mardi 6 juin 2017

Il y a 50 ans la guerre des Six-jours : Le rêve palestinien amputé un demi-siècle après la «Nekssa»

Après la guerre des Six-Jours, l’entité sioniste annexait le Sinaï, le plateau du Golan, la Cisjordanie, la bande de Ghaza et, pour enfoncer le clou, Jérusalem-Est, faisant depuis main basse sur l’éternelle El Qods. 5 juin 1967 - 5 juin 2017 : un demi-siècle s’est écoulé depuis la «Nekssa», la tristement célèbre guerre des Six-Jours, cette guerre-éclair digne d’un «blitzkrieg», et qui avait rendu son verdict dès le 10 juin 1967, avec, à la clé, une cuisante défaite de la coalition égypto-syro-jordanienne face à l’armée israélienne. Dans la foulée, l’entité sioniste annexait le Sinaï, le plateau du Golan, la Cisjordanie, la bande de Ghaza et, pour enfoncer le clou, Jérusalem-Est, faisant depuis main basse sur l’éternelle El Qods. Ainsi, après le traumatisme de la «Nekba» en 1948, voilà que le séisme de 1967 et surtout «l’imaginaire» de la Nekssa établissaient un nouvel ordre politico-militaire au Moyen-Orient, un nouveau récit qui vante en boucle la suprématie d’Israël en plaignant l’impuissance des Etats arabes à remettre la Palestine sur la carte. Pour justifier l’agression, Israël parlait alors de «guerre préventive», invoquant des «menaces imminentes» de ses «voisins hostiles». Il y avait eu auparavant, rappelle-t-on, les guerres de 1948 et de 1956 après la nationalisation du Canal de Suez par Nasser. L’année 1965 voit la création de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Le 23 mai 1967, le raïs égyptien décide de fermer le détroit de Tiran devant les navires israéliens, leur refusant ainsi l’accès au golfe de Aqaba, sur la mer Rouge, qui leur permet d’accoster au port d’Eilat. Les bruits de bottes secouent le Sinaï où Gamal Abdel Nasser a dépêché des hommes et du matériel après avoir chassé les forces de l’ONU déployées dans la région depuis 1957. Un chant patriotique était repris en chœur dans les chaumières égyptiennes : «Le Détroit de Tiran/Est plein de poissons/Armés pour la bataille/Et sur les frontières/Veillent des lions soldats/Les affronter est un péril/Au-dessus d’eux des aigles/Qui planent et qui rôdent/Ils crachent un souffle mortel/Voici le jour de délivrance/ La fin est proche/ Allez, debout pour le combat !» (cité dans sa version égyptienne par le journal libanais Al Akhbar dans son édition d’hier). Les Pharaons cloués au sol Dès l’aube de ce lundi 5 juin 1967, stupeur : les aigles seront décimés. L’aviation nassérienne est clouée au sol par des raids surprises, et toute l’armée de l’air décapitée. Après le succès fulgurant de cette première offensive, les hommes de Moshe Dayan occupent le Sinaï jusqu’aux abords du Canal de Suez après avoir neutralisé les blindés égyptiens. L’armée israélienne attaque ensuite la Syrie et la Jordanie, les alliés de l’Egypte. La guerre se solde par plus de 20 000 morts parmi les forces coalisées arabes, plus de 5000 soldats faits prisonniers, plus de 450 avions détruits, tandis que côté israélien, on a dénombré environ 800 morts. Le territoire de l’entité sioniste passe de 21 000 à 102 000 km2 et un million d’arabes se retrouvent brusquement sous administration israélienne. «La guerre de juin 1967 a permis à Israël d’occuper en six jours des territoires équivalents à trois fois sa superficie (de 1948), dont le reste de la Palestine historique, la Cisjordanie et la bande de Ghaza», note l’intellectuel palestinien Azmi Bishara dans Al Araby Al Jadid (voir : http://ift.tt/2slsaZT). Et d’ajouter : «C’est d’ailleurs juin 1967 plutôt que mai 1948 (date de la création d’Israël) qui marque la véritable émergence de l’Etat hébreu. Celui-ci demeurait jusque-là un projet inachevé au regard du mouvement sioniste. En effet, c’est cette guerre qui a convaincu les “Juifs de la diaspora” qu’Israël était un projet viable. L’immigration juive s’est alors accélérée, les investissements extérieurs ont afflué. Les Etats-Unis ont commencé à établir une alliance stratégique avec cet Etat, car il faut se souvenir que Tsahal avait gagné la guerre de 1967 avec des armes françaises et non américaines. Les Mirages français vont à présent être remplacés par les chasseurs Phantom américains.» Ali Haider, du journal Al Akhbar, relève que «jusqu’à la guerre de 1967, la continuité de l’existence d’Israël pour toutes les parties, tant au niveau international que régional, y compris les Israéliens eux-mêmes, était l’objet de doutes et de questionnements. En conséquence de quoi la hantise de l’existence d’Israël dominait chez les décideurs politiques et sécuritaires à Tel-Aviv». Cela s’est traduit au niveau de la doctrine militaire, justement, par la stratégie des «guerres préventives», les «attaques-éclair» et le «transfert de la bataille sur le terrain de l’ennemi». Ali Haider ajoute que «David Ben Gourion insistait sur la nécessité d’infliger des défaites aux Etats arabes pour les amener à admettre l’existence d’Israël», et ce, «jusqu’à ce qu’ils désespèrent de pouvoir triompher de lui». Et il y a eu la guerre de 1967 et la déconfiture que l’on sait. L’ONU y va de sa petite résolution, la fameuse «242», restée évidemment lettre morte. Pis encore : les colonies n’ont fait que métastaser avec l’appui des