mardi 22 septembre 2015

Les raccourcis culpabilisateurs de l’Exécutif

Le gouvernement, qui s’est contenté depuis de longues années de distribuer la rente pour maintenir la paix sociale, semble découvrir aujourd’hui que les Algériens ne travaillent pas suffisamment. Mettre un terme à des années d’assistanat ! C’est le chantier titanesque auquel veut, semble-t-il, s’attaquer le gouvernement. Baisse des recettes pétrolières oblige, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, invite les Algériens à changer «leur mentalité et leur regard sur le travail». S’exprimant, dimanche dernier à l’ouverture d’une rencontre organisée par le CNES sous le thème «Défi de la résilience à l’exigence de l’émergence de l’économie algérienne», il affirme qu’ «il y a une différence entre partir au travail et aller travailler». Les Algériens doivent retrouver, selon lui, la vraie valeur du travail pour contribuer à «l’effort national» visant à atténuer les effets de la crise financière actuelle. Est-il facile de réhabiliter la valeur du travail en Algérie ? Quelle sera la recette du gouvernement ? La solution magique n’existe certainement pas. Et ce n’est pas une sinécure. Et pour cause, les tenants du pouvoir ont réussi, en l’espace de quelques années, à créer une société d’assistés, où les gens, attirés par le gain facile, fuient le travail et abandonnent les métiers. Surtout depuis les émeutes de janvier 2011. Craignant l’arrivée des effets du Printemps arabe en Algérie, le chef de l’Etat et ceux qui l’entourent se sont précipités à annoncer des mesures socioéconomiques destinées aux jeunes chômeurs ; des facilités pour l’obtention de crédits dans le cadres des dispositifs Ansej, CNAC et Angem, ainsi que des recrutements massifs de jeunes dans des postes d’emploi «fictifs». Suite à cette décision, des centaines de jeunes se sont rués vers les agences Ansej pour obtenir des milliards de dinars qui leur ont permis beaucoup plus à mener une vie de riches qu’à créer des entreprises viables. Certains d’entre eux ont, comme par miracle, la possibilité inespérée de rouler carrosse, sans pour autant trimer. En contrepartie de cette «générosité», les tenants du pouvoir ont gagné la paix sociale qui leur a même permis de valider tous leurs projets politiques, y compris un quatrième mandat pour un Président impotent. Croyant que les prix du pétrole ne baisseraient jamais et que cette ressource est éternelle, les responsables du régime défendent même ostentatoirement cette distribution de l’argent public. D’ailleurs, le même Abdelmalek Sellal qui appelle aujourd’hui à «travailler plus», défendait, durant la campagne électorale pour la présidentielle de 2014, l’octroi de crédits aux jeunes, même s’ils en font un usage autre que la création d’entreprises. Bien sûr, son objectif était de convaincre les jeunes à voter pour le candidat dont il était le représentant, mais sa déclaration laisse des traces. Elle est perçue comme un encouragement à la paresse des jeunes désœuvrés et une dévalorisation du travail pour les gens qui triment dans les chantiers et les champs. De plus, l’émergence, ces dernières années, de nouveaux riches ayant acquis leurs biens d’une manière douteuse a accentué la dévalorisation du travail. Voyant, autour d’eux, des individus qui sont devenus richissimes du jour au lendemain, des milliers de fonctionnaires sont découragés. Et en guise de protestation contre cette injustice, ils se mettent à tricher dans l’exécution de leurs tâches. C’est ce même état d’esprit qui a conduit, à la fin des années 1980, à la destruction des entreprises publiques. Le même scénario se reproduit aujourd’hui. Il sera donc difficile de remettre l’Algérie au travail…  

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