mardi 29 novembre 2016

Les réfugiés africains dans la précarité

Ils sont Guinéens, Sénégalais, Maliens, Togolais et Congolais à fuir la misère et le chômage dans leurs propres pays. Des milliers d’Africains travaillent dur sur les chantiers algériens. Qui pour envoyer des économies pour faire vivre leurs familles restées au pays, qui pour cumuler de l’argent afin de rejoindre «l’eldorado européen». Omar, à peine 21 ans,  la fleur de l’âge, est sur un chantier de construction à Hydra depuis 15 mois. Après une longue traversée du désert au sens propre du mot, ce jeune Malien a fini par s’installer dans ce quartier chic de la capitale, où le travail ne manque pas. «Je suis arrivé depuis plus d’une année et Dieu sait que je n’ai pas chômé depuis», confie-t-il. «Nous sommes plusieurs nationalités ici, il y a des jeunes de Guinée, du Congo, du Mali et d’autres pays africains dans plusieurs chantiers à Hydra», dit Omar  entre deux chargements de brouette, qui avoue entretenir de bons rapports avec ses collègues algériens. Lui et ses amis qui logent ensemble s’approvisionnent dans les supérettes du Paradou. «A part le travail qui est un peu difficile, indique le jeune Omar avec un sourire en coin, le reste, tout va pour le mieux.» Mais à une dizaine de kilomètres de là, à Dély Ibrahim, les Africains vivent le calvaire. C’est au bois des Cars que nos avons rencontré Juaire, arrivé du Congo avec sa femme enceinte de trois mois. Assis dans une allée du jardin, Juaire est un homme choqué par ce qui se passe, depuis longtemps, à Dély Ibrahim où il occupe un squat en compagnie d’une centaine d’Africains de plusieurs nationalités. Ce Congolais de 31 ans, qui travaille dans un chantier, a été victime d’une lâche agression avant-hier. «J’ai eu un malaise et j’ai été emmené à l’hôpital», confie-t-il en exhibant son dossier médical et sa radio. Juaire est un homme abattu. A bois des Cars, il attend que quelqu’un vienne le chercher pour éviter une éventuelle agression sur le chemin qui mène au squat. Il est traumatisé par les événements graves qui se sont déroulés ce week-end. Selon lui, «les provocations ne datent pas d’aujourd’hui. Les jeunes du quartier nous volent, nous agressent, provoquent nos femmes». Juaire a la gorge nouée par la peur permanente d’être victime d’une agression. «Les Blacks, dit-il, ne sortent plus. On n’a pas travaillé depuis trois jours.» Si lui aussi voulait au départ rejoindre l’Europe, ce jeune Congolais, comme des milliers de migrants africains qui travaillent sur les chantiers de construction en Algérie, a voulu s’y «installer définitivement avec sa femme». Seulement il affirme ne pas savoir à qui s’adresser pour régulariser sa situation. «Je n’ai jamais su par quoi commencer ni quelle démarche entreprendre pour m’y installer», regrette Juaire, qui était hier encore sous le choc des attaques dont les clandestins africains de Dély Ibrahim ont été victimes. S’agit-il d’actes de racisme à leur égard ? Il lance avec beaucoup de déception : «Ils ne nous donnent aucune valeur.» «Nous sommes des prisonniers libres», lâche avec amertume Juaire, qui raconte qu’«il y a un mois une jeune femme africaine a été tabassée à l’entrée du quartier. Des jeunes déchaînés voulaient lui enlever son argent et son téléphone portable». Un jeune Malien, la vingtaine, habitant le même squat, nous relate les mêmes faits. Selon lui, «les agresseurs avaient demandé d’abord à la jeune fille de les laisser fouiller son sac. Ils lui avaient demandé si elle avait de la drogue, pour justifier leur forfait», raconte-t-il. «Ensuite, ils lui ont demandé de l’argent puis son téléphone portable. Comme elle a refusé, ils l’ont frappée» dit-il. «Auparavant ils avaient agressé un migrant togolais avec un couteau.» C’est tout simplement insupportable, confie Aliou, un jeune originaire de Bamako. Refusant de relater les tristes événements de la veille, il nous dit qu’étant «très touché il n’aspirait qu’à aller se reposer». Ce Malien affirme ne plus se sentir en sécurité. Venu pour rejoindre l’Europe, il a décidé finalement de rentrer chez lui. «Juste le temps de ramasser un peu d’argent et je rentre chez moi», lance Aliou, totalement déçu de ne pas avoir pu mener à terme son projet d’aller en Europe. Ce jeune Malien souligne que «les jeunes qui les ont agressés ne sont pas représentatifs des Algériens. Puisque nous sommes comme assignés à résidence depuis jeudi, ce sont des familles algériennes habitant le quartier qui nous apportent à manger».  

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