Il est des personnalités dont l’absence pèse énormément en cette période de guerre contre le politique. Abdelhamid Mehri fait partie de cette catégorie d’hommes politiques qui ont marqué du sceau de la rectitude et de l’éthique l’histoire d’une Algérie oublieuse de la vertu de l’écoute des sages. Le 30 janvier 2012 disparaissait l’ancien secrétaire général du Front de libération nationale, qui a écrit la plus glorieuse et courageuse page de l’histoire de ce parti. «La démocratie qui a besoin des chars pour se protéger est une démocratie malade», disait-il lorsque certains partis de la mouvance démocratique réclamaient l’aide de l’armée pour contrer le projet du FIS. Abdelhamid Mehri, qui a fait ses premiers pas dans la politique au sein du PPA/ MTLD et a été membre du CNRA et du GPRA, a fait preuve d’un courage et d’une lucidité sans faille en voulant donner au FLN du début des années 1990 la voix d’un parti soucieux de l’intérêt de la patrie et non d’une caste. Mehri ou la force tranquille avait gagné le pari de faire bouger les lignes dans un ancien parti unique sclérosé par son incarnation de l’image d’arrière-garde du pouvoir. Si le coup d’Etat scientifique dont il a été victime lui a valu sa place de chef de parti, l’histoire retiendra que l’honneur du FLN était sauf quand le nom de Mehri était à sa tête. «Il n’est pas de la mission du FLN d’offrir une base populaire, ni de servir de majorité parlementaire à un Président élu comme candidat indépendant aux élections», lançait-il aux membres du comité central du FLN après l’élection du général Liamine Zeroual, avant d’accuser l’administration, les services de sécurité et les médias de fraude et de partialité. En homme de conviction, partisan de la solution politique, Abdelhamid Mehri signe au nom du FLN le Contrat de Rome et, par la même, devient l’ennemi de la caste de décideurs qui ont juré d’écraser dans l’œuf l’œuvre d’autonomisation du FLN. Mehri, en homme politique lucide, menait une vraie révolution pacifique dans la maison FLN, mais s’est vu lâché par ces apparatchiks qui voyaient leurs petits intérêts menacés par la séparation organique du parti et du pouvoir. Mehri voulait en faire un parti politique autonome et respectueux des règles démocratiques, ils en ont fait une entreprise de gestion de carrières au service des clans. Sans le FLN, Abdelhamid Mehri a continué son chemin d’homme politique visionnaire, qui répondait présent au devoir de la réflexion pour sortir le pays de l’emprise des partisans du chaos. Il se voulait semeur d’espoir et c’est en cette qualité qu’il parapha, avec Hocine Aït Ahmed et Mouloud Hamrouche, des appels à la raisons à l’adresse de dirigeants bien trop occupés à gérer les termes de la survie de leur règne, daignant porter un regard d’intérêt au devenir de l’Algérie. Dans une dernière salve toujours pacifique et d’une grande portée et teneur politique, il rédigea, une année avant sa mort, une lettre ouverte au président de la République. Cette lettre datée de février 2011 reste bien actuelle et utile. «Les événements qui surviennent continuellement chez nous et qui adviennent autour de nous depuis des mois évoquent ceux que le pays a vécu en octobre 1988 et des faits graves qui en ont découlé, de crise et de drames dont le peuple continue encore à avaler certaines des plus amères potions... Cette marginalisation et cette exclusion nourrissent en permanence les ressentiments et la colère. Elles alimentent la conviction que tout ce qui est lié au régime ou émane de lui leur est étranger ou hostile. Quand s’ajoute à ce terreau de la colère le poids des difficultés économiques, qu’elles soient durables ou conjoncturelles, les conditions de l’explosion sont réunies», alertait-il, avant de rappeler les vertus du dialogue et la concertation pour sortir le pays de la zone de danger.
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