Les députés ont débattu, hier, du projet de loi organique relatif à l’Académie algérienne de la langue amazighe, présenté par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar. Si le RCD demande le retrait du texte pour son enrichissement, le FFS le qualifie d’un pas important, mais pas suffisant. Les députés de cette formation appellent à soustraire tamazight à tout extrémisme, qu’il soit islamiste ou séparatiste. A ce sujet, nombreux étaient les députés qui ont dénoncé le dérapage de Ferhat Mehenni, sans le nommer, concernant la constitution d’un «corps de contrainte» en Kabylie. Ils ont même appelé le parquet à s’autosaisir et à poursuivre ces personnes pour «leur crime commis contre le pays». Les partis de la majorité parlementaire affirment que ce projet vient à point clore le débat sur tamazight et l’extraire de toute surenchère politique, alors que les partis de la mouvance islamiste, notamment le FJD, tentent de continuer d’imposer leur avis sur la question en réfutant l’idée de la transcription de la langue tamazight en caractère latin, insistant sur sa transcription en caractère arabe. Atmane Mazouz du RCD pense que dans la forme, la création de cette académie est une avancée pour des millions d’Algériens qui verront enfin leur langue dotée d’une institution académique. Seulement, dans les faits, selon ce député, ce projet est truffé de contradictions et constitue une véritable arnaque visant à bloquer toute avancée pour la langue. Pour lui, le gouvernement tente de fuir ses responsabilités dans la promotion de la langue amazighe. «Pour que tamazight ait les chances de son développement, il faut que l’esprit de la Constitution consacrant tamazight comme langue officielle soit traduit dans la réalité en consacrant dans la loi organique sa promotion et son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national. On est réellement dans l’usurpation de la Constitution», observe le député du RCD. Une dimension nationale à la langue amazighe D’après les députés RCD, ce texte n’est pas le mieux adapté pour une académie, car il ne lui accorde pas le rang d’autorité scientifique de référence. «Si nous insistons sur le développement de la langue, c’est parce que le texte n’a nullement évoqué la dotation en moyens et les missions pour faire de tamazight une langue des institutions. Comment accepter que des Algériens soient interdits de s’exprimer en tamazight dans la justice ? Comment tolérer que son enseignement ne soit pas généralisé ?» s’est interrogé Mazouz. Hadj Arab, du même parti, plaide pour une académie complètement indépendante : «Je crains que l’administration ne freine le travail de cet organisme d’essence scientifique. Cette académie doit être autonome, il faut même penser à élire ses membres et non à les désigner.» L’Académie de la langue amazighe est rattachée à la présidence de la République et doit présenter annuellement un rapport au chef de l’Etat. Les élus du FFS partagent l’avis de ceux du RCD. Djamel Bahloul, député FFS, explique la nécessité de la mise en œuvre d’une loi organique pour l’officialisation de la langue amazighe. «Actuellement, il y a une ambiguïté. Il faut rectifier d’abord le préambule de la Constitution pour redonner à la langue amazighe sa dimension nationale et une constante nationale», relève le député, insistant sur le renforcement de tamazight pour qu’aucune révision de la Constitution ne puisse toucher. Fermer la porte devant les aventuriers et les diables Ce projet est certes, pour le FFS, un pas important mais demeure insuffisant. «Aujourd’hui, il y a des extrémistes de tous bords qui s’attaquent à tamazight. Il faut soustraire tamazight à tout extrémisme, qu’il soit islamiste ou séparatiste», note Bahloul. Djelloul Djoudi, député du PT, a prévenu contre tout «retour en arrière» ou «hésitation» qui ouvriraient la porte «aux aventuriers et aux diables» pour semer la fitna, le doute, la division et provoquer la désintégration des principes de l’unité du peuple et de la nation. «Toute disposition positive va faire avorter toute pression qui pourrait être exercée contre notre pays pour toucher à son unité et l’unité du peuple. La carte de la protection des minorités a souvent été utilisée pour les interventions étrangères», tranche Djoudi. La volonté politique, d’après ce député, doit se traduire en moyens et propose la création d’un ministère délègue au développement et la généralisation de tamazight. Lakhdar Benkhalef du FJD fustige Ferhat Mehenni dont l’unique objectif est de «satisfaire les lobbies sionistes» et «l’ennemi d’hier qui n’a pas encore admis son départ d’Algérie». Pour Nacer Hamdadouche, chef du groupe parlementaire du MSP, le texte est «un pas» dans le «sens de la réconciliation avec l’identité et la mémoire». Selon lui, il permettra de faire face à «toute partie, notamment parmi les séparatistes qui tenteraient de porter atteinte à l’unité nationale».
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