Le ministre des Finances déclare que le monde évolue et qu’il n’y a «aucun pays du monde où 100 % du tissu économique est public». Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir les parlementaires en fin de séance. La révision du système des subventions généralisées est, aujourd’hui, remis en cause. Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, a indiqué hier que le gouvernement réfléchissait actuellement au ciblage des subventions. Le ministre, qui répondait hier aux préoccupations des députés dans de cadre de l’examen du projet de loi de finances 2016, a affirmé que le gouvernement était attaché au maintien de sa politique sociale, mas qu’il s’agissait aujourd’hui de parvenir à un nouveau système de subventions d’ici deux à trois ans. Le premier argentier a ainsi indiqué que le gouvernement est «en train de réfléchir à ce sujet pour aboutir, d’ici 2 à 3 ans, au ciblage des subventions». Il a précisé que le gouvernement a commencé «à mettre en place une carte des ménages défavorisés afin de passer d’un système de subventions généralisées à des subventions ciblées». Il est vrai que les questions de subventions, de la hausse des prix de l’énergie et leur impact sur le pouvoir d’achat des ménages ont suscité le débat au sein de l’hémicycle, ce qui a sans doute poussé M. Benkhalfa à assurer du maintien de la politique sociale du gouvernement à laquelle «19 milliards de dollars sont consacrés». Et de rassurer quant à l’impact de la hausse prévue des prix de l’énergie : «Les hausses des prix de l’énergie et des carburants introduites dans le cadre de la loi de finances 2016 ont été opérées avec ciblage. J’ai déjà indiqué que la hausse des prix du gasoil induira une compensation aux agriculteurs, j’ai aussi dit que celles des prix de l’électricité et du gaz ne toucheront pas directement les 11 millions d’Algériens constituant le quintile le plus défavorisé.» Des propos qui confortent l’idée selon laquelle la révision des subventions a déjà commencé, que les hausses des prix de l’énergie prévues dans le cadre du PLF 2016 sont les premières d’une longue série de hausses «graduelles» à attendre au cours des prochaines années. D’ailleurs, les propos du ministre ont vite fait réagir les députés, qui n’ont pas hésité à l’apostropher. Certains élus de l’opposition ont même quitté la séance. Bien que l’article 71 du PLF 2016 ait été retiré par la commission des finances et du budget de l’APN dans le cadre d’une proposition d’amendement, le ministre défend le texte bec et ongles, estimant que le dispositif permettant au gouvernement de décider par décret du gel de projets afin de préserver les équilibres budgétaires complète des dispositions qui existent déjà. Le ministre a également affirmé qu’aucun pays ne s’oppose à asseoir une certaine flexibilité dans la gestion des budgets, notamment en dessous des plafonds des crédits alloués et votés par l’Assemblée, notamment lorsqu’il s’agit de préserver les équilibres budgétaires. Le premier argentier estime d’ailleurs qu’«on ne peut pas s’endetter juste pour respecter les engagements» pris dans une loi de finances votée par le Parlement. Indignation générale Argument rejeté par l’ensemble des parlementaires, qui considèrent que la disposition en question est une manœuvre qui risque de permettre au gouvernement de s’attribuer certaines prérogatives et de mettre en péril le principe de séparation et d’équilibre des pouvoirs. C’est aussi la même indignation qui a animé les députés de l’opposition, notamment lorsqu’il s’agissait d’évoquer les articles 66 et 70 du PLF 2016 relatifs à l’ouverture du capital des entreprises publiques et à la règle des 51/49%. Le ministre des Finances a tenu à réfuter toutes les accusations selon lesquelles ces dispositions ouvrent le champ à la privatisation des entreprises et à l’affaiblissement de la souveraineté de l’Etat. Il a ainsi estimé que les articles en question visent à consolider la règle des 51/49% et à renforcer la minorité agissante du capital public dans le cadre d’opérations d’ouverture du capital des entreprises publiques. Il a ajouté que cette préoccupation est commune à l’ensemble des projets de loi qui seront présentés, que ce soit la loi de finances 2016, le nouveau code des investissements, ainsi que la loi relative aux entreprises publiques. Le ministre estime aussi qu’on ne pourra désormais plus compter sur la fiscalité pétrolière pour le financement du budget de l’Etat et qu’il faut trouver de nouvelles ressources. Il se félicite d’ailleurs du fait que la perte de revenus induite par la baisse des cours du brut ait été compensée par la mobilisation de 500 milliards de dinars sur l’épargne privée, l’épargne des institutions et des entreprises. M. Benkhalfa a aussi affirmé qu’il est nécessaire de passer du développement à la croissance et de l’investissement sur financement budgétaire à l’investissement économique et que cela nécessitait de s’ouvrir sur le monde et de changer les mentalités. «Nous avons besoin de passer à un cap managérial différent», a-t-il indiqué. Il a déclaré aussi que le monde évolue et qu’il n’y a «aucun pays au monde où 100% du tissu économique est public». Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir les parlementaires en fin de séance. Pour Mme Nadia Chouitem, députée du PT, le discours du ministre n’a pas répondu aux préoccupations des parlementaires. Elle dit ne pas comprendre les propos du ministre concernant le secteur public. Et d’expliquer que dans tous les pays du monde, le secteur privé investit pour constituer un patrimoine et contribuer à la construction de l’économie, le secteur public ne s’est construit sur la privatisation et sur le transfert du patrimoine public au privé. Un avis partagé par Youcef Khababa, député de l’AAV, qui a affiché sa déception quant à un discours qui relève plus d’un cours d’université que de la réponse aux préoccupations des députés. Il a insisté aussi sur la nécessaire opposition à cette «loi qui porte clairement l’empreinte du FCE». Le projet de loi de finances 2016 devrait être voté lundi. Au sein de l’opposition, c’est déjà le consensus autour du rejet de ses dispositions. Cependant, au sein de la majorité FLN-RND, on semble s’acheminer vers un vote massif pour le «oui». Les interventions des chefs des groupes parlementaires FLN et RND semblent avoir dessiné les orientations données aux parlementaires, sonnant par la même occasion le glas de toute velléité de résistance. Si certains s’en remettent aux consciences de chacun, des députés FLN capitulent déjà et assument un vote dicté par des considérations partisanes. Une posture qui laisse entrevoir un vote favorable, lundi, à une loi certes contestée, mais qui risque de passer, comme à l’accoutumée, comme une lettre à la poste.
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