mardi 10 novembre 2015

«J’ai salué le courage exceptionnel des uns et des autres»

Le bâtonnier de Paris, Me Pierre-Olivier Sur, a réitéré hier l’hommage qu’il a rendu aux avocats du FLN, mais aussi à ceux qui ont défendu l’OAS à la veille de l’indépendance. Il affirme qu’il a salué le courage exceptionnel des uns et des autres. Le bâtonnier d’Alger, Me Abdelmadjid Sellini, a appelé les cabinets de conseil juridique étrangers installés en Algérie à se conformer à la loi et plaidé pour qu’ils s’ouvrent à des partenariats pour un transfert de technicité en matière de droit des affaires. Le bâtonnier de Paris, Me Pierre-Olivier Sur, a confirmé hier l’hommage rendu la veille aux avocats des membres de la sinistre Organisation de l’armée secrète (OAS), auteurs de nombreux assassinats d’Algériens après le cessez-le feu du 19 Mars 1962. Un hommage qui avait enflammé, hier, les discussions entre avocats algériens à l’hôtel El Aurassi, où s’achevaient les travaux du Campus international d’Alger qui ont réuni les avocats algériens et leurs confrères français. «C’était à l’ambassade de France que j’ai rendu cet hommage et je l’assume. J’ai parlé de l’histoire du barreau. J’ai connu des avocats très courageux qui ont défendu les aristocrates et qui étaient, dans le contexte de l’époque, très courageux. Cela ne veut pas dire que je défends l’aristocratie. J’ai dit que je m’inclinais devant leur mémoire parce qu’ils ont été d’un courage exceptionnel. Je m’incline aussi devant la mémoire et le courage des avocats du FLN. Des centaines d’avocats qui ont soutenu la Révolution algérienne ont été assassinés, exilés ou radiés du barreau. Le défunt Jacques Vergès avait démissionné du barreau parisien pour venir en Algérie plaider la cause des militants du FLN et tout le monde connaît son histoire avec sa cliente, devenue sa femme et la mère de ses deux enfants. Et j’ai dit aussi que je m’incline devant la mémoire et le courage des avocats qui ont défendu l’OAS devant les tribunaux militaires face à De Gaulle. Moi-même, j’ai assisté avec Me Vergès à l’enterrement de l’un d’entre eux. J’ai salué la défense à travers des robes boires qui ont été d’un courage exceptionnel», explique Me Sur. Néanmoins, il se déclare «désolé» si, par ses propos, il a «chagriné» certains. «Je pensais qu’après plus de 50 ans d’indépendance, nous pouvions avoir un autre regard l’un sur l’autre», regrette le bâtonnier en espérant «que l’opinion retienne plutôt cette prouesse que le Campus a réussi en faisant venir, à Alger, 170 avocats français pour croiser les expériences et partager les valeurs communes». Pour l’avocat, «tout comme le barreau de Paris est la porte de l’Algérie, le barreau d’Alger peut être celle de l’Afrique, pour accompagner le développement et la croissance». Et d’insister sur la formation, la déontologie et la sécurisation des flux financiers entre les deux institutions. Pour sa part, le bâtonnier d’Alger, Me Abdelmadjid Sellini, revient sur les relations entre ces institutions qui datent depuis 1962, mais qui ne sont effectives que depuis deux ans en raison du besoin de partenariat et de transfert de technicité imposé par la mondialisation. «Une approche, dit-il, qui encourage le libre exercice de la profession des deux côtés et le renforcement de la formation, surtout que le budget dégagé par l’Union européenne pour la formation exige un partenaire de la région pour être mis à exécution. Les deux journées du Campus nous ont permis de faire connaître, chacun de son côté, l’arsenal juridique des deux pays et d’évoquer les problèmes liés à l’exécution des décisions de justice, aux droits des affaires, etc.», déclare Me Sellini, avant d’être interrompu par son homologue parisien qui annonce : «Nous avons décidé de mettre à la disposition de nos confrères algériens une banque de données numérique qui rassemble tout le savoir juridique du monde.» Pour ce qui est du libre exercice de la profession, le bâtonnier de Paris déclare : «Si c’est pour plaider une affaire en Algérie, les avocats français doivent avoir l’autorisation du bâtonnier qui est, en fait, une sorte d’allégeance. C’est une mise sous la protection des ce dernier et une couverture en cas de problème lié à la profession. Il doit élire une adresse aussi et cela se fait même en France ; moi-même j’ai sermonné des avocats étrangers qui ne s’y conformaient pas.» Me Sellini revient à la charge et rappelle qu’en France, si un avocat algérien veut s’installer, il est soumis à un examen pour évaluer ses connaissances aussi bien de la langue que du droit. «En Algérie, de nombreux avocats français ont ouvert des cabinets de conseil juridique avec un registre du commerce et continuent d’exercer, alors que cette activité ne fait plus partie du code de commerce. Le nouveau statut de la profession prévoit une convention de collaboration avec des avocats algériens pour tout avocat étranger qui s’installe en Algérie. J’ai demandé à ce qu’ils se conforment aux nouvelles dispositions ; certains l’ont fait, d’autres sont sur le point de le faire. C’est vrai que dans le monde des affaires, les avocats français ont une longueur d’avance sur nous. Avec le partenariat, nous pourrons profiter de leur savoir-faire. Nous pouvons prendre ce qui peut être adapté à nos spécificités algériennes.» Interrogé sur les problèmes que rencontrent les avocats étrangers en Algérie, notamment l’obligation d’utiliser la langue arabe, Me Sellini explique que les magistrats ont le plein pouvoir d’accepter ou non une plaidoirie en langue étrangère et les tribunaux ne peuvent interdire l’exercice de la profession si l’avocat étranger est sous la protection du bâtonnier. Déclaration que partage Me Pierre-Olivier Sur : «Nous militons pour que les avocats puissent plaider partout dans l’espace francophone où s’exerce le droit romano-germanique. Nous avions pris la décision d’ouvrir nos portes aux Anglo-Saxons. Aujourd’hui, il y a plus de cabinets américains qu’en Grande-Bretagne et plus de cabinets britanniques qu’aux Etats-Unis. Moi-même, j’ai plaidé contre mon ordre professionnel pour les avocats algériens dans les années 1990 et aujourd’hui, ils peuvent le faire sans problème. Paris est devenue la première place de l’arbitrage international. Plus de 7000 avocats travaillent dans les cabinets anglo-saxons. Je comprends qu’il y ait des sensibilités et des réticences. Mais cela doit être vu sous un autre angle. Parlons de socle continental et non de mondialisation et faisons en sorte de défendre et de partager les valeurs qui nous réunissent. Refaisons la route de Marco Polo, mais à l’envers. New York, Paris, Alger, l’Afrique et la Chine. Il faut être très fier de ce parcours.»

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