Nous assistons, depuis quelques mois, à une opération de façonnage d’un autoritarisme pur et dur. Après s’être débarrassé d’une façade démocratique «encombrante», car exigeant bien des efforts d’équilibrisme, le pouvoir se construit un mur de glace, comme dans la saga Trône de fer, pour empêcher toute atteinte ou immixtion dans ce qu’il considère comme son bien personnel, la gestion du pays et de la succession. Il pense s’assurer une stabilité en se barricadant et en empêchant toute voix critique d’émerger. Mais cette stabilité autoritaire s’érige au prix d’une désintégration sociale et c’est la porte de tous les dangers qui est ouverte. La forteresse autoritaire, et aussi hautes soient ses murailles, ne pourra résister à une explosion sociale, tant le pouvoir s’est employé, ces dernières années, à comprimer toutes les soupapes de résistance et casser tous les ressorts permettant aux Algériens d’espérer un changement. La nouvelle Constitution, adoptée sans débat en début d’année, a fait ses premiers petits, adoptés aussi à la hussarde avant la fin du Ramadhan. Des lois organiques devant faire appliquer la loi fondamentale en signant l’ère de glaciation qui tranche fortement avec la bouillonnante agitation sociale. Si dans la loi de la physique, le choc est inévitable, en politique une situation de longue instabilité est à craindre. Après s’être longuement occupé à diaboliser la chose politique et empêcher les Algériens de s’organiser, le pouvoir s’attelle aujourd’hui à faire barrage à l’action politique elle-même. En cinquante années d’existence, le système n’apprend pas de ses erreurs. Les lois organiques emballées comme neuves et porteuses d’ouverture ne sont que régression et autoritarisme, en somme un cadeau empoisonné pour la classe politique. Une classe politique minée déjà par de lourdes restrictions et oukases. La loi électorale qui vient d’être adoptée par les députés de l’allégeance montre à quel point l’œuvre destructrice du multipartisme est bien en marche. Le retour au parti unique se dessine et s’organise sous une fausse identité plurielle. La souveraineté du peuple dans son droit de choisir ses représentants est purement et simplement piétinée par la nouvelle loi électorale qui décide d’un quota pour qu’un parti ait le droit de participer à une élection. Un comble dans un système où la fraude décide de tout. Si dans les précédents rendez-vous électoraux, la fraude se produisait pendant et après le vote, aujourd’hui, le pouvoir veut anticiper en choisissant lui-même les candidats à l’élection. Dans un pays où les chances ne sont pas équitables pour tous, où l’allégeance aux maîtres du moment ouvre toutes les opportunités à certains partis, et où l’opposition est réduite au silence, les lois deviennent un bâton et un moyen supplémentaire de musellement et de restriction de la parole. La nature de la révision de la Constitution prend tout son sens dans cette batterie de lois adoptées, dont le seul mot d’ordre est de museler la parole libre et critique. Après la gestion par l’émeute, aujourd’hui on passe à la gestion par la meute. L’allégeance au roi offre des places à l’Assemblée et ouvre des chaînes de télévision. «A l’heure où la meute des hommes d’argent encombre cette espèce de temple, chacun y fait assez de bruit pour que l’on n’entende personne», disait Georges Duhamel dans un de ses récits. L’autoritarisme en reconfiguration promet des jours plus sombres à l’exercice de la politique et à la liberté d’expression.
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