samedi 4 mars 2017

El Hadja, l’expression du drame humain

Le dos courbé, le visage sillonné par le poids de l’âge et l’expression d’une profonde tristesse d’El Hadja Amina Tounsi, la veuve du défunt Ali Tounsi, est incontestablement la personne qui a le plus marqué l’assistance lors du procès de l’affaire liée à l’assassinat de son époux. Elle était la première à arriver sur les lieux et la dernière à quitter la salle d’audience du tribunal criminel d’Alger. Tantôt accrochée au bras de son fils, tantôt à celui d’une de ses deux filles, durant les deux jours du procès, elle se dirigeait droit vers l’avant-dernier rang pour s’asseoir et ne plus bouger jusqu’à ce que l’audience soit levée. Malgré ses 83 ans, elle a suivi toutes les déclarations de l’accusé et de plus d’une trentaine de témoins, mais aussi les plaidoiries et le réquisitoire. Son regard n’a pas quitté le visage de Chouaïb Oultache, celui qu’elle a présenté comme «un ami de la famille» et «un voisin», et ce, durant les deux heures de son audition par le juge. Elle a du mal à cacher ses larmes et on la voit prendre, discrètement, un mouchoir pour s’essuyer les yeux. Parfois elle se tourne vers sa fille, et parfois vers son fils ou son beau-frère, pour échanger quelques mots, avant de se reconcentrer sur le débat. Bon nombre de policiers viennent la saluer et, visiblement, elle n’en connaît pas beaucoup. On voit qu’elle cache difficilement sa douleur, lorsque le médecin légiste  détaille les graves blessures occasionnées par le premier tir de Chouaïb Oultache, mais aussi l’état dans lequel le défunt a été retrouvé sur la scène du crime. Forcément, cette épreuve semble trop difficile pour cette octogénaire. On voit ses larmes couler sur ses joues ridées, lorsque l’avocate de la partie civile, Fatma Zohra Chenaif, exhibe l’emblème national, qui était à côté du bureau de son mari, maculé de son sang. Elle subit une rude épreuve en écoutant le procureur général évoquer les «mérites» de son défunt époux, son «amour» pour le pays, «la tentative d’assassinat» dont il a fait l’objet dans les années du terrorisme, «avant que les balles de la traîtrise ne l’emportent». Devant ces propos, Mme veuve Tounsi ne tient plus. Elle tente de se lever en s’appuyant sur la jambe de son fils, en vain. Quelques secondes après, elle se ravise et reprend sa place. Elle suit avec attention le réquisitoire et lève les yeux au ciel lorsque le procureur général réclame la peine de mort contre l’accusé. Elle se montre contrariée lorsque Oultache, en prononçant son dernier mot avant les délibérations, dit : «Je ne l’ai pas tué. Je regrette juste de l’avoir suivi dans la discussion.» El Hadja ne quitte pas la salle d’audience, bondée de journalistes, policiers et avocats. Elle reste sur le banc de l’avant-dernier rang, durant plus de trois heures, pour entendre le verdict. Elle penche un peu le corps comme pour tendre l’oreille et écoute attentivement, jusqu’à ce qu’elle entende les mots «peine capitale». Elle regarde le ciel durant trois ou quatre secondes, échange quelques mots avec son fils et ses filles, puis se lève comme soulagée. Visiblement, la grande fatigue qui se dégage de son visage ne l’empêche pas de se rasseoir sur le banc pour suivre l’audience de l’action civile. «Cela fait sept ans qu’elle attend ce jour. Peut-être qu’elle trouvera enfin le repos», nous dit son beau-frère.

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