mardi 21 novembre 2017

Droits des enfants en Algérie : De la violence dans tous les sens

Malgré tous les progrès qu’a connus l’Algérie en matière de protection des enfants, cette frange fragile de la société est souvent lésée, voire dépourvue de ses droits. La célébration aujourd’hui de la Journée internationale des droits de l’enfant est une occasion, notamment pour le mouvement associatif, d’évaluer les conditions de vie de ces adultes de demain. Le Réseau algérien pour la défense des droits de l’enfant NADA, riche de ses 150 associations réparties à travers le territoire national, s’appuie dans son évaluation, certes, sur les progrès en matière de législation, mais surtout sur le bilan du programme «Je t’écoute» lancé via le numéro vert 3033. Les chiffres, en cours d’actualisation et arrêtés au premier trimestre de l’année 2017, font état de 20 917 appels de détresse d’enfants. Sur ce chiffre, 5171 enfants ont appelé pour dénoncer une maltraitance physique et morale. Les agressions et violences physiques ont représenté quelque 934 appels. 876 enfants ont appelé à l’aide le réseau NADA pour agression et violence en milieu scolaire, quelque 55 autres pour dénoncer l’inceste. Parmi les cas les plus touchants, celui de la petite Amina, 5 ans, violentée par sa propre mère. Cette dernière en difficulté n’avait que sa fille comme punching ball. De la manière la plus sauvage qui soit, cette jeune mère de 28 ans a donné à la petite des coups à la tête lui causant des blessures graves nécessitant une intervention chirurgicale. Ceci sans compter une fracture au bras et d’autres coups au niveau du visage, notamment les yeux. Rencontrée dans les locaux du réseau Nada à Alger, Amina montre toujours de la méfiance vis-à-vis des femmes, mais une fois rassurée, elle finit par les appeler «maman». En quête d’amour maternel, cette petite, à la voix fragile, a été sauvée de justesse. Elle est aujourd’hui dans un centre d’accueil au moment où la maman devait comparaître, dimanche, devant le procureur de la République. Le cas d’Amina n’est pas le seul. Ayoub, 8 ans, a également été violenté de la manière la plus sadique par sa mère. Aujourd’hui, il souffre de troubles psychologiques sévères. Sans vouloir dramatiser, encore moins pointer du doigt la maman, la violence parentale est aujourd’hui assez répandue. Même si elle n’est pas physique, elle est morale. Selon Abderrahmane Arar, président du réseau Nada, dans les conflits conjugaux, les enfants sont un excellent moyen de pression sur la partie adverse. Que ce soit à la maison, dans la rue ou à l’école, l’enfant n’est pas à l’abri. Le jeune adolescent Lyes, 14 ans, frappé par son professeur pour turbulence, a perdu un œil et avec, tous ses rêves de devenir un joueur international de football. Une procédure en justice est lancée. Dans les orphelinats et centres d’accueil la vie n’est pas meilleure. Le dernier scandale est celui du Centre pour enfants assistés de Hamma Bouziane, où une enquête est ouverte par la Gendarmerie nationale pour actes d’intimidation, châtiments corporels et abus sexuels. Des accusations qui donnent froid dans le dos, pour ne pas dire écœurantes. Une situation inquiétante Faut-il s’inquiéter ? La réponse est automatiquement affirmative, mais surtout c’est agir qui s’impose. L’Algérie, qui prépare son rapport périodique sur les droits des enfants qu’elle présentera en 2018 devant le Comité international des droits de l’enfant à Genève, ne doit pas seulement citer les textes de loi adoptés, mais plutôt leur application sur le terrain et surtout leur impact sur la vie des enfants algériens. Dans ce sens, le réseau Nada fait entendre encore une fois sa voix avec une série de recommandations. Parmi les plus importantes, la nécessité de la publication des textes d’application  et décrets exécutifs ou réglementaires qui tardent à voir le jour, malgré la promulgation de la loi de la protection des enfants en 2015. Le réseau Nada préconise également la nécessité de revoir l’âge de responsabilité juridique de l’enfant et qu’il soit repoussé de l’âge de 10 à 13 ans et de réviser le code de la famille, notamment les articles 65-66 relatifs à la garde et au droit de visite. Il recommande également la révision des articles de loi relatifs à l’annulation de la kafala, notamment si la procédure de cette dernière est conforme à la loi et surtout bénéfique à l’enfant. Il insiste sur l’introduction de nouveaux articles dans le code pénal en relation avec les atteintes sexuelles sur les enfants, afin de prendre en considération les déclarations des victimes à la psychologue désignée par le tribunal, et l’obligation à l’exactitude du rapport de médecine légale concernant la nature et le degré de l’atteinte sexuelle. En attendant la prise en considération de ces recommandations, des experts, présents avant-hier lors d’une rencontre sur les droits des enfants, attirent l’attention sur une autre atteinte : l’emprisonnement de l’enfant par rapport aux choix prédéfinis par ses tuteurs ou la société. En se penchant sur ce point, ils remettent, en fait , en question tout le concept de l’éducation de l’enfant. En effet, éduquer un enfant, c’est le préparer dès son jeune âge à affronter la vie en assumant ses choix dans une autonomie totale, tout en apportant une valeur ajoutée à la société. La déléguée nationale à la Protection et à la promotion de l’enfance auprès du Premier ministère, Meriem Chorfi, qui s’est attardée durant cette rencontre sur les efforts consentis par l’Algérie en matière de protection des enfants, n’a pas nié qu’il reste à faire encore beaucoup de perfectionnements. Elle a annoncé l’élaboration prochaine d’une base de données pour les droits de l’enfant, ainsi que d’autres mécanismes, dont un numéro vert qui permettra de dénoncer les différentes atteintes aux droits des enfants et surtout protéger les personnes qui alertent et dénoncent les comportements nocifs, ou même douteux sur les enfants.   

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