- Quel est votre avis quant aux nouvelles mesures relatives au recouvrement des cotisations de Sécurité sociale apportées par la loi de finances complémentaire (LFC) 2015 ? L’initiative contenue dans la loi de finances complémentaire 2015, qui vise à renflouer les caisses des organismes de Sécurité sociale, est une excellente chose. Toutefois, il est dommage qu’une opération aussi importante soit lancée dans des délais aussi catastrophiques. L’ordonnance de la LFC 2015 est parue vers la fin du mois de juillet. Le contenu du Journal officiel a été porté à la connaissance du public à la mi-août, en pleine période de congé. Ce n’est que vers le début du mois de septembre que l’opération a vraiment été lancée. Donc en fin de compte, cinq semaines ont été perdues, durant lesquelles l’opération aurait pu être plus rentable. D’ailleurs, plusieurs hauts responsables au niveau du ministère de tutelle et des directeurs des organismes de Sécurité sociale auraient souhaité le renouvellement de cette opération en 2016. Ce problème aurait pu être évité, cette question de délais a été définie par voie réglementaire en donnant au Premier ministre la possibilité d’adapter les délais en fonction du contexte général et de la rentrée sociale. - L’avenir des caisses des organismes de sécurité sociale est-il menacé ? La situation financière de tous les organismes de Sécurité sociale est en danger. Ce constat, qui s’impose déjà depuis quelques années, s’est accentué ces derniers mois. Les caisses de Sécurité sociale sont dans le rouge. La situation est encore plus critique pour la Caisse nationale des retraites (CNR) qui est au bord de l’asphyxie financière. Il est toléré d’enregistrer un petit retard de remboursement d’une ordonnance, mais pas lorsqu’il s’agit d’une retraite attendue chaque fin de mois. J’insiste : la situation de cette Caisse est complètement désespérante. En contrepartie, il y a un organisme qui s’occupe des retraites des cadres supérieurs de l’Etat sous le nom de Fonds spécial de retraites. Il est alimenté par les cotisations de ces hauts cadres, mais aussi en grande partie par l’argent de l’Etat comme le stipule la loi. L’aberration n’est pas dans la présence de cet organisme, mais plutôt dans la position de l’Etat qui ne cache pas sa crise quant aux retraites des basses catégories du peuple, mais trouve les moyens de financer ce Fonds spécial de retraite pour les hauts cadres. - L’Etat a-t-il les moyens de remédier à cette situation calamiteuse ? Paradoxalement, il y a une possibilité, dans l’avenir immédiat, de renflouer les caisses pas seulement en sommant les employeurs à régulariser leur situation vis-à-vis de la Sécurité sociale, mais en récupérant les créances. Il y a, en termes de cotisations, plusieurs dizaines de milliards de dinars qui n’ont pas encore été recouvrés par la CNAS. Cette dernière n’a pas encore tous les moyens juridiques pour faire pression sur les employeurs. Le summum du paradoxe est qu’une bonne part de cet argent non récupéré vient des entreprises et des institutions publiques, qui ne sont malheureusement pas à jour dans le versement de leurs cotisations, et ce, depuis plusieurs années. Selon les estimations locales, pratiquement pour chaque agence de wilaya de la CNAS, la somme à récupérer se situe globalement entre 50 et 200 milliards de centimes. Une mention particulière pour les agences d’Alger, d’Oran, de Constantine et de Ouargla, où le montant des créances à recouvrer pour chacune d’elles tourne autour de 500 et 1000 milliards de centimes. Des chiffres énormes qui pourraient remettre sur pied les caisses des organismes de Sécurité sociale. L’Etat aussi devrait agir afin de récupérer l’argent des cotisations de Sécurité sociale placé dans les banques El Khalifa. Vient ensuite cette opération sommant les employeurs à déclarer leurs travailleurs qui, non seulement ne bénéficient pas d’une couverture sociale en termes de soins, mais sont aussi privés de retraite car ils n’ont jamais cotisé dans leur vie professionnelle. - Faut-il réformer le fonctionnement des caisses de Sécurité sociale pour sortir de cette crise ? Dans l’immédiat, il faut d’abord récupérer les créances, imposer aux employeurs de déclarer leurs travailleurs et engager des mesures coercitives et de répression contre les pourvoyeurs d’emplois qui ne se plient pas à cette loi. Viennent après la réévaluation du système de Sécurité sociale et une éventuelle réforme, notamment dans le domaine des dépenses de santé et la révision du système d’assurance-maladie. Toutefois, ce qui est encourageant, c’est la prochaine réunion de la tripartite prévue vers la fin de l’année. Elle aurait à l’ordre du jour la question de la Sécurité sociale et le système des retraites. On irait vers la suppression des retraites proportionnelles et sans condition d’âge. Une décision déjà prise il y a 5 ou 6 ans lors d’une réunion de la tripartite, mais jamais appliquée. Cette mesure permettrait aux caisses de retraite de reprendre leur souffle et de faire quelques économies de plusieurs milliards de dinars par an. Il serait aussi envisageable de reculer l’âge de la retraite de 60 à 62 ans, comme cela se fait dans la plupart des pays dans le monde. Il faut aussi reprendre le système évoqué dans la loi de finances de 1993 imposant une contractualisation entre les caisses de Sécurité sociale et les hôpitaux publics. Même s’il est toujours en vigueur, il n’a jamais été mis à exécution.
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