Le ministre des Finances s’est présenté hier devant les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN) pour défendre le texte de la loi de finances complémentaire. Abderrahmane Raouia défend la feuille de route du gouvernement en affirmant que la LFC vise à «protéger la production nationale d’une concurrence étrangère de plus en plus rude car bénéficiant de beaucoup d’avantages douaniers et fiscaux». C’est dans ce sens, dit-il, que l’article 2 de ladite loi prévoit une taxe supplémentaire provisoire applicable sur les produits importés en lieu et place d’une interdiction complète à l’importation. Cette taxe devant osciller entre 30% et 200%, selon les produits, est, selon Abderrahmane Raouia, tout à fait conforme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce qui autorise un pays à prendre toute mesure exceptionnelle jugée nécessaire à la protection de son économie face à un flux important de produits importés. «Les filières de la production nationale souffrent de la concurrence directe des importations massives. La production nationale est menacée dans son existence même», indique Raouia. Outre cette mesure, le ministre a aussi encensé l’introduction dans l’article 18 de la LFC d’une disposition autorisant le Conseil national de l’investissement à octroyer, pendant 5 ans, le droit d’exonération ou de baisse des redevances, taxes et impôts, à l’exception de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée aux industries naissantes. Dans le même ordre d’idées, le ministre des Finances réaffirme l’annulation de l’exonération de la TVA sur les produits destinés à la vente qu’il juge «préjudiciable à la trésorerie des entreprises». Il annule également l’exonération de la TVA pour la commercialisation des véhicules fabriqués localement. «L’objectif de l’exonération était d’arriver à instaurer des prix concurrentiels de ces véhicules par rapport à ceux importés», dit-il. Autre mesure prévue par la loi proposée au débat au niveau de l’APN, la hausse de 1,5% de la taxe sur l’activité des distributeurs de cartes de recharge téléphonique et l’obligation faite à l’Autorité de régulation des postes et télécommunications de présenter annuellement le chiffre d’affaires réalisé par ces mêmes distributeurs. «L’objectif de cette mesure est d’inciter les opérateurs de téléphonie mobile à investir dans la distribution via le paiement électronique», justifie-t-on. Le débat qui a suivi la présentation de la LFC a été marqué par une critique de tous bords politiques de la suppression de l’exonération de la TVA, notamment sur les véhicules montés localement. Des députés de la majorité ont même fait partie des contestataires de cette disposition, qualifiée de taxe-sanction pour les citoyens. Le pouvoir d’achat des citoyens épuisé par les taxes «Comment peut-on annuler l’impôt sur la fortune et imposer des taxes pour les petites bourses ? Un gouvernement est censé rendre meilleures les conditions de vie des plus faibles et non pas leur imposer de nouvelles taxes», proteste Hakim Benni, du RND. Un autre député du même parti, Mustapha Naceri, rejoint son prédécesseur en disant souhaiter que l’article sur le maintien de la TVA pour les véhicules montés soit revu. «Si réellement la production nationale couvrait les besoins du marché, pourquoi constate-t-on une rareté de l’offre de véhicules ? Il est utile de suivre l’appel des citoyens pour réduire les prix des véhicules produits localement.» Et à un autre membre du même parti, Mohamed Guichi, de défendre Ouyahia en affirmant que le gouvernement ne fait qu’appliquer le programme du président de la République. Lakhdar Ben Khellaf, d’El Adala Watanmiya, estime que la LFC est un aveu d’échec du gouvernement n’ayant pu trouver comme solution à la crise que de détériorer encore le pouvoir d’achat des citoyens. «Le programme du Président est bien élastique, on impose des mesures et on les enlève avec la même célérité. Ce que l’on constate concernant la mesure sur la TVA, c’est qu’il s’agit d’un nouveau moyen de fuite de capitaux qui arrange bien les ‘‘souffleurs de pneus’’», dira ce député en visant les entreprises impliquées dans le montage automobile. Le Parti des travailleurs et par la voix du chef de son groupe parlementaire, Djelloul Djoudi, estime que le gouvernement opte pour la solution de facilité au lieu d’aller puiser dans la niche des crédits non remboursés ou les impôts non recouvrés. Les interventions des députés du FLN étaient partagées entre soutiens et adversaires de la nouvelle taxe. Souad Lakhdari estime que le citoyen se doit aussi de supporter des charges pour aider l’économie nationale, alors que Slimane Saadoui considère que la TVA imposée sur les véhicules est un enfer pour les consommateurs. «Un gouvernement se doit de servir les citoyens et non les monteurs de voitures», dit-il. Le FFS, quant à lui, rejette tout le texte de la LFC et met au défi les députés de la majorité d’aller jusqu’au bout de leur position et de voter contre cette loi. «Au lieu de créer de la richesse, les concepteurs de cette loi optent pour des solutions de lâcheté. Qu’on dise aux constructeurs de rembourser les 5000 milliards de dinars de TVA non facturés depuis 2015. Ces taxes qu’on impose aux citoyens n’auront pour effet que de dégrader encore et encore leur pouvoir d’achat. Concernant l’article 2 et les taxes de 30% et 200% imposées aux produits importés, on va finir par créer deux collèges de consommateurs. De plus, ce sont des taxes provisoires. Sommes-nous donc en mesure d’avoir des lois claires et durables, avons-nous encore toute la souveraineté sur nos décisions ou bien nous sont-elles imposées par l’OMC ?» demande le député Djamel Baloul du FFS. Ce dernier critique aussi l’autorisation donnée au Conseil de l’investissement d’octroyer des exonérations d’impôts et taxes aux investisseurs. «C’est une mesure anticonstitutionnelle, c’est une prérogative du Parlement que le gouvernement veut offrir à une entité qui n’en n’a pas le droit», dit-il, en fustigeant le recours aussi à des comptes spéciaux échappant à tout contrôle. «Le FFS rejette dans la forme et le fond ce texte qui est contre les citoyens», dit-il.
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