Vous avez opté pour le boycott des prochaines élections législatives. Quel est le paramètre qui a été décisif dans votre choix ? Est-ce le manque de transparence que vous avez mis en avant, ou la crainte de la participation dans le cas où les Algériens n’iraient pas voter ? Clairement, c’est à cause de l’absence de transparence et de garanties sérieuses pour la régularité du scrutin. Si le pouvoir avait de bonnes intentions, il aurait dû ouvrir une discussion à ce sujet avec l’ICSO et faire des concessions pour la mise en place d’une commission indépendante crédible. Au lieu de cela, il a contacté quelques partis de l’ICSO, à titre individuel, et leur a fait des offres pour entrer au gouvernement. M. Soltani, du MSP, l’a déclaré explicitement. Par l’entremise de M. Derbal, président d’une commission soi-disant neutre, le pouvoir a parrainé, par ailleurs, le regroupement d’un certain nombre de partis en leur offrant même la dispense des signatures requises pour les candidatures. C’est de l’aveu des intéressés eux-mêmes. Si ce n’est pas ici une hypocrisie politique et une entorse à la loi électorale, je me demande ce que c’est alors. Quant à la crainte d’une défection du corps électoral, c’est une évidence pour tout le monde. Les Algériens ne croient pas à l’honnêteté des scrutins. Le pouvoir a trop de fois menti sans sourciller, la main sur le Coran ! Ne pensez-vous pas que le boycott ne soit pas la meilleure option, dans un contexte de crise où les Algériens sont plutôt mobilisables autour de l’idée du changement ? Les Algériens ont hâte de vivre un vrai changement, sans violence ni menaces de la part du pouvoir. Pour cela, ils veulent avoir des partis politiques dignes de confiance et des programmes politiques clairs. Le désir de changement doit se concrétiser à travers un projet de société. En dehors des soubresauts violents, dont personne ne veut du reste, l’alternative devra venir d’un processus forcément lent. Jil Jadid travaille en ce sens. Lors de notre prochain congrès, notre projet de société sera discuté et adopté pour être présenté à l’opinion publique. Il est temps que les partis politiques s’organisent sur la base de courants d’idées. S’il y a un fort taux d’abstention lors des prochaines élections législatives, est-ce que vous le revendiquerez ? A Jil Jadid, comment appréhendez-vous le prochain rendez-vous électoral ? Revendiquer le taux d’abstention ? Non, ce serait une prétention mal placée. L’abstention provient d’une grande masse d’Algériens déconnectés de la vie citoyenne. Une autre partie voue à la classe politique en général et au pouvoir en particulier une défiance jamais démentie. Notre devoir en tant que parti politique, c’est de créer un nouveau rapport aux citoyens. Notre plus grand défi est de gagner, au moins partiellement, la confiance de l’élite du pays pour relancer un processus de démocratisation et de modernisation du pays. Pour cela, il faut être soi-même convaincu de ses choix et non pas céder au moindre appât proposé par le pouvoir. Vous avez demandé que le MSP ne fasse plus partie de l’Instance de concertation et de suivi de l’opposition (ICSO), est-ce que vous ne craignez pas que cela fasse exploser cette instance et même la CLTD ? Oui, j’ai demandé solennellement au MSP de se retirer de l’ICSO, parce que tout simplement il vient d’officialiser sa position de demandeur à intégrer le gouvernement. En réalité, c’est contre cette stratégie mise en place déjà depuis plusieurs mois par ce parti que Jil Jadid s’était insurgé en quittant la CLTD dès juin 2016. Je n’ai pas admis ce double jeu. D’un côté «il mange avec le loup et de l’autre, il pleure avec le berger» ! comme le dit si bien un proverbe national. Ce qui m’a heurté le plus, c’est de voir comment le MSP a voulu exploiter l’ICSO. Aujourd’hui même (hier, ndlr), sur sa page facebook, M. Makri a dit vouloir participer au gouvernement, au nom de «la transition démocratique». C’est une escroquerie politique inadmissible. Je rappelle que l’ICSO a été fondée dans le sillage de la plateforme de Zéralda. Celle-ci avait clairement dénoncé l’illégitimité du pouvoir, la vacance du poste du président de la République, les scrutins frelatés et les fausses institutions. Nous avions réclamé une commission électorale indépendante et une Constitution consensuelle. Qu’avons-nous eu en retour ? Rien ! Mais M. Makri veut de nouveau réintégrer le gouvernement de Bouteflika. N’est-ce pas là un changement de position stratégique ? En réalité, le pouvoir avait un plan : récupérer la symbolique de l’opposition et de Mazafran en faisant participer quelques partis au gouvernement. C’est pour cela que M. Makri n’arrête pas de parler de «gouvernement d’union nationale» et de la défense de «la transition démocratique». En cas d’échec, le plan B serait la dissolution de l’ICSO et la marginalisation des opposants. C’est à ce jeu que Jil Jadid a fait face. Malheureusement, nous nous sommes retrouvés seuls, à la CLTD, pour tenter d’éviter ce scénario.
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