lundi 9 novembre 2015

Les retombées désastreuses du 4e mandat

Jamais le pouvoir de Bouteflika n’a fait l’objet d’autant de polémiques sur fond de doutes, de soupçons, voire de remises en cause déchirantes. Il en est – jusqu’à ses plus proches soutiens, qui se recrutent même parmi ceux ayant occupé les postes durant presque tout son règne – qui ont fini non pas par susurrer quelques critiques, mais par faire des déclarations publiques des plus tonitruantes. Le 4e mandat, obtenu dans des conditions aussi critiques que conflictuelles, aura finalement débouché sur une aggravation de la crise politique qui plombe le pays. Au traditionnel fonctionnement opaque des appareils décisionnels se greffe un désordre dans le processus de prise de décisions stratégiques. Les attributs de la manifestation de la fonction présidentielle sont pratiquement inexistants. Il est évident que des acteurs et autres groupes informels évoluant à la périphérie du pouvoir s’en accommodent et travaillent dans l’ombre à garder, sinon à renforcer leurs positions dans la perspective de futures échéances. Fragilisé dès le départ, le 4e mandat de Bouteflika est-il en passe d’être subtilisé ? En tout cas, le sursaut d’indignation des personnalités nationales – dont certaines sont connues pour leur proximité avec le chef de l’Etat – doutant sérieusement du véritable détenteur du pouvoir, le suggère fortement. Les inquiétudes exprimées par le «groupe des 19» dans la lettre à Bouteflika confirment une réalité tangible. L’interpellation publique par ce groupe a aussitôt provoqué des réactions aussi virulentes qu’hystériques des «gardiens du temple». Signe d’une panique provoquée par l’élargissement des rangs de la contestation pendant que la base politique du pouvoir se rétrécit ? Les «réponses» de Saadani et d’Ouyahia à l’adresse des signataires de la lettre signifient-elles une obstination d’un pouvoir qui ne veut pas céder la moindre parcelle ? Probablement les deux à la fois. A l’évidence, les «répliques» de ces deux chefs de parti ne font pas l’unanimité au sein du pouvoir. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, dont l’influence politique se réduit de manière évidente, aurait réagi différemment à la lettre du «G19». En coulisses, d’autres ministres en exercice ne cachent plus leur «désarroi» et «partagent» même les préoccupations exprimées par les camarades de Abdelkader Guerroudj. D’autant que leur démarche a eu le soutien des nombreuses personnalités et autres responsables qui ont exercé sous l’autorité de Bouteflika. D’anciens ministres proches du chef de l’Etat, qui ont occupé dans un passé récent des ministères régaliens, partagent la démarche et l’analyse de la lettre du «G19». En tout cas ces derniers ne comptent pas attendre des mois la réponse du chef de l’Etat qui, probablement, ne viendra jamais. Pour le moment, ils ne révèlent pas leur plan B. Ils considèrent que les «réponses par procuration» confirment le doute et surtout que «ni Ouyahia ni Saadani ne sont habilités à parler au nom du Président», clame Zohra Drif-Bitat. Elle a immédiatement riposté et joliment rendu la pareille : «Je trouve scandaleux les propos tenus par le secrétaire général du FLN. Des propos qui veulent dire que l’Algérie est sous tutelle ! Sinon comment interpréter le fait de nous renvoyer au président français pour savoir si notre Président va bien ? C’est un scandale, d’autant plus que cela vient du responsable du FLN.» A l’adresse d’Ouyahia, l’ancienne héroïne de la Bataille d’Alger a eu également des mots durs comme il n’a pas l’habitude d’en entendre : «Ouyahia, qui s’autorise à dire que des personnages de la trempe de Guerroudj et Fettal, qui ont vécu les couloirs de la mort, et de moi-même que nous sommes manipulés est indigne. Indigne de quelqu’un qui se dit responsable politique. Notre lettre est adressée au Président, pas à lui.»

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