jeudi 14 juin 2018

FIFA : de l’indigence à l’opulence

La Fédération internationale de football association (FIFA) est une vieille institution (114 ans) qui a su s’adapter aux époques. Fondée en mai 1904 à Paris par la volonté des dirigeants de trois pays européens (France, Pays-Bas, Belgique), elle est devenue, un siècle plus tard, une institution qui compte plus de membres que l’ONU. A l’origine, son rayonnement ne dépassait pas un tout petit espace européen avant d’atteindre une dimension planétaire avec le temps. Ses premiers statuts sont adoptés le 23 avril 1904 à Paris par les délégués de six pays : France, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Danemark, Suède, Espagne. Le projet de création d’une compétition de grande envergure (Coupe du monde) est adopté lors du 2e congrès de la FIFA, tenu en juin 1905 dans la capitale française. L’année suivante, la FIFA est secouée par sa première crise. Les Anglais n’entendent pas accepter l’autorité de cette organisation de création ultérieure par rapport à celle du Royaume-Uni. Les jalons de la création d’une Coupe du monde regroupant de nombreux pays sont lancés au congrès d’Amsterdam de 1928, qui prélude à la tenue d’une Coupe du monde en 1930. Les dirigeants ont saisi l’opportunité d’un tel événement sur les maigres, pour ne pas dire insignifiantes finances de l’organisation. Les cotisations des membres étaient à l’époque la seule ressource qui faisait tourner la FIFA. Au congrès d’Amsterdam, le bilan financier de la FIFA accuse un déficit de l’ordre de 500 florins, qui représente 1/3 de son budget annuel. Le 1% prélevé des recettes des matchs internationaux ne suffit pas à recruter un second employé, ni verser des indemnités aux officiels. La Coupe du monde de 1934 en Italie offre à la FIFA son premier gros pactole sous la forme d’un bénéfice net de 55 778 francs suisses. Le second conflit mondial laisse la FIFA à genoux. Pas de compétition, pas de recettes, les Fédérations ne versent pas leurs cotisations. Le pari gagné de Stanley Rous Un manque à gagner que la FIFA supporte difficilement. Au congrès de Londres de 1948, elle décide de doubler le pourcentage qui lui revient des matchs amicaux. La Coupe du monde au Brésil en 1950 permet à la FIFA d’engranger de substantielles recettes générées par les entrées au stade. Le Brésil a fait rentrer beaucoup d’argent dans les caisses de la FIFA. 5 années plus tard, son capital a augmenté de 2 millions de francs suisses. Ces ressources provenaient essentiellement de la vente des tickets d’entrée au stade. A l’époque, les dirigeants de la FIFA refusaient les aides directes estimant que «tout accord financier avec quelque partie que se soit mettrait en péril l’indépendance de l’organisation». L’arrivée de la télévision était perçue comme un danger pour l’institution et le football. La crainte était de voir les stades se vider de supporters si les matchs étaient retransmis par la télévision.L’arrivée de l’Anglais Stanley Rous à la tête de la FIFA allait bouleverser les codes et conduites de l’instance. Le 6e président de la FIFA (1961-1974) était un ancien arbitre avant d’occuper des postes de responsabilité au niveau de sa fédération. Son arrivée à la tête de la FIFA en 1961 a fait souffler un vent nouveau sur le football. Sa force est d’avoir parfaitement mesuré tout l’avantage que la FIFA tirerait d’un accord avec la télévision. Il dira à ses collègues : «Il ne faut pas avoir peur de la télévision. C’est un partenaire important qui permettra à la FIFA d’augmenter ses recettes pour faire tourner la machine.» Il a eu l’intelligence de s’entourer de spécialistes pour la négociation des contrats. Il a gagné son pari. La retransmission des rencontres de football n’a pas vidé les stades, au contraire, elle a provoqué un engouement extraordinaire qui s’est répercuté positivement sur les finances de la FIFA. Sous son règne inaugure une erre nouvelle, celle de la signature d’accords de partenariat et de sponsoring avec des entreprises commerciales. Les droits de retransmission et de publicité accompagneront le mouvement. L’industrie des articles de sport a un impact publicitaire important sur le football. En 1970, à l’occasion de la Coupe du monde organisée au Mexique, la FIFA signe un contrat avec Adidas pour équiper les arbitres. Son successeur, le Brésilien Joao Havelange (1974-1998), axe son programme sur la recherche de partenaires commerciaux. Patron de la plus importante société de transport au Brésil, membre de plusieurs conseils d’administration, il fait de la multiplication des ressources son cheval de bataille. L’arrivée de Coca Cola Il veut adosser les accords et contrats avec le programme de développement au profit des fédérations des pays pauvres. Il réalise son premier grand coup en 1976, lorsque Coca-Cola accepte de le suivre dans son projet de développement. Il dira : «La FIFA vient de signer le plus important contrat de sponsoring sportif dans le monde.» La marque de boisson verse 5 millions de dollars à la FIFA, qui fait savoir qu’une partie de cette manne ira au projet de développement cher au Brésilien… pour s’assurer les voix des pays pauvres qu’il arrose annuellement. A travers le contrat avec la FIFA, Coca-Cola s’ouvre de nouveaux marchés, pays arabes et de l’Europe de l’Est qui étaient fermés aux produits de consommation du pays de l’Oncle Sam. Un marché gagnant-gagnant.Joao Havelange ne s’arrête pas là. Il se lance dans d’autres projets et marchés, comme ceux des droits de retransmission des matchs, droits de commercialisation des logos, produits dérivés de la FIFA ainsi que des contrats de sponsoring et de publicité. La Coupe du monde 1982 en Espagne rapporte à la FIFA 6 millions de francs suisses en droits de commercialisation. La Coupe du monde 1986 au Mexique multiplie les gains par 10 (50 millions de francs suisses). Les droits de télévision exploseront sous le mandat du Brésilien. Les recettes ont connu une augmentation que même les plus optimistes dirigeants de la FIFA n’osaient imaginer. De 10 millions de francs suisses en Italie (1994), le prix de l’achat des droits de retransmission par les télévisions européennes a été multiplié par 5 en 1998. La société ISL, que la FIFA a créée pour démarcher et négocier des contrats, a réalisé une belle opération en faisant rentrer dans les caisses de la FIFA 100 millions de francs suisses lors de la Coupe du monde 1990 organisée par l’Italie. Lorsque le Suisse Joseph Sepp Blatter prend la suite de Joao Havelange (1998-2015), la FIFA commence à vaciller à cause d’affaires de scandale à répétition. En mai 2001, alors que Joseph Blatter est en pleine campagne pour un second mandat, éclate le scandale d’ISL qui est déclarée en faillite. L’année suivante, 2002, c’est le groupe allemand Kirch (média) qui met la clé sous le paillasson pour cessation de paiement. Ces deux affaires marquent le début de la fin du rusé Blatter qui finira par être emporté par les scandales à répétition qui ont marqué la seconde partie de sa présence à la tête de la FIFA.  

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