mercredi 25 novembre 2015

Terrible drame à Ouargla

Un incendie a ravagé le camp des migrants subsahariens de Ouargla et causé plusieurs morts. Dix-huit décès de différentes nationalités et des dizaines de blessés. Ils étaient 650 la nuit d’avant. Ils ont passé toute la journée d’hier dans la rue, en face de leur camp, observant de loin l’intervention de la Protection civile et celle de la police scientifique. Outre la mobilisation officielle pour prendre en charge les rescapés de ce tragique accident, la formidable adhésion de la société civile présente dès les premières heures du matin sur les lieux. Une solidarité morale et matérielle qui a mobilisé le Croissant-Rouge, les associations, les commerçants et de simples citoyens faisant don de leur temps, de nourriture, d’habits et de couvertures pour réconforter les miraculés du centre d’accueil. Il était 3h quand les cris des réfugiés du centre d’accueil, situé dans la nouvelle zone d’équipements publics de Ouargla, ont déchiré la nuit glaciale de ce 23 novembre. Cette nuit a signé le début de l’hiver dans la région,  le froid s’est vite fait ressentir, affirment plusieurs témoins. Mamoudou Nacirou Koko est formel : «Impossible de fermer l’œil sous ce toit en préfabriqué, il nous a fallu allumer des réchauds à gaz butane pour rendre supportable le grand hangar.» Le  directeur de la Protection civile explique à la presse que le petit vent de la soirée a participé à la propagation rapide du feu qui a pris naissance dans une baraque. «Tout le monde était endormi, d’où le nombre de décès qu’on déplore», dit-il. Ils étaient 650 avant cette terrible nuit. Dix-huit personnes sont décédées, dont 16 adultes et 2 enfants, 50 autres ont été blessées à des degrés divers. Hospitalisées durant toute la matinée d’hier, une quarantaine de personnes sont sorties après avoir reçu les soins nécessaires et 10 autres sont restées sous surveillance médicale pour traumatismes et brûlures. Moussa, un autre rescapé de l’incendie décrit une panique générale exacerbée par la surcharge et la promiscuité. «Nous étions pris comme des rats, le feu se propageait à vue d’œil à travers les baraques en bois et le portail principal devenait inaccessible vu la hauteur des flammes.» Impossible d’atteindre la porte, ni d’ouvrir la petite ouverture située au coin du hangar. Les femmes fuyaient leur baraque avec les enfants, elles venaient toutes vers le hangar, «or nous étions tous coincés, tout le monde voulait fuir cette chaleur suffocante». Les récits de cette nuit tragique se succèdent. «C’était l’horreur, on voyait le feu venir vers nous et on n’arrivait pas à ouvrir la petite porte bloquée, et ce, pendant un bon quart d’heure, alors que les résidants se bousculaient cherchant à accéder aux fenêtres. Escalader des murs en fer, ouvrir des fenêtres inopérantes, désespérément fermées depuis des lustres alors que les flammes vous poursuivent...» Tel a été le calvaire des résidants du camp. Ils dormaient tous à cette heure avancée de la nuit et ils ont soudain été contraints de grimper des murs nettement supérieurs à la taille humaine pour se laisser tomber de 6 mètres de hauteur. Les héros du feu Les plus légers se sont portés candidats. Parmi eux Mamoudou, qui nous montre son bras ensanglanté et surtout ses mains. Des sillons sont creusés dans ses paumes qui ont sauvé une dizaine de personnes. «On ne pensait qu’à se hisser à la hauteur de ces fenêtres et passer par-dessus le mur pour respirer», raconte-t-il. Et d’ajouter : «Nous avons tout perdu, nos papiers, nos habits, nos maigres économies mais c’est aux femmes et aux enfants qu’on a surtout pensé... Je suis heureux d’être vivant et vraiment triste pour ceux qu’on n’a pas pu sauver.» Moussa raconte une nuit d’horreur : «On dormait depuis trois heures dans notre baraque et soudain une explosion a retenti, tout le monde courait, on a vainement essayé d’éteindre le feu avec du sable et de l’eau. Moi, je suis sorti par la fenêtre, là en face, c’était trop loin et tout était bloqué, c’est quand on a cassé la porte à partir de l’extérieur que les autres ont pu passer.» De nouveau, Mamoudou le Béninois remercie Dieu : «Hamdoulillah, là où il y a des décès on ne peut parler ni de bagages ni d’argent. Quand on a la vie sauve et la santé, on peut se reconstruire.»  Agglutinés autour de ce qu’ils ont pu sauver, des mères de famille essayaient de réchauffer les plus petits. Un camion arrive avec des couvertures et des survêtements, un autre transporte du pain et du lait. Salim fait partie de Nass El Kheïr, il a participé à la première tournée matinale pour distribuer un petit-déjeuner aux victimes. «On a heureusement pu actionner une équipe pour collecter du pain chaud et du lait ainsi que quelques couvertures.» Zoubida, membre actif du Croissant-Rouge, distribue des bouteilles d’eau et essaye de consoler un enfant, «il pleure depuis un moment, il veut son biberon». On envoie un jeune en acheter un dans un commerce du quartier des Khemagnia, mais force est de constater que le centre est loin de tout. Il jouxte la nouvelle cité administrative qui devient déserte à la tombée de la nuit. Il fait face à l’entrée principale de la cité universitaire des filles. «C’est un lieu qui n’offre aucune commodité ni sécurité», nous lance Idrissou. «Nous sommes très reconnaissants aux autorités d’avoir mis à notre disposition ce hangar, mais les conditions de vie y sont très difficiles, trop chaud en été, trop froid en hiver et beaucoup d’agressions.» Et qui dit éloignement dit insécurité. Béninois, Ivoiriens, Tchadiens ou Maliens pour la plupart, les rescapés approchés hier avaient de l’amertume, en soulignant le paradoxe de cette société ouarglie solidaire la plupart du temps, mais agressive aussi. Salihou parle de plusieurs cas d’agressions dont ont été victimes ses amis. «Parfois c’est dans la rue, à l’arme blanche. On nous exhorte de vider nos poches.» Les agresseurs, exclusivement des Blancs, selon plusieurs témoignages, délestent les migrants de leur argent et portables. Ils ne sont jamais attaqués par des Noirs algériens, Mamoudou et ses amis l’affirment : «Ce sont les Blancs qui nous attaquent aussi bien dans la rue qu’à l’occasion de travaux que nous effectuons à domicile ou sur chantier.» Ce que veulent les rescapés du camp de Ouargla Ils ont le mérite d’être clairs et reconnaissants. Nos interlocuteurs sont unanimes. «D’abord un lieu offrant les commodités minimales pour une vie digne»,  mais aussi et surtout «plus de sécurité et  une reconnaissance de notre utilité dans la vie économique et sociale locale». C’est chose faite avec la décision de les déplacer dans le nouveau centre de Sidi Khouiled. Mais pour le reste, ouvriers et artisans à la compétence reconnue, les migrants subsahariens sont employés au noir dans les chantiers de construction, les exploitations agricoles et chez les particuliers. Leurs employeurs de fortune sont les premiers à les maltraiter et à leur voler le fruit de leur labeur.       

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