samedi 17 juin 2017

«Le plan du gouvernement manque de clarté»

- La rationalisation budgétaire, la promotion des financements internes non conventionnels et la préservation de la souveraineté économique du pays en évitant le recours à l’endettement extérieur et en contenant davantage le volume des importations afin de sauvegarder les réserves de change. Est-ce que tout cela est du domaine du possible pour redresser l’économie nationale ? Rationaliser un budget, dans tout ce que cela comporte d’allocations pertinentes et ciblées pour créer de la richesse, fait partie du b.a.-ba de la gestion des finances de l’Etat. Ce n’est pas un défi, c’est une obligation. Quant à «la promotion de financements internes non conventionnels», cela revient à dire que le président de la République autorise la Banque centrale à émettre du papier monétaire, à faire ce qu’on appelle du Quantitative Easing ou assouplissement quantitatif, pour possiblement pallier à la crise de liquidités engendrée par la chute des prix du baril de pétrole, et financer les déficits budgétaires. Ce procédé classique a des impacts incertains et n’est pas sans risque. D’une part, il est planifié pour une période de transition sur la durée de laquelle le communiqué présidentiel reste ambigu. Et pour cause, partout où cela a été appliqué, ce procédé a été renouvelé de période en période, et ce, des années durant. Et en la matière, rien n’est plus pernicieux et dévastateur que de telles ambiguïtés alors que l’Algérie perd un à un l’ensemble de ses leviers financiers, économiques, voire politiques. D’autre part, et pour faire simple, une circulation abondante de monnaie par ce truchement non conventionnel se fait au détriment des prix, ce qui implique une hausse de l’inflation et, sans rattrapage salarial, une perte du pouvoir d’achat pour les plus démunis. Cette fois-ci, le gouvernement ne sera plus en mesure d’acheter la paix sociale et un effet boomerang violent, de toutes les frustrations accumulées, est à craindre pour la stabilité du pays. Comme je l’ai souvent dit et écrit, la chute du prix du baril aurait pu être l’opportunité d’une véritable remise en question du paradigme de la gouvernance en général et économique en particulier telle qu’elle a été pratiquée depuis 15 ans. Au lieu de cela, nous avons persisté à vivre sous le syndrome de Dunning-Kruger, qui voit les blagues sans substance se substituer à la compétence, et l’arrogance à l’intelligence. - Cette démarche devra permettre, selon le communiqué du Conseil des ministres, une visibilité de la politique budgétaire à moyen terme et un équilibre du budget de l`Etat pour pouvoir entamer, dès 2020, la mise en œuvre de mesures concrètes de diversification de l`économique. Est-ce que cela est possible en l’état actuel des choses ? Si je comprends bien, il faut 4 ans pour assurer seulement le «décollage de cette nouvelle politique de croissance» ? Il faut attendre 2020 pour commencer concrètement la diversification économique ? Personnellement, je ne peux admettre de mes équipes des généralités sémantiques, surtout si elles ne sont pas adossées à des objectifs clairs et tangibles. Quels indicateurs sont recouverts par tout cet éventail de mots tels que «décollage, rattrapage, stabilisation, convergence» ? Où veut-on aller avec ce modèle de croissance ? Quels sont ses objectifs ? Et comment veut-on y parvenir ? Si on veut que ce modèle soit crédible, clair, réaliste, et que les structures algériennes de tout ordre, économique, éducative, recherche, etc. se l’approprient, y adhérent et se mobilisent pour l’atteindre, il faudra penser différemment. - Bouteflika appelle le gouvernement à ne pas recourir à l’endettement extérieur ; est-ce une voie envisageable ? Le président de la République a raison dans le sens où nous devrions rester maîtres de notre destin et, pour cela, éviter de finir par avoir recours au FMI. Les principaux indicateurs macroéconomiques de l’Algérie, comme les déficits, le chômage et l’inflation sont mauvais. A cela s’ajoutent les prévisions de croissance qui, selon la Banque mondiale et le FMI, vont passer de 4,2% en 2016 à 1,4% en 2017, et 0,6% en 2018. Des taux de croissance aussi faibles, avec des perspectives de remontée du baril au-delà de 55 dollars, quasiment impossibles à prévoir dans le court terme à moins d’une guerre dans le Golfe, ne pourront qu’accentuer les problèmes du pays. J’ajoute à cela que nous sommes à la deuxième année de la première phase du modèle de croissance économique et qu’aucun indicateur de progrès substantiel n’a été enregistré. Ceci explique pourquoi certains amateurs des solutions de facilité verraient d’un bon œil le recours à l’endettement extérieur. La non-soutenabilité de nos finances publiques nous imposera le recours au FMI si nous ne faisons rien, car avec notre notation «D» par la Coface, il ne faut guère compter sur les marchés pour nous financer à des taux raisonnables. Nos réserves de change offrent quelques garanties à d’éventuels créanciers, mais elles sont dans une dynamique baissière et auront été diminuées par 2 en seulement 4 ans d’ici la fin de cette année. Et lorsque nos réserves seront moins confortables qu’aujourd’hui, il sera alors beaucoup plus difficile d’agir.                          

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