerce extérieur et la gestion administrative des importations, dont l’envolée s’érige en réel danger pour le budget de l’Etat. Quant au second, Abdelkader Bouazgui en l’occurrence, wali de Blida promu ministre de l’Agriculture, il sera chargé d’inscrire trois objectifs majeurs à son programme : augmenter la part de la production agricole dans la couverture des besoins alimentaires, libérer les initiatives et l’investissement dans l’agriculture et inscrire au crayon-feutre le défi de l’exportation. Deux autres walis, à savoir Youcef Chorfa et Abdelghani Zaalane, respectivement anciens walis de Annaba et d’Oran, ont hérité de ministères d’équipements. Le premier est désigné ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville, tandis que le second hérite du ministère des Travaux publics et des Transports. Les deux ministres ont un défi essentiel à relever : identifier et gérer les priorités sur fond de baisse des budgets d’équipement. Le département des Ressources en eau tombe aux mains de Hocine Necib, tandis que le grand défi pour relancer le tourisme relève désormais du plus jeune ministre, Messaoud Benagoune. A l’annonce de la constitution de ce nouveau gouvernement, tout le monde se posait la question de savoir si ces nouvelles nominations sont à même de répondre aux impératifs de sortie de crise. On sait désormais que les portefeuilles économiques ont tous changé de main. Quant à la gestion de la crise, c’est une autre paire de manches.
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