Quelques jours seulement après l’incendie meurtrier qui a coûté la vie à 18 des leurs, des migrants installés dans des centres à Ouargla devront bientôt affronter l’épreuve du rapatriement forcé. Un vent glacial soufflait jeudi matin sur la localité de Bour El Haïcha, à une vingtaine de kilomètres de Ouargla. A la sortie de Saïd Otba, le désert. Seul signe de vie après le barrage de police, une grande bâtisse à droite de la route, trois ou quatre jeunes migrants assis sur une petite dune en train de manger du pain. Passé le portail, l’immensité des lieux est frappante. Elle contraste avec l’usine désaffectée où a eu lieu le drame, mardi vers 3h. Un immeuble désert surplombe l’entrée, mais il faut encore parcourir 500 mètres pour arriver à un nouveau portail. Ils étaient là, dans une sorte de grande cour entourée de pavillons sans porte. Un amas de vêtements et de couvertures, des femmes, des enfants et des hommes en petits groupes qui devant un feu pour se réchauffer, qui autour d’un thé. Ils attendaient le passage des médecins militaires qui arrivaient à la consultation du matin sous une tente faisant office de centre médical mobile. Six lits, une armoire et une table. Majin essayait d’expliquer qu’il avait mal partout, il parle anglais ou arabe. Il est arrivé à faire comprendre au médecin qu’il n’avait pas fermé l’œil de la nuit. «J’avais des démangeaisons partout et mon pied me fait encore mal, j’ai escaladé le mur pour échapper aux flammes», dit-il. A la sortie du dispensaire, deux véhicules utilitaires militaires venaient de stationner. Les assistantes sociales apportaient de l’eau, du savon et du dentifrice. Un groupe de bénévoles distribuait des couches pour bébés. Zouleikha souriait, sa petite Zineb à l’épaule, elle réclamait un deuxième paquet de couches parce que sa fille avait la diarrhée. En face, un groupe de maçons marquaient une pause. Ils étaient là pour installer des portes et effectuer de petits travaux de maçonnerie pour permettre à chaque famille d’avoir une chambre. D’autres finalisaient quatre cabines de douches et de sanitaires jugées insuffisantes. «Nous traversons la route pour faire nos besoins», explique Néné, «il n’y a pas de toilettes dans cette caserne». Sa voisine rétorque que beaucoup de jeunes ont passé la nuit sur des cartons. «Ceux qui ont pu avoir une couverture ou un drap s’estimaient heureux, les garçons ont privilégié les femmes en matière de matelas». Sous la tente du Croissant-Rouge dressée en face des chambres, Ahmed loue les efforts du CRA depuis le drame de mardi : «Nous prenons en charge le volet alimentaire, plus de 600 repas chauds sont servis midi et soir, ceci en plus du petit-déjeuner que nous servons à 7h.» Sa phrase terminée, un autre membre du Croissant-Rouge arrive avec le représentant de la communauté tchadienne qui écrivait son numéro de téléphone sur un bout de papier. Annonçant la tenue d’un tournoi de foot sous l’égide de la direction de la jeunesse et des sports, la nouvelle provoque un tollé général. «Nous sommes en deuil, ayez du respect pour nos morts que nous n’avons pas encore enterrés». Ce sont les Sénégalais qui réagissent les premiers. Ils sont contre le jeu et les animations. «La manière dont on nous aide doit être revue et nos frères algériens doivent nous laisser nous réorganiser. C’est tellement difficile pour nous de vivre ces moments, chaque jour nous allons nous enquérir de la date d’inhumation, chaque jour nous affrontons les voix de nos familles au téléphone, nous attendons que les corps de nos frères nous soient remis pour faire notre deuil, c’est un réel souci pour nous», dit Daoud Badji, représentant des quarante Sénégalais du camp et qui ont quatre morts à la morgue de l’hôpital de Ouargla. En contact avec l’ambassade, ils attendent l’arrivée du consul, au même titre que les onze autres nationalités du camp. Ils déplorent le désordre des emplacements en affectant un pavillon de chambres pour chaque communauté, de dons et demandent aux autorités algériennes de réviser leur position par rapport à leur situation sur le sol algérien pour les migrants désireux travailler officiellement. Il s’agit de migrants qui se proclament réfugiés économiques et qui veulent une régularisation de leur situation et une communication directe avec les autorités. Dans le camp de Bour El Haïcha, où la vie commence à se réorganiser en attendant le départ prévu au cours de cette semaine de 322 Nigériens vers Tamanrasset, tel qu’annoncé par le wali de Ouargla, l’inquiétude des autres communautés est à son summum. Pour elles, impossible d’envisager un refoulement vers leur pays dans l’immédiat. «Malgré toutes les difficultés, nous arrivons à trouver du travail en Algérie et c’est mieux que de retourner vivre chez nous.»
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