gouvernements israéliens successifs, et rien ne semble pourvoir stopper la frénésie des kibboutz, hormis, peut-être, une super-Intifadha. Boumediène monte au front Dans le film documentaire, Alger, la Mecque des révolutionnaires, de Mohamed Ben Slama, qui a été diffusé dernièrement sur Arte, une séquence donne à voir les manifestations populaires spectaculaires qui avaient ébranlé Alger en solidarité avec la Palestine, au plus fort de la guerre de 1967, et le saccage du centre culturel américain à Alger (rue Abane) dans le feu des manifs. «De toutes les nations musulmanes, c’est l’Algérie qui manifestera le plus nettement sa solidarité avec les pays arabes engagés dans le conflit. Anglais, Américains et Israéliens sont associés dans le même ressentiment et le mobilier du centre culturel américain subira les effets de la colère des manifestants. Le président Boumediène avait envoyé dans les plus brefs délais des renforts au Caire, mais la fin des hostilités ne leur a pas permis d’être engagés», indique une archive de l’INA (Institut national de l’audiovisuel français) à propos d’un document filmé relatif à la guerre de 1967. Selon un magazine réalisé par le ministère des Affaires étrangères et dédié au Cinquantenaire de la diplomatie algérienne, un chapitre entier est consacré à l’«engagement des forces algériennes aux guerres de 1967 et 1973». Les effectifs mobilisés y sont détaillés en ces termes : «Pendant la période allant de 1967 à 1973, l’Algérie a mobilisé d’importants moyens matériels et humains. Plusieurs brigades se sont succédé, la première sous le commandement du capitaine Abderrezak Bouhara, suivie de celles commandées par les capitaines Abdelkader Abdellioui, Khaled Nezzar et Mohamed Allahoum, outre l’envoi d’une délégation d’officiers et de sous-officiers et de 14 000 HDT (hommes de troupe)». Le document précise que «les forces algériennes ont subi d’importantes pertes humaines. Pas moins de 117 militaires algériens sont tombés au champ d’honneur, a témoigné le général Khaled Nezzar dans son livre Sur le front égyptien. La deuxième brigade portée algérienne.1968-1969. L’Algérie, rappelle l’auteur, a cédé à l’armée égyptienne une partie considérable de son arsenal militaire mobilisé sur le front égyptien, dont des avions de combat, des chars, des blindés et des véhicules tout-terrain. Le président Houari Boumediène avait également remis un chèque en blanc à la République arabe d’Egypte. La même source indique que «les frais, tout au long de la présence des forces algériennes en Egypte, étaient à la charge pleine et entière de l’Algérie». Mahmoud Darwiche : «Nous nous infligerons nous-mêmes la défaite» Il tombe sous le sens que la guerre de 1967 a durablement marqué la configuration géopolitique du conflit au Proche-Orient, avec des retombées à l’échelle mondiale. Certains observateurs vont jusqu’à soutenir que le règlement de la question palestinienne est la clé de voûte de la paix dans le monde. Il y a fort à parier que ce n’est surtout pas sous Trump que le rêve palestinien sera accompli… Ce cinquantenaire de la «Nekssa» n’est évidemment pas passé inaperçu en Palestine. Plusieurs pages sont consacrées à l’événement sur Facebook pour témoigner, notamment, des horreurs de la colonisation israélienne. Une campagne a été lancée, en outre, sur les réseaux sociaux, à cette même occasion, par des militants de la cause palestinienne sous le hashtag «#al ihtilal_houa» («la colonisation, c’est… »). Le but de cette campagne, explique-t-on, est de recueillir les témoignages et l’expérience personnelle des Palestiniens confrontés au fait colonial israélien. De son côté, le porte-parole de l’Autorité palestinienne, Nabil Abou Radinah, a déclaré, lors de la commémoration de ce cinquantenaire de la Nekssa, que «l’établissement d’un Etat palestinien avec Jerusalem-Est comme capitale est la véritable garantie pour la sécurité et la stabilité dans la région», rapporte l’agence de presse palestinienne Wafa. Abou Radinah estime qu’il est absolument vital de préserver «l’unité du discours politique afin de préserver l’existence palestinienne». Une déclaration qui tranche forcément avec l’autre événement d’hier dans le calendrier arabe : le méga-clash au cœur de l’arrogant Conseil de coopération du Golfe (CIG) avec cette tonitruante rupture des relations diplomatiques entre Riyad et Doha, l’Arabie Saoudite étant suivie dans cette guerre diplomatique par les Emirats, le Bahreïn et l’Egypte. Un schisme profond qui n’augure rien de bon au chapitre d’«al wihda al arabiya». Dans un élan ironico-onirique, un facebooker annonçait hier matin une offensive militaire fictive menée par une coalition saoudo-egypto-bahréno-émiratie contre des objectifs israéliens. Pour notre part, nous méditons ces mots de Mahmoud Darwiche tirés d’un poème qu’il avait écrit lors du quarantième anniversaire de la Nekssa, en juin 2007, soit un an avant sa mort. Il disait : «Si Mohamed n’était le sceau des Prophètes, chaque clan aurait eu un prophète, et chaque apôtre une milice/ Juin nous plaît dans son quarantième souvenir : si nous ne trouvons personne pour nous battre de nouveau, nous nous infligerons nous-mêmes la défaite pour ne pas oublier.» 

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