jeudi 21 juin 2018

Le montant des tirages risque de grimper

Bilan contrasté pour le dispositif de financement non conventionnel, mis en œuvre depuis six mois afin de répondre aux besoins de financement, de couvrir les déficits et la dette interne. Dans ses situations mensuelles publiées au Journal officiel, la Banque d’Algérie a levé le voile sur des quantités d’argent dépassant les projections initialement établies. La valeur des tirages effectués par la plus haute autorité monétaire par le moyen de la planche à billets a été estimée à 3585 milliards de dinars à fin mars 2018, alors que les besoins de départ se chiffraient à 570 milliards de dinars pour 2017, à 1815 milliards de dinars pour 2018 et à 580 milliards de dinars pour 2019. Ces données donnent un avant-goût de ce que sera la conséquence du financement monétaire si le gouvernement venait à lever le pied sur le champignon. Au vu des besoins de financement exprimés, en partie, dans le projet de loi de finances complémentaire 2018, il y a un risque que la planche à billets vrombisse davantage pour atteindre des niveaux qui seraient pour le moins problématique. Le PLFC-2018 inscrit au chapitre des dépenses une rallonge budgétaire de 500 milliards de dinars destinés à financer certains projets d’investissement gelés, notamment dans le secteur du phosphate, des projets relatifs au transport ferroviaire et à l’infrastructure portuaire du Centre. Il est clair que cet argent passera d’abord par les caisses du FNI (Fonds national d’investissement) avant qu’il soit canalisé vers les comptes des maîtres d’ouvrages. Et c’est ce qui est prévu dans l’amendement proposé à la loi sur la monnaie et le crédit, laquelle modification avait donné naissance, faut-il le rappeler, à l’avènement du financement dit non conventionnel. La mise en place de ce dispositif répond à trois objectifs : soutenir les besoins du FNI en financement, couvrir les déficits et la dette interne. Le second objectif correspond aux mobilisations monétaires nécessaires à même de substituer au FRR (Fonds de régulation des recettes) et autres caisses qui aidaient jusqu’ici à couvrir les opérations financières réalisées par l’Etat pour soutenir ses entreprises. Les situations comptables liées à la dette interne font craindre des tirages de monnaie beaucoup plus conséquents. La dette interne évolue sur une courbe ascendante depuis 2015. L’objectif de l’Exécutif est de stabiliser progressivement la dette autour de 30% du produit intérieur brut, ce qui serait un niveau soutenable, en attendant que les réformes puissent donner les effets souhaités sur le budget. Dit autrement, les multiples interventions de l’Etat, tantôt pour renflouer les caisses des banques publiques, tantôt pour racheter des dettes garanties et apporter son appui financier aux entreprises publiques afin de combler l’écart entre les prix du marché et les prix administrés, risque de faire croître davantage les tirages de monnaie. La dette interne du pays, constituée essentiellement de titres du Trésor et de dettes restructurées d’entreprises publiques, s’élevait à 3407 milliards de dinars à fin 2016 (soit l’équivalent de 19,9% du PIB). C’est dire qu’en plus des besoins de financement exprimés dans le projet de LFC-2018, la couverture de la dette interne nécessiterait des tirages beaucoup plus importants que ce qui avait été initialement annoncé. Abderrahmane Benkhalfa, ex-ministre des Finances, estime que le niveau soutenable du financement monétaire serait de 40% du PIB. C’est-à-dire que les quantités imprimées ne doivent pas excéder 40% du PIB à même d’éviter les conséquences néfastes de la planche à billets. Ce financement monétaire doit être, par-dessus tout, «sain», selon l’expert, plaidant ainsi pour que les activités financées puissent garantir «un retour sur investissement», voire «une capacité de remboursement». «Il faut que le coût de l’endettement soit supportable, sa gestion des plus rigoureuses, comme s’il s’agissait d’un endettement extérieur», souligne M. Benkhalfa. En tout cas, si les montants de la monnaie créée venaient à grimper davantage pour répondre aux besoins de financement et de couverture de la dette, l’effort de stérilisation des quantités injectées risque de s’avérer sans effet.  

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