mercredi 14 juin 2017

Des intellectuels se mobilisent : Mettre fin au «takfirisme»

Piqués au vif, les intellectuels algériens organisent la riposte. Les scènes montrant un Rachid Boudjedra humilié à cause notamment de ses croyances religieuses ne laissent pas indifférent. Après le rassemblement organisé devant le siège de l’Autorité de régulation de l’activité audiovisuelle, des intellectuels cherchent à sanctuariser la parole publique. Des écrivains et intellectuels lancent en effet l’idée de faire voter une loi interdisant le «takfir». C’est l’écrivain et ancien directeur de la Bibliothèque nationale qui porte l’idée. L’homme, qui s’est exprimé ces derniers jours dans les médias, veut en effet pousser les autorités à faire voter une loi qui interdit aux hommes de religion et aux imams autoproclamés de déclarer «impies» ceux qui ne partagent pas forcément leurs idées. Amine Zaoui, qui fait partie de rares intellectuels à partir en guerre contre les salafistes et ceux qui se permettent de distribuer des certificats ès foi, estime que «le monde musulman vit une anarchie religieuse qui permet à certains d’agresser d’autres au nom de la religion. Cela nécessite donc une loi qui protège les intellectuels», a déclaré l’écrivain, cité par le journal arabophone El Bilad. Zaoui affirme qu’il n’est pas seul dans cette initiative. Avant d’arriver à cette demande, les intellectuels sont partis d’un constat. Des avis religieux présentant à la vindicte populaire des intellectuels, artistes et autres hommes de culture sont légion. La dernière en date est celle qu’a due affronter l’écrivain Rachid Boudjedra à deux reprises.  Une première fois, l’auteur de L’Escargot entêté a été obligé de se justifier lorsqu’il avait affirmé, dans une émission diffusée sur Echorouk TV, qu’il était athée. Une «aveu» qui avait soulevé une levée de boucliers chez une partie des islamo-conservateurs. Un imam, qui s’autoproclame représentant d’un islam «authentique», avait accusé l’écrivain d’apostasie. C’est le même Hamadache qui avait demandé, en 2014, à ce que la peine de mort soit prononcée contre l’écrivain et journaliste Kamel Daoud. Pourtant, ce dernier n’avait fait qu’exprimer des positions par rapport à la pratique religieuse dans notre pays. La condamnation d’intellectuels et d’artistes par des imams autoproclamés ne date pas d’aujourd’hui. En 1989, l’imam égyptien El Ghazali, qui dirigeait alors la mosquée Emir Abdelkader de Constantine et prêcheur célèbre de la chaîne de Télévision publique algérienne, avait appelé les Algériens à refuser d’inhumer le célèbre écrivain Kateb Yacine dans un cimetière musulman. L’auteur de Nedjma est accusé d’athéisme, ce qu’il avait toujours assumé. La mobilisation populaire avait déjoué les desseins de l’imam égyptien. Mais l’avis fera date. En juin 1998, c’était au tour du leader du parti islamiste, Hamas, Mahfoud Nahnah, de déclarer que le chanteur Lounès Matoub ne devait pas être enterré dans un cimetière musulman, sous prétexte que ce dernier avait pris ses distances vis-à-vis de la religion et du fait religieux. Ironie de l’histoire, c’est un des disciples de cheikh Nahnah, le député de Jijel, Nacer Hamdadouche, qui s’oppose, aujourd’hui, à l’élaboration d’une loi interdisant le «takfir». Il explique, dans les colonnes du journal arabophone El Bilad, que cela «éloignerait les Algériens de leur religion». Pourtant, ce que demandent Amine Zaoui et ses camarades n’est pas tombé du ciel : la Constitution algérienne garantit la liberté du culte et de la conscience.  

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