Chaque nation honore ses héros, mais la manière avec laquelle ces derniers sont honorés relève de la culture de chaque société, non pas de la tradition politique du pays. En effet, l’Algérie doit exprimer une grande gratitude aux moudjahidine. Ils ont participé à la libération nationale de notre pays, bien qu’un nombre important d’entre eux ait verrouillé le champ politique depuis 1962, ce qui a provoqué d’autres conflits internes qui durent jusqu’à nos jours. Effectivement, des disparités très claires existent entre les moudjahidine et les autres catégories de la société. Un ministère des Moudjahidine existe encore après 55 ans d’indépendance ! Ce ministère devait disparaître avec la réduction du nombre des moudjahidine à la fin des années 1990, un service spécial dans un autre ministère pouvait assurer une bonne prise en charge de nos moudjahidine et des familles des chouhada. L’Etat algérien n’a pas permis à la société d’honorer ses héros, vu le monopole chronique des institutions officielles dans la gestion du dossier moudjahidine sans aucune considération de l’aspect culturel local. Un tabou s’est produit à partir de l’école pour une manipulation politique qui dure dans les plus hautes sphères de l’Etat. Cette situation a transformé le mot «moudjahid» en un «métier», car une raison économique existe derrière chaque démarche depuis l’indépendance, chose qui a infecté les mentalités et l’éducation de manière générale. Cet excès de valorisation se répercute aussi sur la manière d’agir des individus et des groupes, les cas des jeunes qui voulaient être des chouhada ou des moudjahidine dans les années 1990. Ce décalage est maintenu volontairement par l’Etat pour des raisons purement politiques et électorales. Rares sont les militants de la nouvelle génération dans les partis politiques qui se considèrent comme protecteurs de la Révolution. Donc, un intérêt commun existe ente les moudjahidine et le Front de libération nationale depuis 1962. Malheureusement, 63 ans après l’indépendance, on parle toujours de légitimité historique et cela démontre que nous regardons trop vers le passé. Ce dernier n’est pas forcément le vrai passé. Les nations qui avancent sont celles qui regardent vers le passé, mais l’avenir domine leurs façons d’agir. La légitimité historique a produit une terrible médiocrité dans la gestion des affaires de l’Etat. Les moudjahidine qui ont répondu au devoir de la Révolution sont dépassés par les faits, vu le changement des circonstances et l’évolution des manières de lutter. Un simple dossier administratif est toujours soumis à des pièces relevant de cette question, bien que la nouvelle génération ne pouvait pas participer à la guerre d’Algérie vu l’âge qu’elle avait à cette époque. Cette administration ne rassemble pas la population et ne travaille pas pour un consensus national. Cette légitimité historique est administrativement prolongée par l’Etat. Les enfants des moudjahidine sont orientés pour des fins électoralistes malgré l’opposition de la société civile. Le silence suspect de la majorité de ceux qui ont étudié l’histoire de notre pays et la transformation des départements d’histoire en des bureaux politiques avec l’arabisation idéologique, ont rendu notre passé révolutionnaire écrit en langue française inaccessible pour la nouvelle génération. Donc, cette légitimité historique est institutionnalisée depuis l’aliénation de ces départements, qui sont devenus des appareils idéologiques guidés par les autorités. Par ailleurs, je tiens à signaler qu’il est contradictoire de constater l’augmentation du nombre des moudjahidine d’un côté et la non-exploitation des archives de la Révolution de l’autre. La manipulation politique répond bien à la volonté à la promotion sociale des faux moudjahidine. Une exploitation objective des archives de la Révolution ne peut pas faire face uniquement à l’augmentation de ce nombre. Elle peut même le réduire, à condition que cette exploitation soit confiée aux scientifiques et experts du domaine. Quand bien même on appliquerait un filtre pour dissocier les vrais moudjahidine des faux, cela causera des dommages collatéraux difficiles à assumer pour la société et l’Etat. Ce dernier compte beaucoup sur le facteur «temps» pour surmonter ce phénomène. En attendant, le système politique profite bien de cette catégorie au détriment de la vérité et du droit de la population à la conciliation avec son histoire. Le filtre le plus attendu pour traiter de cette question est l’ouverture des archives nationales et le rapatriement de nos archives des pays étrangers, notamment la France. Bien que cette opération va coûter très cher à l’Algérie, elle soulagera beaucoup de maux et débloquera beaucoup de tabous, elle remettra en cause la gestion de l’Etat depuis l’indépendance. Par ailleurs, il faut savoir que la complication du dossier des faux moudjahidine ne réside pas seulement dans leurs fausses déclarations, mais dans la complicité des autres faux moudjahidine et la manière dont le ministère gère le dossier, qui est devenu au cours du temps un sujet tabou, car dans le cas contraire, beaucoup de dossiers vont être rejetés. La Révolution n’a pas encore dévoilé tous ses secrets.
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