Il n’était pas attendu des élections locales du 23 novembre dernier de bousculer profondément le paysage politique national. Elles ont permis de secouer l’ordre des forces politiques à sa marge mais sans grande incidence sur le centre. Cependant, le scrutin était une occasion de juger de la capacité des partis en compétition à convaincre et surtout mobiliser un électorat qui, dans sa majorité, reste rétif. Le taux d’abstention élevé (53,17%) se confirme et la participation peine à atteindre la barre des 50%, et ce, malgré la participation de 52 partis politiques et de centaines de listes indépendantes. C’est devenu en effet une constante depuis la reprise du processus électoral en juin 1997. Ce sont les grandes villes qui manifestent le plus de défiance vis-à-vis des consultations électorales, à l’image d’Alger, Constantine et Oran. A l’inverse, les zones rurales et les Hauts-Plateaux affichent une participation importante, ce qui dépasse dans l’ensemble la barre des 50% qui confère aux partis politiques et aux candidats des majorités politiques mais pas numériques par rapport à l’ensemble du corps électoral national. Se dessinent ainsi deux sociologies électorales totalement opposées. Les centres urbains à forte densité populaire –près de 67% de l’ensemble de la population- abstentionniste face au monde rural moins dense en termes de population mais plutôt participationniste. C’est à l’aune de cette cartographie qu’il faut lire et analyser les résultats obtenus par les partis politiques, notamment ceux qui arrivent en tête. L’ex-parti unique qui rafle la mise électorale en remportant 603 communes sur les 1541 que compte le pays n’a obtenu que 2,7 millions de voix sur un corps électoral qui en pèse vingt-trois millions. 39% des suffrages exprimés. Il est suivi du Rassemblement national démocratique du Premier ministre Ahmed Ouyahia avec 2,1 millions de voix, soit 27% des suffrages. Les deux partis qui forment la majorité gouvernementale vont gouverner les assemblées locales avec moins de 25% du corps électoral global, même s’il est vrai que seuls les suffrages exprimés comptent dans une élection. Cependant, ces résultats confortent le parti de Djamel Ould Abbès et lui permettent un ascendant symbolique sur son rival Ahmed Ouyahia avec qui il a ferraillé pendant la campagne électorale. Dans le jeu d’influence interne au sein du pouvoir, cela va sans doute réduire la marge de manœuvre du Premier ministre durant toute la période qui précède la préparation de l’élection présidentielle. De l’autre côté et si les partis de l’opposition n’ont pas réussi une percée remarquable, ils ont néanmoins pu préserver et dans certains cas conforter leurs positions. C’est le cas pour le FFS qui se maintient dans son fief historique en réussissant par là même à conquérir quelques espaces, notamment à Alger où il remporte sept communes et pas des moindres. Une première. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) limite les dégâts en parvenant à garder ses territoires. Ces deux partis les mieux implantés en Kabylie sont par contre sérieusement malmenés cette fois-ci par les multiples listes indépendantes constituées essentiellement par des militants dissidents, mais également par l’émergence des acteurs locaux qui s’affirment. Les résultats obtenus par les indépendants dans les communes de Tazmalt, Akbou, Béjaïa, El Kseur, Tizi-Ouzou, Azazga sont à ce titre édifiants. Le taux d’abstention qu’enregistre traditionnellement cette région pénalise ces deux partis. Le grand perdant de ces élections reste le Parti des travailleurs qui n’arrive toujours pas à élargir sa base électorale. Il ne gagne que dix-neuf Assemblées communales. Et c’est le Front El Moustakbel dirigé par l’ancien secrétaire général de l’UNEA (Union nationale des étudiants algériens) Abdelaziz Belaid qui réussit une percée à la faveur de ces élections en décrochant une place sur le podium. Il est désormais en troisième position en termes de voix et de communes obtenues. Une surprise pour ce «jeune» parti qui pour l’heure n’arrive pas à se distinguer par une identité politique claire. Reste les partis de la mouvance islamiste qui connaît des difficultés à préserver son influence électorale. D’abord en raison de l’échec de son choix politique au lendemain des révolutions arabes duquel il n’arrive pas à se relever. Mais la grande leçon à retenir du scrutin du 23 novembre qui se déroule à seize mois de l’élection présidentielle est celle du rejet des élections comme mécanisme d’alternance programmatique et de mode d’action pour opérer des changements politiques pourtant nécessaires. Il ne fait que valider la thèse selon laquelle les élections dans le régime politique dominant ne remplissent plus leur fonction qui est celle de permettre un aller-retour des majorités et des minorités politiques. Depuis 1997, toutes les élections organisées n’ont fait que conforter le statu quo.
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