samedi 26 septembre 2015

Limitation des importations : Quand le débat est biaisé

La baisse des cours du brut persiste et risque même de s’aggraver. De sombres perspectives se dessinent pour une Algérie qui aura du mal à maintenir ses équilibres financiers externes et à préserver des réserves accumulées au cours de 15 années d’opulence, qui fondent comme neige au soleil, le spectre de l’endettement planant de nouveau. Les autorités font aujourd’hui face à un dilemme cornélien : comment limiter les déficits de la balance des paiements ? Deux options se présentent. En premier lieu, influer sur les recettes à l’export et les augmenter. Un choix difficile, même impossible à concrétiser, dans la mesure où les cours du pétrole, dont dépendent 98% des recettes de l’Algérie, sont partis pour baisser encore, à moins d’un sursaut des exportations hors hydrocarbures, hypothèse à écarter dans l’immédiat. Reste donc la seconde option, celle de la réduction des importations. Depuis le début de l’année, les services du ministère du Commerce s’évertuent à multiplier les actions destinées à assainir la sphère du commerce extérieur, à réintroduire les licences d’importation et à renforcer les contrôles dans les ports et les frontières. Une action assortie, du côté de la Banque d’Algérie, d’un glissement progressif mais constant du taux de change du dinar. Un cocktail détonant censé juguler l’hémorragie. Reste à savoir si ce remède réussira à traiter des maux aussi divers que variés. Rien n’est moins sûr. Certes, les mesures du ministère du Commerce ont permis de limiter les importations sur un segment, celui des biens de consommation non alimentaire, notamment les véhicules neufs qui ont baissé de plus de moitié durant le premier semestre 2015, mais qui ont un effet marginal sur le volume d’importation global. Le fait que la facture à l’import alimentée par des segments bien précis et qui sont en majorité sous le contrôle de l’Etat. Il s’agit plus précisément des produits alimentaires, des biens d’équipement et des services. Il va sans dire que la plus grande part de la facture alimentaire est liée à l’importation de céréales et de produits laitiers, gérés par les offices interprofessionnels, lesquels ne sont rien d’autres que des organismes publics. Lorsqu’il s’agit d’évoquer les biens d’équipement et les services, il est difficile de ne point faire le lien avec les programmes publics de l’Etat. Des mesures administratives, mais… Au fil des ans et à mesure que les prix du baril de brut caracolaient, l’Etat a fini par dépenser sans compter, ce qui a eu l’effet de faire flamber la facture à l’import. En 2002, les importations globales de biens se situaient à 12 milliards de dollars, dont 2,74  pour les produits alimentaires et 4,42 pour les biens d’équipement. Du côté des importations de services, celles-ci ne se chiffraient qu’à 2,48 milliards de dollars en 2002. En 2014, les choses ont plus qu’évolué. Les importations de services se chiffrent aujourd’hui à près de 12 milliards de dollars par an. En 2014, la facture était de 11,706 milliards de dollars. En ce qui concerne les importations de biens, celles-ci ont atteint à fin 2014 un record de 59,67 milliards de dollars, soit 3,3 fois leur niveau en 2004. Les importations se sont d’ailleurs accélérées dès 2008, lorsque le baril de brut a atteint un record historique de 147 dollars. La facture a fait un bond de 12 milliards de dollars cette année-là, pour se rapprocher du seuil des 40 milliards de dollars. Les importations de produits alimentaires avaient doublé pour flirter avec les 8 milliards de dollars. Il en est de même pour les biens d’équipement dont la facture a fait un bond de 5 milliards de dollars pour dépasser les 13 milliards de dollars. Echaudés par un glissement dangereux, les pouvoirs publics avaient décidé en 2009, au lendemain de la chute des cours du brut, d’un certain nombre de mesures administratives pour limiter les importations, comme la taxation de véhicules neufs, l’interdiction des transferts libres et la mise en place d’une taxe de domiciliation bancaire entre autres. Cela n’a pas empêché la frénésie d’achats de repartir crescendo dès 2011, dès que les cours du pétrole se sont redressés alimentant une nouvelle fois dépenses publiques, transferts sociaux et revalorisations salariales. Le fait est aussi que certains postes sont incompressibles et dépendent de la démographie et de l’évolution des marchés internationaux, à l’image des produits alimentaires. Aujourd’hui, en situation de crise, on reparle encore de réduction des importations dans des discours qui prennent l’allure de rengaines entêtantes et même parfois agaçantes. On propose, comme en 2008, des mesures administratives qui risquent au final de n’aboutir qu’à une redistribution des cartes et des monopoles sur le commerce extérieur au profit d’«opérateurs» adoubés et choyés. On prévoit aussi de réduire les dépenses d’équipements pour limiter aussi bien le déficit budgétaire que celui de la balance des paiements. Mais au final, placer le débat au niveau des problématiques du commerce extérieur et des importations n’est-il pas le biaiser ? Car les importations ne sont pas un problème pour un pays qui produit, qui exporte autre chose que de la ressource souterraine et qui engendre la croissance et l’emploi. Là est le cœur du débat…  

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