C’est à un exercice de gestion sous contrainte que le gouvernement algérien, qui avait longtemps refusé d’admettre la réalité d’une crise pourtant inéluctable, est depuis quelques semaines forcé de se soumettre. Ce ne sera, à l’évidence, pas une tâche facile tant nos gouvernants — assurés, quinze années durant, de la disponibilité de recettes pétrolières prodigieuses — se sont habitués à dépenser sans compter. Même si quelques membres du gouvernement persistent à croire que les cours du pétrole vont prochainement repartir à la hausse en raison de la baisse des stocks d’hydrocarbures que ne manquera pas d’engendrer la fermeture de nombreux puits non rentables à travers le monde, ils ne sauraient feindre — sans risque de se le voir énergiquement reproché par la population — l’avènement d’une grave crise financière qui s’installe progressivement avec le risque de perturber, à terme, la quiétude économique et sociale des Algériens. Même si beaucoup d’entre eux en rêvent encore, un retournement plus favorable de la conjoncture pétrolière semble définitivement écarté par nos gouvernants au profit d’une nécessaire préparation à la gestion sous contrainte, voire même à une certaine austérité. A travers le projet de loi de finances pour l’année 2016 qu’un Conseil interministériel vient d’endosser, le ton de cette gestion budgétaire sous contrainte est largement donné, même si l’on refuse encore de parler d’austérité, comme pour exorciser le pays d’un éventuel syndrome grec. Au regard des anticipations budgétaires présentées par chacun des responsables de départements ministériels, on note une extrême prudence quant à la mobilisation de recettes disponibles. «Seuls les chantiers déjà lancés seront éligibles au financement, ceux qui ne le sont pas étant contraints d’attendre autant que nécessaire d’hypothétiques jours meilleurs» semble être la devise d’un gouvernement contraint d’abandonner son habit de cigale au profit de celui de la fourmi. Dépenser parcimonieusement et au gré de l’argent disponible est désormais de rigueur. Il s’agit de passer d’une gestion laxiste et exagérément prodigue des années fastes à une gestion sous contrainte, dont l’objectif est d’éviter le pire à un pays qui risque de s’appauvrir considérablement faute de recettes pétrolières. Le niveau des recettes budgétaires ayant toujours été tributaire des produits de la fiscalité malheureusement en déclin, il faudra désormais faire avec ce qui est disponible en évitant, autant que possible, de susciter des remous au sein d’un système politique et d’une société habitués à vivre au dessus de leurs moyens. Il ne pourrait y avoir, durant tout ce cycle de baisse des recettes fiscales, d’autre voie que celle de l’austérité, à moins d’une fuite en avant vers l’épuisement des réserves de change et l’accroissement démesuré de l’endettement extérieur. L’austérité devrait toutefois épargner l’investissement productif et la formation qualifiante que l’Etat serait bien avisé de soutenir, en usant notamment des ressources budgétaires encore disponibles et, chaque fois que possible, de avoirs privés. Ce sont surtout le train de vie de l’Etat, les surcoûts des chantiers, les transferts sociaux de complaisance, les détournements de fonds et les surfacturations liées aux importations que les pouvoirs publics devront s’atteler à éradiquer. A défaut, le déficit budgétaire déjà très important aujourd’hui (environ 50 milliards de dollars) sera si grand qu’il ne permettra plus à l’Etat de payer régulièrement sa pléthore de fonctionnaires et, encore moins, investir dans la réalisation de nouvelles infrastructures. Faute de plans de charge pour les entreprises et de revenus salariaux, la croissance économique serait alors ramenée à la portion congrue avec tout le cortège de chômeurs additionnels, de fermetures de chantiers et d’unités de production et, bien entendu, les graves dérapages politiques et sociaux qui en seraient induits. C’est une situation que l’Algérie a déjà vécue à la fin des années 1980 à la suite d’un effondrement des cours pétroliers qui l’avait surprise au moment où elle était déjà considérablement affaiblie par un surendettement extérieur. Ce n’est heureusement pas le cas aujourd’hui pour le pays, qui ne souffre pas d’endettement et qui, de surcroît, dispose encore d’un confortable matelas de devises lui permettant de tenir au minimum cinq années en conservant le train de vie actuel. Il ne reste à l’Etat qu’à tirer intelligemment profit de la manne financière encore disponible (147 milliards de dollars de réserves de change, les 30 milliards du Fonds de régulation des recettes, mais aussi et surtout, l’argent des opérateurs privés) pour amorcer le virage de l’après-pétrole en soutenant le plus vigoureusement possible la relance des secteurs pourvoyeurs de richesses et d’emplois que sont l’industrie, l’agriculture, le tourisme et la formation qualifiante.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire