On est en pleine campagne pour les élections locales. Pourtant, dans les rues, particulièrement celles des grandes villes, à l’exception de quelques affiches banales, c’est l’indifférence totale… Début de la campagne électorale. Eh oui, pour ceux qui ne le savent pas, et ils sont certainement nombreux, qui ne se doutent pas un instant que des partis politiques et des indépendants ont entamé leur campagne pour les élections locales du 23 novembre. Elections locales ? Oui. C’est-à-dire ? Elire le maire de votre commune. Un détail très important puisqu’ils sont aussi nombreux ceux qui ignorent que le prochain scrutin les concerne directement. «ça ne fait pas longtemps que nous avons voté ! Non ?» Si, mais, il s’agissait des élections législatives (17 mai), c’est-à-dire pour le Parlement. «Rabhoum wahed», autrement dit, c’est du pareil au même, nous disait un jeune. Désintérêt, ignorance mais surtout une indifférence des uns et des autres. «Je ne vois aucun intérêt à aller voter. C’est un énième show électoral auquel nous assistons, passifs», déplore Radia, une fonctionnaire. «Les citoyens savent qu’on leur ment et les candidats savent que les hommes politiques ont perdu toute crédibilité. Plus personne n’y croit, il n’y a qu’à voir le taux d’abstention lors des dernières élections.» Comment en est-on arrivé là ? «Dans une relation électorale, il y a deux parties : les candidats et les électeurs. Cette relation connaît une crise de confiance très profonde qui se traduit par des taux de participation très faibles et des votes blancs de plus en plus nombreux d’une part, et d’autre part des difficultés à constituer des listes crédibles et convaincantes», explique la politologue Louisa Dris Aït Hamadouche. Et d’où est-elle née cette crise de confiance ? «L’un des plus gros problème de la gouvernance est l’absence de comptabilité à tous les niveaux», explique-t-elle encore. D’ailleurs, toujours selon elle, «les électeurs devraient avoir le droit de retirer leur confiance. Un tel droit donnerait du poids à l’élection et de la motivation aux deux parties». Dans les rues, il n’y a pas foule devant les panneaux réservés aux affiches de la campagne électorale, mais il faudrait d’abord qu’il en existe des affiches ! Du côté des candidats, l’intérêt n’y est pas non plus. Plusieurs partis politiques ont trouvé du mal à boucler leurs listes et à respecter la date de dépôt réglementaire. «Pour ces élections locales, ce n’était pas la ruée sur les listes électorales. Pour boucler les listes, il fallait batailler», témoigne le militant d’un parti chargé d’établir les listes de candidats. Ce qui était autrefois un but à atteindre à tout prix est devenu aujourd’hui un non-événement. Peu sont ceux qui sont intéressés par la candidature. «Ils ne veulent plus de la responsabilité, surtout que les prérogatives des élus sont limitées et puis il y a aussi la méfiance de la chose politique.» Les élections locales ne sont pas très motivantes pour les candidats potentiels. Ce scrutin a une particularité : la proximité avec les électeurs. Cela signifie que les élus sont en contact permanent avec les citoyens qui exigent beaucoup, alors que les moyens dont disposent les élus locaux restent excessivement restreints, explique encore la politologue. Les seuls à s’y intéressent sont les «petits hommes d’affaires» qui s’impliquent avec les militants. «Certains ont des business à protéger en s’impliquant directement ou via un membre de la famille ou des amis proches», témoigne un militant. Mais ce qui complique encore les choses, c’est la situation de crise dans laquelle est plongé le pays. «Ces maires n’ont rien pu faire avant, comment voulez-vous qu’ils nous promettent du changement et du développement en situation de crise», se demande un jeune de Douéra. Pourtant des promesses, ils en font et, à voir certaines affiches, on se demande pour qui on prend les électeurs. Pour Louisa Dris Aït Hamadouche, «l’élection en tant que moyen de régulation et de gestion de la cité a perdu de sa crédibilité au fur et à mesure des scrutins répétitifs. Par ailleurs, gérer une mairie apporte plus de désagréments que d’avantages, surtout en période de crise, contrairement au siège de député que les candidats se disputent. Dans une élection locale, le candidat met sa réputation en jeu de par la proximité avec les citoyens. Or, les dividendes sont peu motivants pour que cela change». Solution ? «Il faudrait que les communes aient beaucoup plus de prérogatives, et que les partis soient actifs en dehors des rendez-vous électoraux. Or, les permanences sont presque toujours fermées», estime la politologue. Les partis ont tout intérêt à mobiliser les électeurs, le problème c’est qu’ils oublient que ce sont des citoyens le reste du temps... A leur décharge, la marge de manœuvre qu’on leur laisse n’est pas très grande. Les candidats pour convaincre doivent déjà être convaincus. Electeurs d’hier, certains candidats ont vu leurs dossiers être refusés. Motif : ils n’ont jamais eu de carte de vote, et n’ont donc pas pu inscrire leur numéro sur leur dossier administratif !
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