C’est parce que le colonialisme est un phénomène historique qui a touché plusieurs nations que des spécialistes sont venus donner leurs visions sur ce sujet délicat, lors d’une rencontre, organisée, mercredi après-midi, au Salon international du livre d’Alger. C’est dans la salle du Sila qu’une assistance nombreuse est venue assister à cette conférence fortement intéressante, intitulée «Autopsie du colonialisme», animée par des universitaires et chercheurs algériens et étrangers. Cette conférence a été présidée par l’éditeur algérien Rachid Khettab. Le chercheur algérien, Hamid Fouad Soufi, indique d’emblée que nous n’avons rien fait pour analyser ce que pouvaient être le système colonial et le colonialisme en Algérie. «On a étudié, dit-il, leurs effets mais on n’a pas cherché leurs causes. Et du coup, certains disent que si nous avons été colonisés, c’est parce que nous étions colonisables. On oublie tout simplement que cette colonisation a duré jusqu’en 1962. En Algérie, nous n’avons pas analysé le système colonial. Nous n’avons pas créé de structure pour comprendre pourquoi il y a eu cette colonisation comme beaucoup de pays le font.» Il rappelle que le colonialisme n’a pas été une aventure philanthropique et que le racisme est consubstantiel à tout système colonial, et ce, quelle que soit sa nationalité. Il est vrai que ce colonialisme a donné la priorité et des avantages à un peuple au détriment des autochtones. Selon l’orateur, le colonialisme va alors trouver tous les arguments possibles pour justifier l’occupation et l’exploration du pays. Les motivations du colonialisme sont variées. Elles se déclinent essentiellement sous la forme de ressources naturelles, tout en s’assurant des débouchés en cas de surproductions. Le colonialisme était une mission civilisatrice. «En fait, cette mission, c’est un mythe. Nous les Algériens, l’avons vécu. Le fait colonial peut être défini comme une domination et une exploitation», argue-t-il. L’écrivain sénégalais et président d’African Renaissance International Ground, Malik Kane, a présenté, pour sa part, sa revue de recherche Afric magazine, avant de se pencher sur la problématique du néocolonialisme et de ses nouvelles formes de pénétration. Triangle atlantique Il estime qu’il faut aborder la déconstruction du colonialisme pour mieux la comprendre. Il est convaincu qu’il faut impérativement retracer le triangle atlantique. «L’Amérique, soutient-il, a été un terrain d’expérimentation pour déporter nos ancêtres afin qu’ils deviennent, par la suite, des esclaves. En 1991, lors de la conception de deux building fédéraux à usage de bureaux de gouvernants américains, on a trouvé des restes humains en creusant. 419 restes humains ont été déplacés et cachés. Ils les ont cachés pour empêcher la population d’entrer en connaissance de ces informations leur permettant de mieux comprendre la mémoire de leurs ancêtres esclaves. Le fait colonial dans n’importe quelle partie du monde est un fait anthropologique et humain. La première manifestation de ce concept colonial est l’occupation du territoire et de l’espace. Il est important, aujourd’hui, d’adopter une résolution pour essayer de se projeter stratégiquement, car il y a une dépossession de notre espace-territoire.» Pour notre interlocuteur, l’école est le moyen de l’expression de ce fait colonial. L’institution scolaire d’une manière générale a pu se faire grâce à la langue coloniale. «Il s’agit là d’une violence symbolique. L’école participe aujourd’hui à cette dépossession culturelle. Il faut déconstruire le système scolaire pour arriver à une réappropriation identitaire qui va nous permettre de parvenir à la renaissance africaine», assure-t-il. Un autre niveau de la dépossession vient se greffer, c’est celui de l’initiative politique. «Nous avons perdu notre espace et notre identité. L’Afrique n’a pas de veto au Conseil de sécurité de cette gouvernance mondiale politique, alors que tous les autres continents sont représentés. Il faudrait repenser cette doctrine coloniale sous d’autres formes d’expressions modernes, en reposant le débat de manière afro centrique et aider à se décoloniser de cette forme d’impérialisme politique, culturel et économique. Il faut dire, en outre, que l’émigration, telle qu’elle se déroule, est le fruit et la conséquence de l’esprit du colonialisme», note Malik Kane. De son côté, l’écrivain, poète et traducteur égyptien Abdellah Hammadi refuse, d’emblée, le terme de colonisation, car il contient une connotation plutôt positive. Il préfère de loin le terme d’occupation. Il a axé son intervention sur la colonisation espagnole de l’Amérique latine. Après la chute de Grenade en 1492, les Espagnols ont commencé à penser et à élargir leur empire. Ils ont envoyé Christophe Colomb à la recherche d’un nouveau monde. «Ce nouveau monde, explique-t-il, consistait à apporter de l’argent pour étendre le christianisme et préparer les Espagnols à une troisième guerre des croisades vers Jérusalem. Et c’est aussi pour récupérer l’ancien empire romain de l’Afrique du Nord.» Indigènes Abdellah Hammadi poursuit son constat amer en rappelant que le véritable nom de l’Amérique latine, personne ne le connaissait avant l’arrivée de Christophe Colomb. «Jusqu’à maintenant, ils ont éliminé le nom originel de ce continent. Je crois que le continent du Nouveau monde avait un nom avant l’arrivée de l’explorateur Christophe Colomb.» En 1495, les Espagnols ont conquis Grenade. Ils ont découvert le nouveau monde et ont édité le premier ouvrage de grammaire espagnole. L’intervenant conclut son intervention en soutenant que les Espagnols ont exterminé tout un peuple. «Ils ont utilisé l’ancienne politique de toute la colonisation. Ils ont utilisé les indigènes contre les indigènes pour exterminer la civilisation des Incas.» Le diffuseur de l’édition française en Suède, Niels Anderson, pense que le colonialisme n’est pas mort. C’est ainsi qu’il soutient que l’autopsie peut commencer, mais ne peut pas être achevée car «le colonialisme reste une réalité incontestable, et ce, sous différentes formes, autres que le colonialisme territorial tel qu’il était centré en Algérie, de 1830 à 1962. Le colonialisme est toujours là, sous des formes économiques, financières et il est dans le tiers-monde, mais en Europe aussi comme la Grèce et dans le monde», dit-il. L’écrivain et académicien mexicain Rios Saloma est revenu sur les éléments qui ont caractérisé la conquête de l’Amérique, en ne manquant pas de rappeler les aspects positifs et négatifs de cette conquête et les héritages contemporains de la colonisation de l’Amérique. Dans le registre des conséquences positives, il note la construction d’un espace atlantique entre l’Amérique et l’Europe, dans lequel il y aura une libre-circulation des personnes et des savoirs et l’appropriation de la langue. «Finalement pour nous, la langue espagnole est notre langue maternelle et de communication. Il existe au Mexique plus d’une cinquantaine de langues indigènes. Le gouvernement a fait un effort très important pour récupérer ces langues. Le christianisme est la religion majoritaire en Amérique latine.» L’esclavage reste l’une des questions les plus négatives, ajouter à cela, entre autres, la discrimination économique et raciste.
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