L’université d’automne des Projets DémAR et Monde selon les femmes a été clôturée, hier, par une série de conférences qui s’articulaient autour de l’intitulé «Femme et pouvoir», suivie d’un débat à la fois objectif et passionnant sur la protection de la femme au travail, le code de la famille en Algérie et la question de la femme dans l’islam. Financée par l’Union européenne, cette activité est organisée conjointement par le Comité international pour le développement des peuples, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), la fondation Friedrich Ebert, le Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme, et l’Etoile culturelle d’Akbou. Interrogée sur la question de l’égalité des femmes et des hommes dans le milieu du travail et si la législation du travail protège suffisamment la femme, Soumia Salhi, militante féministe, syndicaliste et ancienne présidente de l’Association algérienne pour l’émancipation des femmes (AAEF), a expliqué qu’en «dépit de ce principe égalitaire consacré par la législation du travail qui est conforme à la Constitution et à la Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, la réalité dans le milieu de travail est faite de discrimination». Et de préciser que c’est le résultat «de la construction et la pratique sociale et des mentalités qu’il faut combattre». Comment ? «Les femmes doivent s’investir dans les syndicats et porter leur parole. Défendre leurs droits à la promotion, à la formation…» Bien que des droits égaux sont reconnus aux femmes par la législation du travail qui est basée théoriquement sur l’égalité, la militante trouve toutefois que le combat des femmes «gagnerait à ce qu’elles fassent du syndicalisme un instrument de lutte pour pouvoir défendre des revendications spécifiques. Et ce, tout en continuant à travailler dans le sens de changer les mentalités, le regard de la société et les pratiques sociales». «Aborder ces questions avec une vision claire entre dans cette dialectique entre les mentalités et les lois», ajoute-t-elle. Le modérateur de la conférence, Saïd Salhi, vice-président de la LADDH, a estimé que «cette activité intervient dans un contexte où, en Algérie, le débat sur les réformes du code de la famille et l’adoption de la loi criminalisant les violences faites aux femmes est ouvert». Les thématiques choisies autour de l’égalité et le droit dans ce domaine «nous interpellent pour dénoncer et parler sans tabou sur les stéréotypes, les discriminations contre les femmes dans la société et les idées reçues». Contradictions Car aujourd’hui, dit-il, «il y a nécessité d’une relecture éclairée du droit religieux. Il faut avoir ce courage de réinterpréter les textes et les réadapter pour qu’ils soient en adéquation avec la réalité, l’évolution de la société et la condition féminine». Pour Saïd Salhi, «la femme dans l’espace privé, à cause du code de la famille, est diminuée et que l’approche critique et analytique sur laquelle nous nous sommes appuyés nous a permis de nous rendre compte que le droit algérien est truffé de contradictions et d’ambiguïtés qui alimentent la discrimination et la violence». Plus explicite, Nadia Aït Zaï, directrice du Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme (Ciddef), a analysé que «le code de la famille tel qu’il a été élaboré en 1984 et même avec les modifications de 2005 comporte beaucoup de dispositions contradictoires qui discriminent les femmes et qui mènent à la violence. Le code est la source de la violence envers les femmes». A fortiori, «parce qu’il a été construit sur des relations hiérarchisées. La femme est sous la dépendance de l’époux, elle n’a pas de capacités juridiques, elle est diminuée». Ainsi, le code de la famille, selon Mme Aït Zaï, a impacté négativement la vie quotidienne de la femme. Pis, «il a impacté d’autres textes, comme le texte de la protection sociale, le code de la santé, la protection des femmes divorcées et les mères célibataires et j’en passe sur l’héritage, le divorce, la pension alimentaire, tout cela crée une relation conflictuelle entre les femmes et les hommes (…)». La directrice du Ciddef regrette, par ailleurs, le fait que les changements opérés en 2005, notamment l’abrogation de la notion de chef de famille et le devoir d’obéissance, qui impliquent le partage de la responsabilité sur le foyer entre la femme et l’homme, n’aient pas d’impact réel sur une relation harmonieuse entre les deux.
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