mardi 6 juin 2017

Henri Maillot n’a pas de plaque commémorative

Affecté au 57e bataillon des tirailleurs de Miliana (Aïn Defla), Henri Maillot a détourné, le 4 avril 1956, un camion plein d’armes et de munitions. Henri Maillot, militant communiste mort au maquis en juin 1956, est absent de l’espace public. «Il n’y a ni lycée ni rue à son nom. Le nom Maillot deu CHU Debaghine (Bab El Oued) n’est qu’un homonyme. La famille du chahid regrette qu’aucune plaque ne commémore son combat. Sa mère a supplié qu’on donne le nom de son fils à une rue», s’indigne Merzak Chertouk. Intervenant lors de la conférence organisée, hier, par le Musée du moudjahid pour célébrer le 61e anniversaire de la mort du militant anticolonialiste, ce passionné d’histoire considère que des militants algériens d’origine européenne ont participé à la guerre de Libération nationale, mais ont souffert l’«ostracisme» des autorités de l’Algérie indépendante. Si certains ont bénéficié des égards des autorités, d’autres, plus nombreux, sont évacués du discours officiel. «Le plus connu de ces militants d’origine européenne est Maurice Audin qui a pu avoir sa place à Alger, puisque André Mandouze, qui était enseignant avec lui à la faculté centrale, a demandé à Ben Bella de baptiser un lieu au nom du défunt. L’année dernière, à Oran, la plaque portant le nom de Fernand Iveton a été enlevée. L’ONM l’a pris pour un gawri (un Européen). Il a fallu l’agitation des jeunes sur les réseaux sociaux pour réparer la grave erreur», poursuit Chertouk. L’ONM avait proposé de baptiser la villa Susini, de triste mémoire, du nom de l’enfant de l’ex-Salembier. «On ne peut pas lier le nom de Maillot à la torture. Il a été aussi proposé, contre toute pratique, de donner le nom de notre chahid à  un cimetière», s’indigne-t-il. L’utilisation par des organisateurs de la conférence du mot «ightiyal» (assassinat) au lieu de celui de chahid (martyr) a été aussi dénoncé par des intervenants. «Des harkis étaient musulmans. Le bachagha Boualem, un hadj, et le bachagha Bengana, qui a affamé des Algériens à Biskra, l’était aussi. Des militants communistes, comme Chebbah Mekki, pieux musulman, ont combattu le colonialisme. La révolution était multiculturelle et multiconfessionnelle. Sa force est d’avoir pu rassembler tous ses apports», indique-t-il. Dénonçant la persistance d’un «anticommunisme» primaire, Tahar El Hocine, moudjahid de la Wilaya 4, rappelle que l’Etat algérien a fini par reconnaître à raison la qualité de chahid au défunt militant communiste, en lui décernant une décoration en novembre 1986. «L’Etat aurait pu se rendre en compte de son erreur, s’il ne voulait pas lui donner ce qualificatif», s’offusque-t-il en réponse à la «précision» de Mohamed Kechoud, ancien ministre, qui signale que cette qualité doit être réservée aux seuls musulmans. Maquis rouge Affecté au 57e bataillon des tirailleurs de Miliana (Aïn Defla), Henri Maillot a détourné, le 4 avril 1956, un camion Ford à cabine rempli d’armes et de munitions. «Maillot, qui avait le grade d’aspirant, avait pour mission d’acheminer un stock d’armes de la caserne de Miliana, anciennement école d’enfants de troupe, vers la caserne d’Orléans à Alger (l’arsenal de la rue de Lyon, selon d’autres sources, ndlr). Dans le camion, avaient pris place un sous-officier et un chauffeur», indique C. Baghdadi, militant de la région du Zeccar et ancien élève au lycée de garçons de Miliana. Arrivé à la caserne à l’heure du déjeuner, le chef de convoi et ses accompagnateurs avaient trouvé les soldats occupés. L’idée de détourner le camion a alors effleuré l’aspirant. «Maillot a semé ses accompagnateurs en leur faisant croire qu’il allait visiter sa famille à Alger, ville dont il est originaire. Il a pris le chemin de la forêt de Baïnem, où il trouva des militants du parti communiste qui l’ont dirigé vers Duperré (Aïn Defla), appelé la petite Moscou, en raison de la forte présence des communistes. Sur place, Cheikh Mebarek, directeur d’une école, l’a dirigé au douar Annab. Là, face à la méfiance de la population, Maillot s’était astreint au jeûne», signale Baghdadi. Le détournement du camion (avril) a coïncidé avec des négociations entamées par des dirigeants de la Révolution (Abane Ramdane, Benyoucef Benkhedda) avec des dirigeants du Parti communiste algériens (PCA), Bachir Hadj Ali, Sadek Hadjerès, au sujet de l’approvisionnement des maquis en armes. Juin 1956. Maillot, qui s’est donné, selon El Hocine, le nom de maquis Sidi Abdelkader, se trouvait à El Karimia (Lamartine), douar situé au sud de Oued Fodda (Chlef). «Dans la région sévissait le bachagha Boualem, qui était caïd à ce moment-là. Ses affidés l’ont informé d’un mouvement de mulets utilisés pour l’acheminement des produits vers le maquis. Le bachagha informe le responsable de garnison de Lamartine. Une opération de ratissage sera alors déclenchée avec des responsables du secteur d’Orléansville (Chlef) (1re section de la 2e compagnie du 504e bataillon du Train)», indique Baghdadi. Composant le maquis rouge, le groupe de Maillot est décimé. Cinq sont morts : Maurice Laban, Henri Maillot, Belkacem Hanoun, Djillali Moussaoui et Abdelkader Zalmat. Trois en réchapperont : Hamid Gherab, Mustapha Saâdoune et Mohamed Boualem. Felix Colosi, moudjahid et compagnon d’Iveton se souvient avec émotion de son voisin de quartier, collègue responsable des ventes d’Alger-Républicain : «Il est formidable et courageux», se souvient Colosi. Né le 11 janvier 1928 à la rue Hoche (actuellement Zabana), Henri a habité au Clos Salembier, où il est enterré (cimetière chrétien Diar Saâda). Sa famille et les fidèles des combattants pour la Libération commémoreront sa disparition samedi prochain (10 juin).  

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