Personne ne peut dire encore ce que réserve le rattachement de certains services du DRS à l’état-major. Ce démantèlement aura au moins eu un mérite : nous éclairer sur l’organigramme méconnu de la structure jusque-là la plus puissante du pays. Il aura fallu qu’une lame de fond frappe de plein fouet le méta-service secret algérien pour que soient dévoilés au grand public ses moindres directions et sous-directions. Depuis 2013 et le début de cette «restructuration», la cartographie du Département du renseignement et de la sécurité est mise à nu. Aux yeux du public, le DRS se résumait à l’espionnage à l’étranger, au contre-espionnage en Algérie et à la surveillance des troupes. Aujourd’hui, la dissolution et le chamboulement de services entiers au profit de la Présidence ou de l’état-major de l’ANP préfigurent un retour à la cohabitation entre deux services secrets puissants, comme ce fut le cas pendant les années 1980 et avant l’arrivée du général de corps d’armée Mohamed Médiène. Aujourd’hui, ce dernier maintient un contrôle total d’abord sur la Direction de la sécurité intérieure (DSI), à la fois service de contre-espionnage et police politique, qui étend ses ramifications dans l’ensemble de la société algérienne. La moindre administration, la moindre université ou parti politique est surveillé par cette institution. L’Institut national des études stratégiques globales, lui aussi resté sous le giron du général Toufik, est le think-tank officiel du DRS ; il représente aussi une passerelle entre l’institution et le monde universitaire, mais aussi avec les stratèges de l’ANP. L’école du DRS n’a, elle aussi, pas changé de tutelle. L’Institut supérieur des techniques de renseignement continuera à former ou recycler les officiers des services secrets. La Direction des relations extérieures et de la coopération n’a pas été affectée non plus par les changements, elle gère les activités de coopération, accompagne et organise les formations à l’étranger et gère certains postes auprès des ambassades et représentations diplomatiques à l’étranger. Elle gère aussi les accréditations des bureaux militaires et des représentants des services étrangers en Algérie. Ecoutes Le Centre principal des opérations dépend toujours de la DSI, bien qu’ayant perdu sa capacité d’enquêter sur l’ensemble du territoire ; il reste le fer de lance du contre-espionnage à Alger. Dernière structure demeurant sous la tutelle de l’homme au cigare, le Centre de recherche et développement du DRS, un organisme des plus méconnus. Il se charge de fournir les technologies de pointe pour les besoins du DRS, mais pas que. Le détecteur de bombes Fennec, par exemple, est une de ses productions. Les organismes touchés par la rumeur d’une dissolution ou d’un changement de tutelle sont nombreux et non moins importants. Le Groupement de contrôle des réseaux, qui chapeaute les écoutes et les interceptions électroniques de signaux au DRS, aurait été rattaché à l’état-major, ou du moins à une commission mixte regroupant les différents services, police, gendarmerie, armée et services secrets. La Direction des points sensibles, qui s’occupait de surveiller l’ensemble des services publics et l’administration, aurait été dissoute, ou du moins gelée, selon les rapports de la presse. La grande inconnue reste le rattachement ou pas de la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE), services d’espionnage à l’étranger, et du Centre de communication et de diffusion, qui gérait les médias, à l’état-major. Aux dernières nouvelles, le réseau de caméras de surveillance et de lecteurs de plaques d’immatriculation aurait été retiré de l’autorité du général Toufik. Ce réseau, qui se superpose à celui de la police, fort de plusieurs centaines de points couverts, permettait de prémunir la capitale d’éventuelles infiltrations terroristes. Gros complexe technique, fruit d’un contrat remporté par un géant de l’électronique coréen, il offrait au DRS la capacité de surveiller en temps réel la capitale, avec comme outil la reconnaissance faciale et de véhicules. Canal historique Ce sont les dissolutions du Groupe d’intervention spéciale (GIS), du Service de coordination et de renseignement antiterroriste (Scorat) et de la Direction générale de la sécurité et de la protection présidentielle (DGSPP) qui privent le reste du DRS d’une force militaire. Le GIS, fort de plusieurs centaines d’hommes, était le fer de lance du DRS et guerroyait le terrorisme partout en Algérie et même parfois en dehors des frontières. Les opérateurs du GIS auraient été dispatchés entre le 113e régiment opérationnel de manœuvres des commandos parachutistes, la Marine pour les plongeurs, la gendarmerie pour les maîtres chiens et la Garde républicaine pour les chargés de la protection rapprochée. Idem pour les éléments du Scorat, plus discrets, qui ont été derrière la plupart des démantèlements de réseaux terroristes. La DGSPP était devenue le dernier lien physique entre le DRS et la présidence de la République ; c’est le service qui fournissait ses «anges gardiens» au Président et qui a évité l’attentat de Batna. Aujourd’hui, ses éléments servent auprès de la Garde républicaine, le corps de prestige de la Gendarmerie nationale. La plus grosse perte pour le DRS reste la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA), qui se chargeait de la gestion du renseignement au sein de l’ANP. C’est d’ailleurs autour de cette structure, renommée Scomi pour Service central opérationnel militaire d’investigation, qui dépend du chef d’état-major, que s’agglomèrent la plupart des anciennes directions retirées de la tutelle du DRS. Loin d’être définitivement tué, le DRS «canal historique» se voit concurrencé par un service aussi puissant mais aussi forcé de revoir ses méthodes à cause d’une batterie de lois qui encadrent ses attributions et forcent de plus en plus le passage par la case justice civile pour les procédures du service de contre-espionnage. Désormais, il ne relève plus du service de promulguer les terribles ISTN, (interdiction de sortie du territoire nationale), qui relèvent aujourd’hui des prérogatives uniques des juges. Au vu de ces changements, il est raisonnable de se demander si le but ultime de cette restructuration n’est pas de créer un troisième pôle fort dans le pays, autour d’un service de sécurité fort, dépendant de l’état-major, ou d’annuler la puissance du DRS historique en lui opposant une structure clone.
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